La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2013 | FRANCE | N°349669

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 20 mars 2013, 349669


Vu le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement, enregistré le 27 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 09PA05607 du 15 mars 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel des sociétés Société Générale et Génébanque contre le jugement du 26 juin 2009 du tribunal administratif de Paris, a annulé ce jugement et déchargé la société Société Générale des cotisations supplémentaires d'impôt sur les

sociétés, de contribution additionnelle de 10% et de contribution tempo...

Vu le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement, enregistré le 27 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 09PA05607 du 15 mars 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel des sociétés Société Générale et Génébanque contre le jugement du 26 juin 2009 du tribunal administratif de Paris, a annulé ce jugement et déchargé la société Société Générale des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle de 10% et de contribution temporaire de 15% auxquelles elle a été assujettie, en sa qualité de société intégrante du groupe fiscal auquel appartient la société Génébanque, au titre de l'exercice clos au cours de l'année 1997 ainsi que des intérêts de retard correspondants ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,

- les observations dela SCP Barthélémy, Matuchansky, Vexliard, avocat des sociétés Société Générale et Génébanque,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélémy, Matuchansky, Vexliard, avocat des sociétés Société Générale et Génébanque ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 30 mars 1987, la société Généfinance a apporté à la société Génébanque des actifs comprenant des titres de la société Sogapec, ultérieurement devenue SG Capital Développement ; que ces titres, figurant au bilan de la société apporteuse pour un montant de 201 501 341 francs (30 718 681,41 euros), ont été inscrits à l'actif de la société bénéficiaire pour leur valeur d'apport, établie à 287 701 812 francs (43 859 858,50 euros) ; que la plus-value d'apport, d'un montant de 86 200 471 francs (13 141 177,09 euros), ainsi dégagée par la société Généfinance à l'occasion de cette opération a été placée sous le régime prévu aux articles 210 A et 210 B du code général des impôts ; qu'en 1997, la société SG Capital Développement a procédé au rachat de ses propres titres détenus par la société Génébanque au prix de 292 680 783 francs (44 618 897,73 euros), en vue de leur annulation ultérieure par voie de réduction de capital ; que la société Génébanque a constaté un gain de rachat d'un montant de 91 179 441 francs (13 900 216,17 euros), correspondant à la différence entre la valeur comptable des titres dans les écritures de la société Généfinance et le prix de rachat, qu'elle a retranché de son bénéfice net imposable au titre de l'exercice clos au cours de l'année 1997 en application du régime des sociétés mères et filiales organisé par les dispositions des articles 145 et 216 du code général des impôts ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de cette société, l'administration fiscale a exclu du bénéfice de ce régime la fraction du montant du prix de rachat correspondant à la plus-value d'apport placée en sursis d'imposition, soit 86 200 471 francs (13 141 177,09 euros), qu'elle a soumise à l'impôt sur les sociétés au taux réduit de 19 % prévu par les dispositions de l'article 39 duodecies du code général des impôts dans leur rédaction alors applicable ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles issues de ce redressement ont été mises à la charge de la société Société Générale, en application de l'article 223 A du code général des impôts, en sa qualité de société intégrante d'un groupe fiscal dont fait partie la société Génébanque ; que, par un arrêt du 15 mars 2011, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 26 juin 2009 et déchargé la société Société Générale de ces suppléments d'impôts ; que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement, se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'exercice clos en 1997 : "1. (...), le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation./ 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...)" ; qu'aux termes de l'article 210 B du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à l'année 1992 : " 1. Les dispositions de l'article 210 A s'appliquent aux scissions et aux apports partiels d'actif (...) " ; que l'article 210 A du même code dispose que la société bénéficiaire doit calculer les plus-values réalisées ultérieurement à l'occasion de la cession des immobilisations non amortissables d'après la valeur qu'elles avaient, du point de vue fiscal, dans les écritures de la société absorbée ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 216 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'exercice clos en 1997 : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci (...) " ;

