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13/02/2013 | FRANCE | N°351928

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 13 février 2013, 351928


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 août et 16 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Kart System, dont le siège est avenue Marcel Dassault - Bellevue, à Mérignac (33700), représentée par son président-directeur général en exercice ; la société Kart System demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX01896 du 16 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement n° 0601139 du tribuna

l administratif de Bordeaux du 24 juin 2010 rejetant le surplus de ses conclusi...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 août et 16 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Kart System, dont le siège est avenue Marcel Dassault - Bellevue, à Mérignac (33700), représentée par son président-directeur général en exercice ; la société Kart System demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX01896 du 16 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement n° 0601139 du tribunal administratif de Bordeaux du 24 juin 2010 rejetant le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2000, 2001 et 2002 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Esther de Moustier, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Kart System,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Kart System ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation et compte tenu des dispositions de l'article 39 A " ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne les amortissements pratiqués à raison des karts :

2. Considérant qu'il résulte des dispositions du 2° du 1 de l'article 39 du code général des impôts que les amortissements qu'une entreprise est en droit de pratiquer chaque année à raison d'une immobilisation sont ceux qui, pour cette immobilisation, résultent des usages constatés dans la profession à laquelle appartient l'entreprise ; que, par usages, il y a lieu d'entendre, sous le contrôle du juge de l'impôt, les pratiques qui, en raison notamment de leur ancienneté, de leur fréquence ou de leur généralité, sont regardées comme normales, dans chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation, pour le bien à amortir, à la date d'acquisition de celui-ci par l'entreprise ; qu'il appartient au juge d'apprécier, au vu du dossier qui lui est soumis par l'administration et le contribuable, si le taux et les modalités d'amortissement des immobilisations d'une entreprise correspondent à un usage professionnel dans la profession à laquelle elle appartient ;

3. Considérant que la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir rappelé que l'administration avait ramené le taux d'amortissement des karts de 50 % à 33 % en se fondant sur les usages professionnels relatifs aux véhicules de transport, tout en admettant de retenir un taux supérieur à celui qui est habituellement pratiqué, a estimé, sans les dénaturer, que les divers documents produits par la société n'étaient pas de nature à établir l'existence d'un usage professionnel spécifique pour les karts ; qu'après avoir estimé, par une appréciation des faits exempte de dénaturation que les éléments fournis par la société ne permettaient pas d'établir que ces biens auraient fait l'objet d'une utilisation de nature à provoquer leur usure accélérée et à justifier une durée d'amortissement inférieure à celle retenue, la cour, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a ni commis d'erreur de droit ni renversé la charge de la preuve en jugeant que la société n'apportait pas d'élément de nature à remettre en cause le taux d'amortissement de 33 % ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne la déduction des travaux de remplacement d'une charpente métallique :

4. Considérant que, pour l'application des dispositions du 1° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, seuls peuvent être compris dans les frais généraux et constituer des charges d'un exercice déterminé les travaux de réparation et d'entretien qui concourent à maintenir en état d'usage ou de fonctionnement les différents éléments de l'actif immobilisé de l'entreprise ; que tel n'est pas le cas des dépenses qui ont pour objet de prolonger de manière notable la durée probable d'utilisation d'un élément de cette nature ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Kart System a fait procéder, en 2001, au remplacement de la charpente métallique du bâtiment qu'elle occupe par une charpente en bois ; qu'en recherchant, pour déterminer si les dépenses en cause pouvaient constituer des charges de l'exercice, si ces travaux avaient pour effet de prolonger la durée probable d'utilisation du bâtiment en cause, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant qu'après avoir relevé que ces travaux n'avaient pas pour but de réparer la charpente selon sa conception d'origine et en estimant qu'ils en accroissaient la valeur et en prolongeaient la durée probable d'utilisation, alors même qu'ils avaient principalement pour objet une mise aux normes de sécurité, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits, exempte de dénaturation, qu'il n'appartient pas au juge de cassation de contrôler ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne la déduction des achats de peintures et diluants :

7. Considérant que la cour a estimé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que les achats d'importantes quantités de peintures et de diluants effectués par la société en 2001 avaient été utilisés sur des panneaux de bois de grande dimension, destinés à recouvrir les bâtiments du circuit de Bordeaux-Lac et qu'elle ne justifiait pas qu'une partie de ces produits avait servi au renouvellement de la peinture du sol des ateliers ; qu'elle a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit ni renverser la charge de la preuve, que ces achats devaient être rattachés à des investissements d'une durée probable d'utilisation de plus d'un an et que l'administration justifiait, en conséquence, du bien-fondé de la réintégration des charges correspondantes dans les résultats de la société ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne les amortissements pratiqués à raison d'un scooter des mers :

8. Considérant que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

9. Considérant qu'après avoir relevé que l'administration avait remis en cause la déduction des dotations aux amortissements d'un scooter des mers au titre des exercices 2000, 2001 et 2002 au motif qu'il n'était pas utilisé pour les besoins de l'entreprise, la cour a estimé, adoptant ainsi les motifs du jugement du tribunal administratif de Bordeaux, que la société Kart System, dont l'objet social était la vente, la réparation et l'exploitation de circuits de karts, n'apportait aucune justification à l'appui de son allégation selon laquelle l'acquisition d'un scooter des mers répondait à la volonté de l'Union nationale des centres sportifs de plein air de diversifier les activités proposées à ses stagiaires ; qu'en jugeant que, dès lors, la société n'apportait pas la preuve, qui lui incombait, de ce que la dépense en litige avait été engagée dans l'intérêt direct de son exploitation, alors qu'il appartient à l'administration de démontrer que la contrepartie d'une charge est dépourvue d'intérêt pour un contribuable, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué sur ce point ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Kart System est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie à raison du redressement relatif à l'amortissement d'un scooter des mers ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 juin 2011 est annulé en tant qu'il statue sur les impositions supplémentaires auxquelles la société Kart System a été assujettie à raison du redressement relatif à l'amortissement d'un scooter des mers.

Article 2 : L'affaire est, dans la limite mentionnée à l'article 1er, renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat versera à la société Kart System la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société Kart System est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Kart System et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 351928
Date de la décision : 13/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 fév. 2013, n° 351928
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Esther de Moustier
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:351928.20130213
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