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13/02/2013 | FRANCE | N°344695

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 13 février 2013, 344695


Vu le pourvoi, enregistré le 2 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre d'Etat, ministre de la défense et des anciens combattants ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09/01940 du 7 octobre 2010 par lequel la cour régionale des pensions de Pau a confirmé le jugement du 30 mars 2009 du tribunal départemental des pensions des Landes ayant accordé à M. A...B...la décristallisation de sa pension militaire d'invalidité pour la période du 1er septembre 1965 au 13 novembre 1973 ;

2°) réglant

l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

Vu les autres pièces du dossi...

Vu le pourvoi, enregistré le 2 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre d'Etat, ministre de la défense et des anciens combattants ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09/01940 du 7 octobre 2010 par lequel la cour régionale des pensions de Pau a confirmé le jugement du 30 mars 2009 du tribunal départemental des pensions des Landes ayant accordé à M. A...B...la décristallisation de sa pension militaire d'invalidité pour la période du 1er septembre 1965 au 13 novembre 1973 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959, notamment son article 71-I ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Eoche-Duval, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Spinosi, avocat de M.B...,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour régionale des pensions de Pau que M.B..., qui était alors ressortissant marocain, s'est vu concéder une pension militaire d'invalidité par arrêté du 2 décembre 1964, après avoir accompli plus de vingt-cinq années de service dans l'armée française ; que cette pension a été cristallisée, en application du I de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 de finances pour 1960, jusqu'à ce que l'intéressé se soit vu reconnaître la nationalité française par décret du 13 novembre 1973 ; que M. B... ayant vainement demandé au ministre de la défense, par lettre du 20 mars 2002, le paiement des arrérages de sa pension au taux de droit commun pour la période comprise entre sa radiation des cadres de l'armée active et sa naturalisation, c'est-à-dire du 1er septembre 1965 au 13 novembre 1973, il a saisi le tribunal départemental des pensions des Landes qui, par un jugement du 30 mars 2009, a fait droit à sa demande ; que le ministre de la défense se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 octobre 2010 par lequel la cour régionale des pensions de Pau, rejetant son appel, a confirmé ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages, afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures. " ;

3. Considérant qu'une demande tendant à la revalorisation d'une pension militaire d'invalidité cristallisée en vertu du I de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959, en vue de remédier aux effets de cette cristallisation et d'obtenir le versement d'arrérages, doit être regardée comme une demande de liquidation d'une pension au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; que la prescription prévue par cet article a été édictée dans un but d'intérêt général en vue, notamment, de garantir la sécurité juridique des collectivités publiques en fixant un terme aux actions, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et délais fixés par ce texte ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ne peuvent être regardées comme contraires aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel, qui garantissent le droit à un recours effectif et à un procès équitable et protègent les droits patrimoniaux ;

4. Considérant que, pour refuser de faire application de la prescription, édictée par les dispositions précitées, à la demande de M. B... tendant au paiement des arrérages de sa pension d'invalidité revalorisée sur la période du 1er septembre 1965 au 13 novembre 1973, la cour régionale des pensions a retenu que l'application d'une telle règle de droit interne conduirait à priver le pensionné de la réparation du préjudice résultant de la situation illégale née de la méconnaissance par l'Etat français des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant ainsi que les dispositions de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sont incompatibles avec les stipulations de cette convention, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le ministre de la défense est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sont applicables à la demande de M.B..., qui doit être regardée comme tendant à la liquidation de sa pension au titre de la période considérée ; que le fait que l'intéressé n'ait demandé la revalorisation de cet avantage que par lettre du 20 mars 2002 résulte d'un fait personnel qui lui est imputable, au sens de ces dispositions, dès lors qu'aucune circonstance ne l'empêchait de se prévaloir, dès l'entrée en jouissance de sa pension d'invalidité, de ce que sa cristallisation était contraire au principe d'égalité ; que, dès lors que le ministre a opposé la prescription instituée par les dispositions précitées, celles-ci font obstacle à ce que M. B...puisse obtenir les arrérages de sa pension d'invalidité revalorisée au taux de droit commun sur la période du 1er septembre 1965 au 13 novembre 1973, qui est antérieure à la troisième année précédant celle au cours de laquelle il a présenté sa demande ; que, par suite, le ministre de la défense est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal départemental des pensions des Landes a condamné l'Etat à verser ces arrérages à l'intéressé ;

7. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par M.B... ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Pau du 7 octobre 2010 et le jugement du tribunal départemental des pensions des Landes du 30 mars 2009 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M.B... devant le tribunal départemental des pensions des Landes et les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat par M. B...au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 344695
Date de la décision : 13/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 13 fév. 2013, n° 344695
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Eoche-Duval
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:344695.20130213
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