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15/02/2013 | FRANCE | N°336006

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 15 février 2013, 336006


Vu l'ordonnance n° 09VE02386 du 15 décembre 2009, enregistrée le 5 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par Mme A...B..., demeurant..., ;

Vu le pourvoi, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles le 20 juillet 2009, présenté pour MmeB... ; Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 090328

1-1 du 5 juin 2009 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa d...

Vu l'ordonnance n° 09VE02386 du 15 décembre 2009, enregistrée le 5 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par Mme A...B..., demeurant..., ;

Vu le pourvoi, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles le 20 juillet 2009, présenté pour MmeB... ; Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0903281-1 du 5 juin 2009 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat, en application de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, de lui attribuer un logement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Leïla Derouich, Auditeur,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de MmeB...,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de MmeB... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeB..., bénéficiaire d'une décision favorable de la commission de médiation des Yvelines pour l'attribution d'un logement, a saisi le tribunal administratif de Versailles sur le fondement de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Yvelines d'exécuter cette décision en lui attribuant un logement correspondant à ses besoins et ses capacités ; que le tribunal administratif a rejeté sa demande par un jugement du 5 juin 2009 contre lequel elle se pourvoit en cassation ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation : " I.- Le demandeur qui a été reconnu par la commission de médiation comme prioritaire et comme devant être logé d'urgence et qui n'a pas reçu, dans un délai fixé par décret, une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son logement ou son relogement. / (...) Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne, lorsqu'il constate que la demande a été reconnue comme prioritaire par la commission de médiation et doit être satisfaite d'urgence et que n'a pas été offert au demandeur un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités, ordonne le logement ou relogement de celui-ci par l'Etat et peut assortir son injonction d'une astreinte. / Le montant de cette astreinte est déterminé en fonction du loyer moyen du type de logement considéré comme adapté aux besoins du demandeur par la commission de médiation. / Le produit de l'astreinte est versé au fonds national d'accompagnement vers et dans le logement institué en application de l'article L. 300-2 " ;

3. Considérant que le juge administratif, saisi sur le fondement de ces dispositions d'une demande tendant à ce qu'il ordonne le logement ou le relogement d'une personne dont la commission de médiation a estimé qu'elle est prioritaire et doit être logée en urgence, doit y faire droit s'il constate qu'il n'a pas été offert à cette personne un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités tels qu'ils ont été définis par la commission ; que, si un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré, il incombe à l'ensemble des autorités administratives de tirer, le cas échéant, toutes les conséquences légales de cet acte aussi longtemps qu'il subsiste ; qu'eu égard à la nature de son office, il n'appartient pas au juge saisi en vertu des dispositions de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation d'apprécier la légalité des décisions des commissions de médiation, tant à la demande de l'administration qu'à celle du demandeur de logement, même pour tirer les conséquences d'une fraude ;

4. Considérant que le tribunal administratif de Versailles, après avoir estimé que la demande présentée par Mme B...devant la commission de médiation mentionnait des éléments erronés, en a déduit que Mme B...ne pouvait se prévaloir d'aucun droit tiré de la décision ainsi obtenue et a rejeté pour ce motif la demande d'injonction dont il était saisi ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en statuant de la sorte le tribunal a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, son jugement doit être annulé ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la demande d'injonction :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour exécuter la décision favorable de la commission de médiation, le préfet des Yvelines a proposé la candidature de Mme B...en rang unique à la société HLM Orly Parc pour l'attribution d'un logement de quatre pièces situé dans la commune des Mureaux ; que la commission d'attribution des logements de la société HLM Orly Parc a toutefois rejeté la candidature de Mme B...au motif que sa situation administrative était confuse ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé leur adoption, font peser sur l'Etat, désigné comme garant du droit au logement opposable, une obligation de résultat ; que la proposition par le préfet de la candidature du demandeur reconnu prioritaire à une société HLM pour un logement correspondant à ses besoins et capacités, alors même qu'elle atteste des diligences effectuées, ne peut, en l'absence de l'intervention d'un accord effectif de l'organisme, s'analyser comme constituant une offre de logement au sens des dispositions de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation ;

8. Considérant toutefois qu'un comportement de nature à faire obstacle à l'exécution par le préfet de la décision de la commission de médiation peut délier l'administration de l'obligation de résultat qui pèse sur elle ; qu'en l'espèce, les éléments avancés par le préfet des Yvelines sur le déroulement de la procédure d'attribution d'un logement à MmeB..., consistant en de simples inexactitudes de faible portée dont le formulaire de demande rempli par l'intéressée était entaché, ne sont pas de nature à établir que l'absence d'offre de logement serait imputable à l'intéressée ;

9. Considérant qu'il est constant qu'aucune offre de logement correspondant à ses besoins et capacités n'a été faite à MmeB... ; que l'administration ne soutient pas que l'urgence à la reloger ait disparu du fait de circonstances postérieures à la décision de la commission de médiation ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Yvelines de faire à l'intéressée une offre de logement correspondant à ses besoins et capacités ;

Sur l'astreinte :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation issues de la loi du 25 mars 2009, d'assortir l'injonction prononcée d'une astreinte destinée au fonds national d'accompagnement vers et dans le logement, et d'en fixer le montant à 1 000 euros par mois de retard ;

Sur les conclusions de Mme B...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 5 juin 2009 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Yvelines d'assurer le logement de Mme B... dans un logement tenant compte de ses besoins et capacités, sous une astreinte destinée au fonds d'aménagement urbain de la région Ile-de-France de 1 000 euros par mois de retard à compter du premier jour du deuxième mois suivant celui au cours duquel la présente décision lui sera notifiée.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., à la ministre de l'égalité des territoires et du logement et au préfet des Yvelines.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 336006
Date de la décision : 15/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

38-07-01 LOGEMENT. - OFFICE DU JUGE SAISI EN VERTU DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE L. 441-2-3-1 - 1) APPRÉCIATION DE LA LÉGALITÉ DES DÉCISIONS DES COMMISSIONS DE MÉDIATION - ABSENCE, MÊME POUR TIRER LES CONSÉQUENCES D'UNE FRAUDE - 2) POSSIBILITÉ QUE LE COMPORTEMENT DU DEMANDEUR FASSE OBSTACLE À L'EXÉCUTION DE LA DÉCISION DE LA COMMISSION DE MÉDIATION - EXISTENCE.

38-07-01 1) Eu égard à la nature de son office, et si l'administration n'est pas elle-même revenue sur sa décision, il n'appartient pas au juge saisi en vertu des dispositions de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation (CCH) d'apprécier la légalité des décisions des commissions de médiation, tant à la demande de l'administration qu'à celle du demandeur de logement, même pour tirer les conséquences d'une fraude.,,2) Un comportement de nature à faire obstacle à l'exécution par le préfet de la décision de la commission de médiation peut délier l'administration de l'obligation de résultat qui pèse sur elle.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 2013, n° 336006
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Leïla Derouich
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:336006.20130215
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