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22/02/2013 | FRANCE | N°358957

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 22 février 2013, 358957


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 avril et 15 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues, dont le siège est 116 rue de la Convention à Paris (75015) ; le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1202740 du 16 avril 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a

suspendu l'exécution de la décision du 17 novembre 2011 par laquelle...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 avril et 15 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues, dont le siège est 116 rue de la Convention à Paris (75015) ; le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1202740 du 16 avril 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de la décision du 17 novembre 2011 par laquelle le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues a, d'une part, confirmé la décision du 16 mars 2011 du Conseil régional de l'ordre des pédicures-podologues de Lorraine rejetant la demande de dérogation de M. B...tendant au renouvellement de son cabinet secondaire à Saint-Cloud et, d'autre part, ordonné la fermeture de celui-ci à compter du 5 juillet 2012 ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret n° 2007-1541 du 26 octobre 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Chelle, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues et de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. A...B...,

- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. A...B...;

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 4322-79 du code de la santé publique, créé par le décret du 26 octobre 2007 portant code de déontologie des pédicures-podologues : " Le pédicure-podologue ne doit avoir, en principe, qu'un seul cabinet. Toutefois la création ou le maintien d'un ou plusieurs cabinets secondaires peuvent être autorisés si le besoin des patients le justifie du fait d'une situation géographique ou démographique particulière. L'autorisation est accordée par le conseil régional de l'ordre du lieu où est envisagée l'implantation du ou des cabinets secondaires. Si le cabinet principal se situe dans une autre région, le conseil régional de l'ordre de cette dernière doit donner son avis motivé. L'autorisation est donnée à titre personnel et n'est pas cessible. Le conseil régional de l'ordre doit informer immédiatement le Conseil national de l'ordre de la dérogation accordée " ; qu'aux termes de l'article R. 4322-81 du même code, dans sa rédaction issue du même décret : " Les autorisations de cabinets secondaires prévues aux articles R. 4322-79 et R. 4322-80 sont accordées pour une période de trois ans renouvelables. Toutefois l'autorisation de cabinet secondaire peut être retirée à tout moment par l'autorité qui l'a accordée lorsque les conditions nécessaires à son obtention ne sont plus remplies " ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes des dispositions transitoires figurant à l'article 2 du décret du 26 octobre 2007 : " I.- Les cabinets secondaires existant antérieurement à la date de publication du présent décret doivent être déclarés au conseil régional de l'ordre des pédicures-podologues concerné dans les trois mois suivant cette date. Leur existence ne peut être mise en cause tant que le Conseil national de l'ordre ne s'est pas prononcé sur les dérogations prévues à l'article R. 4322-79 du code de la santé publique (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, par dérogation aux articles R. 4322-79 et R. 4322-81 précités du code de la santé publique, qui donnent compétence aux conseils régionaux de l'ordre pour autoriser l'exploitation de cabinets secondaires, c'est au conseil national qu'il appartenait de se prononcer sur l'octroi d'une première autorisation aux cabinets existant avant le 28 octobre 2007, le renouvellement de cette autorisation à l'expiration de sa période de validité de trois ans relevant ensuite de la compétence du conseil régional ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise que M.B..., pédicure-podologue, a ouvert un cabinet principal à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) en 1994, puis un cabinet secondaire à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) en 1997 ; qu'à la suite de la publication du décret du 26 octobre 2007, qui a posé le principe de l'exploitation d'un cabinet unique pour chaque pédicure-podologue, sauf dérogation justifiée par les besoins des patients, il a, en application des dispositions précitées de l'article 2 de ce décret, déclaré son cabinet secondaire puis obtenu du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues l'autorisation de le maintenir jusqu'au 15 mars 2011 ; que, par une décision du 16 mars 2011, le conseil régional de l'ordre des pédicures-podologues de Lorraine, sur renvoi du conseil régional de l'ordre d'Ile-de-France, a rejeté sa demande de dérogation en vue du renouvellement de l'autorisation relative à ce cabinet secondaire ; que le conseil national a rejeté un recours de l'intéressé par une décision du 17 novembre 2011 ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 16 avril 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de cette décision ;