4. Considérant que le gain net dégagé par un associé ou actionnaire passible de l'impôt sur les sociétés détenant des titres de participation à l'occasion du rachat par la société émettrice de ses propres actions, ne constitue pas un gain en capital mais un produit net de participation à concurrence, conformément aux dispositions du 2 de l'article 38 combiné avec l'article 209 du même code, de la différence entre le prix de rachat et la valeur d'acquisition des titres inscrite à son bilan d'ouverture ; que, dans le cas où l'actionnaire a acquis les titres à l'occasion d'un apport partiel d'actif placé sous le régime des articles 210 A et 210 B du code général des impôts, qui instaure un sursis d'imposition, la valeur d'acquisition des titres ainsi apportés est celle qui était retenue dans les écritures de la société apporteuse ;

5. Considérant, par suite, qu'en jugeant que le gain de rachat correspondant à la différence entre le prix versé à la société Génébanque pour le rachat des titres SG Capital Développement et la valeur d'inscription comptable de ces titres, en 1987, dans les écritures de la société apporteuse Généfinance, lors de l'opération d'apport partiel d'actifs réalisée par cette société au profit de la société Génébanque, entrait dans le champ des dispositions de l'article 216 du code général des impôts, y compris en tant qu'il incluait la somme égale à la plus-value d'apport, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; que, dès lors, le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 3 000 euros à verser à la société Société Générale et à la société Génébanque au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement, est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Société Générale et à la société Génébanque la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances, à la société Société Générale et à la société Génébanque.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 349669
Date de la décision : 20/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES. DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE. - RACHAT PAR LA SOCIÉTÉ ÉMETTRICE DE SES PROPRES ACTIONS - GAIN NET DÉGAGÉ À CETTE OCCASION PAR UN ASSOCIÉ OU ACTIONNAIRE PASSIBLE DE L'IS DÉTENANT DES TITRES DE PARTICIPATION - GAIN EN CAPITAL - ABSENCE - PRODUIT NET DE PARTICIPATIONS (ART. 216 DU CGI) - EXISTENCE, À CONCURRENCE DE LA DIFFÉRENCE ENTRE LE PRIX DE RACHAT ET LA VALEUR D'ACQUISITION DES TITRES INSCRITE À SON BILAN D'OUVERTURE (ART. 38, 2 ET ART. 209 DU CGI) [RJ1] - CAS DE TITRES ACQUIS À L'OCCASION D'UN APPORT PARTIEL D'ACTIF PLACÉ SOUS LE RÉGIME DE SURSIS D'IMPOSITION DES ARTICLES 210 A ET 210 B DU CGI - VALEUR D'ACQUISITION DES TITRES APPORTÉS - VALEUR INSCRITE DANS LES ÉCRITURES DE LA SOCIÉTÉ APPORTEUSE - EXISTENCE [RJ2].

19-04-01-04-03 Le gain net dégagé par un associé ou actionnaire passible de l'impôt sur les sociétés (IS) détenant des titres de participation à l'occasion du rachat par la société émettrice de ses propres actions ne constitue pas un gain en capital mais un produit net de participations à concurrence, conformément aux dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts (CGI) combiné avec l'article 209 du même code, de la différence entre le prix de rachat et la valeur d'acquisition des titres inscrite à son bilan d'ouverture. Dans le cas où l'actionnaire a acquis les titres à l'occasion d'un apport partiel d'actif placé sous le régime des articles 210 A et 210 B du CGI qui instaure un sursis d'imposition, la valeur d'acquisition des titres ainsi apportés est celle qui était retenue dans les écritures de la société apporteuse.


Références :

[RJ1]

Rappr., pour l'application de la retenue à la source, CE, 31 juillet 2009, Société Fiteco, n° 296052, p. 339 ;

CE, 26 juillet 2011, Ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat c/ Société Pfizer Holding France, n° 325464, T. p. 896.,,

[RJ2]

Cf., pour le caractère intercalaire d'une opération de fusion placée sous le régime des articles 210 A et 210 B du CGI, CE, 11 février 2013, Ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement c/ Société Heineken France, n° 356519, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2013, n° 349669
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:349669.20130320
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award