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20/03/2013 | FRANCE | N°354547

France | France, Conseil d'État, 1ère / 6ème ssr, 20 mars 2013, 354547


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 2 décembre 2011 et le 20 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association végétarienne de France, dont le siège est boîte postale 4 à Chaumes-en-Brie (77390), pour l'association L 214, dont le siège est à Lachaud-Curnilhac à Langeac (43300), pour l'association One Voice, dont le siège est à la Maison des associations, place des Orphelins à Strasbourg (67000), pour l'association société Végane, dont le siège est 23, rue Greneta à Paris (75002), et pour l'association Ecologie

sans frontière, dont le siège est 22, rue Boulard à Paris (75014), les...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 2 décembre 2011 et le 20 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association végétarienne de France, dont le siège est boîte postale 4 à Chaumes-en-Brie (77390), pour l'association L 214, dont le siège est à Lachaud-Curnilhac à Langeac (43300), pour l'association One Voice, dont le siège est à la Maison des associations, place des Orphelins à Strasbourg (67000), pour l'association société Végane, dont le siège est 23, rue Greneta à Paris (75002), et pour l'association Ecologie sans frontière, dont le siège est 22, rue Boulard à Paris (75014), les unes et les autres représentées par leur président ; les associations requérantes demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2011-1227 du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire et l'arrêté interministériel du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 mars 2013, présentée pour l'association végétarienne de France et autres ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gaël Raimbault, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de l'association végétarienne de France et autres,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de l'association végétarienne de France et autres ;

1. Considérant que l'article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime dispose que : " Les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration scolaire (...) sont tenus de respecter des règles, déterminées par décret, relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu'ils proposent (...) " ; que, selon l'article D. 230-25 inséré dans ce code par le décret attaqué, doivent être proposés pour ces repas " quatre ou cinq plats proposés à chaque déjeuner ou dîner, dont nécessairement un plat principal comprenant une garniture, et un produit laitier " ; qu'il impose également " - le respect d'exigences minimales de variété des plats servis ; / - la mise à disposition de portions de taille adaptée ; / - la définition de règles adaptées pour le service de l'eau, du pain, du sel et des sauces " ; qu'enfin, ce même article renvoie à un arrêté interministériel le soin de préciser " la nature des exigences sur la diversité des plats servis, sur le service de l'eau, du pain, du sel et des sauces ainsi que sur les tailles des portions d'aliments " ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'en fixant ainsi diverses règles ou principes destinés à satisfaire, pour les repas servis par les services de restauration scolaire, à l'objectif d'équilibre nutritionnel défini par le législateur et en renvoyant à un arrêté le soin de les préciser, le Premier ministre, qui n'a pas exclu le petit-déjeuner du champ de ces règles et principes, n'a méconnu ni sa propre compétence, ni les dispositions de l'article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant au champ des obligations adoptées ; que les auteurs du décret et de l'arrêté attaqués n'ont pas non plus méconnu ces dispositions ni leur compétence en définissant des obligations en termes de variété des repas ou de type d'aliments plutôt qu'en termes de nutriments ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que des mesures réglementaires peuvent être prises pour l'application d'une disposition existante mais non encore publiée, à la condition qu'elles n'entrent pas en vigueur avant que la disposition sur laquelle elles se fondent ait été régulièrement rendue opposable aux tiers ; que si l'arrêté interministériel attaqué, daté du 30 septembre 2011, a été pris et publié le même jour que le décret attaqué, pour l'application duquel il est intervenu, il n'est pas entré en vigueur avant celui-ci ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait illégal, en raison d'une publication simultanée à celle du décret, doit être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, que la seule circonstance que les recommandations relatives à la fréquence de présentation des aliments figurant dans le rapport du groupe d'étude des marchés de restauration collective et de nutrition du 4 mai 2007 aient été reprises par l'arrêté attaqué n'établit pas, par elle-même, que les ministres auteurs de cet arrêté se seraient crus liés par ces recommandations et se seraient ainsi mépris sur leur compétence ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que, pour la seule raison que leurs dispositions combinées imposent de servir des produits issus de l'élevage et de la pêche, le décret et l'arrêté attaqués méconnaitraient l'article L. 230-1 du code rural et de la pêche maritime, selon lequel la politique publique de l'alimentation vise à assurer à la population l'accès à une alimentation produite dans des conditions durables ; qu'ils ne sont, en tout état de cause, pas fondés à soutenir qu'ils méconnaîtraient les articles 2, 3 et 6 de la Charte de l'environnement ;

6. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la Constitution : " La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances " et qu'aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi " ; qu'aux termes de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. / La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ;

7. Considérant que s'il est soutenu que l'arrêté attaqué méconnaîtrait ces dispositions et stipulations ainsi que le principe d'égalité des usagers devant le service public en ce qu'il oblige, dans les cantines scolaires, à la consommation de protéines animales, notamment en définissant le plat principal comme composé de telles protéines et non de protéines végétales, la restauration scolaire constitue un service public dont la fréquentation est facultative ; que les dispositions en cause, qui ont pour seul objet d'assurer la qualité nutritionnelle des repas proposés par les gestionnaires de ces cantines, lesquels comportent également, aux termes de l'arrêté, d'autres nutriments que les protéines animales, ne font pas par eux-mêmes obstacle à l'exercice des choix alimentaires dictés à leurs usagers par leur conscience ; que, par suite, ces moyens doivent être écartés ;

8. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard notamment de la nécessité de combiner des protéines végétales de plusieurs origines afin d'atteindre l'objectif de qualité nutritionnelle fixé par le législateur et de leur moins bonne assimilation par l'organisme que les protéines contenues dans la viande et le poisson, que les ministres auraient commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la nature des aliments devant entrer dans la composition des plats ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l'agriculture, les conclusions des associations requérantes à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'association végétarienne de France, de l'association L 214, de l'association One Voice, de l'association société Végane et de l'association Ecologie sans frontière est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association végétarienne de France, premier requérant dénommé, au Premier ministre et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Les autres requérants seront informés de la présente décision par la SCP Monod, Colin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : 1ère / 6ème ssr
Numéro d'arrêt : 354547
Date de la décision : 20/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2013, n° 354547
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Gaël Raimbault
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:354547.20130320
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