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25/03/2013 | FRANCE | N°352658

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 25 mars 2013, 352658


Vu le pourvoi, enregistré le 13 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n°s 0903914-1102123 du 11 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg, faisant droit aux demandes de M. B..., d'une part, a annulé les décisions des 18 avril 2009 et 10 octobre 2010 du ministre chargé de la justice le nommant élève surveillant et surveillant stagiaire en tant qu'elles le reclassent à un indice 390, 400 et 476, d'

autre part, lui a enjoint, dans les deux mois de la notification d...

Vu le pourvoi, enregistré le 13 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n°s 0903914-1102123 du 11 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg, faisant droit aux demandes de M. B..., d'une part, a annulé les décisions des 18 avril 2009 et 10 octobre 2010 du ministre chargé de la justice le nommant élève surveillant et surveillant stagiaire en tant qu'elles le reclassent à un indice 390, 400 et 476, d'autre part, lui a enjoint, dans les deux mois de la notification du jugement, de procéder au reclassement demandé ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code de la défense ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Esther de Moustier, Auditeur,

- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. B...,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. B... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B..., lauréat du concours de surveillants des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire après avoir effectué 23 ans et 11 mois de services militaires, a été nommé par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice du 28 avril 2009 élève surveillant de l'administration pénitentiaire à compter du 1er septembre 2008, date à laquelle il a été radié des cadres de l'armée de l'air et a fait valider sa pension, puis surveillant stagiaire à effet du 9 avril 2009 ; que, par le même arrêté, il a bénéficié d'une bonification pour services militaires à raison des trois quarts et a été reclassé à l'indice majoré 390 au 1er septembre 2008 puis à l'indice majoré 400 au 9 avril 2009 ; qu'il a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté ; qu'en cours d'instance, le ministre de la justice a rapporté l'arrêté litigieux et pris un nouvel arrêté, le 13 octobre 2010, prévoyant la conservation par M. B..., à titre personnel pour la durée de la scolarité et du stage de surveillant sans reprise d'ancienneté, de l'indice majoré 476 dont il bénéficiait en tant que major dans l'armée de l'air ; que M. B... a également déféré cet arrêté au tribunal administratif de Strasbourg ; que le garde des sceaux, ministre de la justice, se pourvoit en cassation contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses arrêtés du 28 avril 2009 et du 13 octobre 2010 ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 4139-1 du code de la défense, dans sa rédaction applicable au litige : " La demande de mise en détachement du militaire lauréat d'un concours de l'une des fonctions publiques civiles ou d'accès à la magistrature est acceptée, sous réserve que l'intéressé ait accompli au moins quatre ans de services militaires, ait informé son autorité d'emploi de son inscription au concours et ait atteint le terme du délai pendant lequel il s'est engagé à rester en position d'activité à la suite d'une formation spécialisée ou de la perception d'une prime liée au recrutement ou à la fidélisation. / Sous réserve des dispositions de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, le militaire lauréat de l'un de ces concours est titularisé et reclassé, dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil dans des conditions équivalentes, précisées par décret en Conseil d'Etat, à celles prévues pour un fonctionnaire par le statut particulier de ce corps ou de ce cadre d'emploi. (...) " ; que les articles R. 4139-5 et R. 4139-6 du code de la défense applicables au litige, issus de la codification des articles 3 et 4 du décret du 4 janvier 2006, pris en application des dispositions précitées, prévoient les règles de classement dans leur corps ou cadre d'emplois d'accueil applicables aux seuls militaires lauréats de concours de la fonction publique ou de la magistrature se trouvant en situation de détachement et non aux militaires ayant été radiés des cadres de l'armée ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La présente loi s'applique aux fonctionnaires civils des administrations de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics y compris les établissements mentionnés à l'article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales, à l'exclusion des fonctionnaires des assemblées parlementaires et des magistrats de l'ordre judiciaire. (...) " ; que l'article 19 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat relatif à l'accès à la fonction publique prévoit que les fonctionnaires sont recrutés notamment par voie de concours réservés aux fonctionnaires de l'Etat, et, dans les conditions prévues par les statuts particuliers, aux agents de l'Etat, militaires et magistrats et aux fonctionnaires et agents des collectivités territoriales et des établissements publics ; qu'aux termes du II de l'article 10 du décret du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, applicables pour la détermination de la rémunération des élèves et stagiaires surveillants qui avaient auparavant la qualité de fonctionnaire ou d'agent non titulaire en vertu de l'article 8 du même décret : " Les surveillants qui avaient auparavant la qualité de fonctionnaire de l'Etat, des collectivités territoriales ou d'établissements publics en relevant sont classés à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'ils percevaient dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le droit au maintien de l'échelon détenu dans le corps ou cadre d'emplois d'origine n'est ouvert qu'aux surveillants qui, antérieurement à leur recrutement dans le corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, avaient déjà la qualité de fonctionnaire civil de l'Etat ; que tel n'est pas le cas des militaires de carrière, qui sont exclus des dispositions du statut général des fonctionnaires ; qu'une telle exclusion n'est, en tout état de cause, pas incompatible avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel dont M. B... se prévaut ;

4. Considérant que, dès lors, en estimant, pour annuler les arrêtés du 28 avril 2009 et du 13 octobre 2010 du garde des sceaux, qu'il y avait lieu d'appliquer à la situation de M. B... les dispositions combinées de l'article 3 du décret du 4 janvier 2006 et de l'article 10 du décret du 14 avril 2006 alors, d'une part, que l'intéressé, radié des cadres de l'armée, n'était pas en situation de détachement, d'autre part, qu'il n'avait pas la qualité de fonctionnaire, le tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit ; que, par suite, son jugement doit être annulé ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 juillet 2011 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Strasbourg.

Article 3 : Les conclusions de M. B... présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la garde des sceaux, ministre de la justice et à M. A... B....


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 352658
Date de la décision : 25/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mar. 2013, n° 352658
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Esther de Moustier
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:352658.20130325
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