Sur l'urgence :

4. Considérant que, pour juger que la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative était remplie, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a relevé que la décision du conseil national de l'ordre était susceptible, à brève échéance, de priver M. B...d'une partie de sa clientèle et que la circonstance que celui-ci avait bénéficié d'une période transitoire depuis l'entrée en vigueur du décret du 26 octobre 2007 était sans incidence sur cette situation ; qu'il a, ce faisant, suffisamment motivé son ordonnance ; que le juge des référés n'a commis aucune erreur de droit et n'a pas davantage dénaturé les faits de l'espèce en relevant, d'une part, afin de caractériser la situation d'urgence, que la clientèle du cabinet secondaire représentait environ 40% du chiffre d'affaires de M. B..., et en jugeant, d'autre part, qu'aucune considération tirée de l'urgence à exécuter la décision du conseil national ne faisait obstacle au prononcé d'une mesure de suspension ; qu'enfin, c'est sans dénaturation que le juge des référés a pu estimer, compte tenu des incidences de la décision contestée sur l'activité professionnelle de l'intéressé, que la condition d'urgence était remplie, alors même que M. B...ne l'avait saisi que le 30 mars 2012 pour obtenir la suspension de la décision contestée qui lui avait été notifiée le 5 janvier 2012 ;

Sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée :

5. Considérant que, pour prononcer la suspension de l'exécution de la décision du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues refusant le maintien du cabinet secondaire de M.B..., le juge des référés a désigné deux moyens qui lui paraissaient susciter, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de cette décision, tirés, l'un, de la méconnaissance du principe de sécurité juridique et, l'autre, d'une erreur dans l'appréciation des besoins des patients ;

6. Considérant qu'il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique le cas échéant une réglementation nouvelle ; que l'application combinée des dispositions transitoires de l'article 2 du décret du 26 octobre 2007 et des articles R. 4322-79 et R. 4322-81 du code de la santé publique a permis aux titulaires de cabinets secondaires existant avant le 28 octobre 2007 de continuer à les exploiter jusqu'à ce que le conseil national ait statué sur l'octroi d'une dérogation autorisant le maintien du cabinet secondaire pendant une durée de trois ans ; que les titulaires de cabinets secondaires ayant obtenu une dérogation en application de ces dispositions ne peuvent se prévaloir utilement, à l'encontre du refus de la renouveler à l'expiration de la période de trois ans pour laquelle elle avait été accordée, de l'atteinte à la sécurité juridique qui résulterait du caractère insuffisant des dispositions transitoires du décret du 26 octobre 2007 ; que, dès lors, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a commis une erreur de droit en regardant comme de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 17 novembre 2011 le moyen tiré de ce que le décret du 26 octobre 2007 serait illégal du fait de l'insuffisance de ses mesures transitoires et de l'atteinte à la sécurité juridique en résultant pour les intéressés ;

7. Considérant, en revanche, que le juge des référés a porté une appréciation souveraine, exempte de dénaturation et d'erreur de droit, en regardant comme sérieux le moyen tiré d'une erreur d'appréciation des besoins des patients, compte tenu des particularités de la ville de Saint-Cloud et, notamment, de sa situation démographique, du niveau de vie de ses habitants et de ses facilités d'accès ; que ce motif suffit à justifier légalement sa décision ;

8. Considérant, au surplus, que jusqu'à l'intervention du décret du 16 novembre 2012 aucune disposition ne donnait compétence au Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues pour connaître d'un recours contre les décisions prises par les conseils régionaux en matière d'autorisations de cabinets secondaires ; qu'il appartenait au juge des référés de relever d'office le moyen, non invoqué par M. B...mais qui était d'ordre public, tiré de ce que la décision dont la suspension était demandée était entachée d'incompétence ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues le versement à M. B...d'une somme de 3 000 euros en application des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues est rejeté.

Article 2 : Le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues versera une somme de 3 000 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues et à M. A...B....


Synthèse
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 358957
Date de la décision : 22/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 2013, n° 358957
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique Chelle
Rapporteur public ?: Mme Fabienne Lambolez
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:358957.20130222
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