La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2013 | FRANCE | N°363921

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 15 février 2013, 363921


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 novembre et 3 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Derichebourg polyurbaine, dont le siège est zone industrielle Val de Seine, 1 avenue Marcelin Berthelot à Villeneuve-la-Garenne (92390) ; la société Derichebourg polyurbaine demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 1208269 du 30 octobre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrati

ve, a, sur la demande de la société Europe services déchets, d'u...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 novembre et 3 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Derichebourg polyurbaine, dont le siège est zone industrielle Val de Seine, 1 avenue Marcelin Berthelot à Villeneuve-la-Garenne (92390) ; la société Derichebourg polyurbaine demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 1208269 du 30 octobre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, sur la demande de la société Europe services déchets, d'une part, annulé la procédure d'appel d'offres ouvert lancée par la commune de Colombes pour la passation du marché de " collecte des déchets ménagers et assimilés respectueuse de l'environnement " et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la société Europe services déchets et de la commune de Colombes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Natacha Chicot, Auditeur,

- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Derichebourg polyurbaine, et de la SCP Boulloche, avocat de la société Europe services déchets,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gaschignard, avocat de la société Derichebourg polyurbaine, et à la SCP Boulloche, avocat de la société Europe services déchets ;

1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative que le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue peut être saisi, avant la conclusion d'un contrat de commande publique ou de délégation de service public, d'un manquement, par le pouvoir adjudicateur, à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 8 juin 2012, la commune de Colombes a lancé une procédure d'attribution d'un marché à bons de commande portant sur la " collecte des déchets ménagers et assimilés respectueuse de l'environnement " ; que, par un courrier en date du 1er octobre 2012, la commune de Colombes a informé la société Europe services déchets du rejet de son offre et de l'attribution du marché à la société Derichebourg polyurbaine ; que, par l'ordonnance attaquée du 30 octobre 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi par la société Europe services déchets, sur le fondement de l'article

L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé l'ensemble de la procédure ;

3. Considérant, en premier lieu, que le juge des référés a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que pour attribuer une note au titre du

sous-critère relatif à l'impact environnemental, regardé lui-même comme un critère de sélection, le pouvoir adjudicateur avait exigé la production d'un bilan carbone sans en préciser le contenu ni en définir les modalités d'appréciation ; qu'ayant en conséquence souverainement relevé, sans dénaturer les pièces du dossier, que des incertitudes et contradictions affectaient ainsi la sélection des offres, il n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le pouvoir adjudicateur avait manqué, à ce titre, à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article 53 du code des marchés publics : " Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde: / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché. / 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix " ; que si ces dispositions laissent à la collectivité publique le choix des critères d'attribution du marché qu'elle entend retenir, ceux-ci doivent être justifiés par l'objet du marché et permettre d'identifier l'offre économiquement la plus avantageuse ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit en contrôlant le rapport avec l'objet du marché du critère de sélection relatif au " volet social " de l'offre ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés a contrôlé ce rapport non au regard de l'intitulé du marché mais au regard de son objet ; que, de même, en jugeant qu'il n'était pas justifié, en l'espèce, que la sélection des offres au regard de la " politique sociale de l'entreprise ", notamment au regard de la formation des personnels et aux exigences en matière de sécurité, ait été en rapport avec l'objet du marché, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier eu égard à la généralité de ce critère, indépendant de l'objet propre et des spécificités du marché ;

6. Considérant, en dernier lieu, que le juge des référés, qui a suffisamment motivé sur ce point son ordonnance, n'a pas inexactement qualifié les faits en estimant que le manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence tiré de ce que le critère de sélection relatif au " volet social " de l'entreprise n'était pas en rapport avec l'objet du marché était susceptible d'avoir lésé la société requérante en se fondant, d'une part, sur l'importance de ce critère et, d'autre part, sur la circonstance que la société attributaire avait obtenu, pour ce critère, la note maximale ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Derichebourg polyurbaine doit être rejeté ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros à verser à la société Europe services déchets au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Derichebourg polyurbaine est rejeté.

Article 2 : La société Derichebourg polyurbaine versera à la société Europe services déchets une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Derichebourg polyurbaine et à la société Europe services déchets.

Copie en sera adressée pour information à la commune de Colombes.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 363921
Date de la décision : 15/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 2013, n° 363921
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Natacha Chicot
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD ; SCP BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:363921.20130215
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award