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18/01/2013 | FRANCE | N°354218

France | France, Conseil d'État, Section du contentieux, 18 janvier 2013, 354218


Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le Syndicat de la magistrature, dont le siège est 12-14, rue Charles Fourier à Paris (75013) ; le Syndicat de la magistrature demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 20 octobre 2009 portant nomination d'avocats généraux à la Cour de cassation, en tant qu'il nomme M. François Molins avocat général à la Cour de cassation ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761

-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu ...

Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le Syndicat de la magistrature, dont le siège est 12-14, rue Charles Fourier à Paris (75013) ; le Syndicat de la magistrature demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 20 octobre 2009 portant nomination d'avocats généraux à la Cour de cassation, en tant qu'il nomme M. François Molins avocat général à la Cour de cassation ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

Vu le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 ;

Vu le décret n° 2007-1663 du 26 novembre 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, Auditeur,

- les observations de Me Spinosi, avocat du Syndicat de la magistrature,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat du Syndicat de la Magistrature ;

1. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le Syndicat de la magistrature a pour objet, aux termes du 4° de l'article III de ses statuts, la défense des intérêts collectifs des membres du corps judiciaire ; que, alors même que, depuis l'entrée en vigueur de l'article 2 du décret du 26 novembre 2007, aucun texte ne limite plus le nombre de magistrats pouvant être affectés à la Cour de cassation ni le nombre d'avocats généraux à la Cour de cassation et si, par suite, la nomination de M. Molins dans l'emploi d'avocat général à la Cour de cassation n'a pas eu pour conséquence directe de priver un magistrat de la possibilité d'accéder à un emploi de même nature, la nomination attaquée est susceptible d'affecter de façon suffisamment directe et certaine les intérêts collectifs des membres du corps judiciaire dont le Syndicat de la magistrature assure la défense pour que celui-ci justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour contester le décret qui la prononce ;

2. Considérant, en second lieu, que le juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours dirigé contre un acte nul et non avenu, est tenu d'en constater la nullité à toute époque ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Molins a été nommé, par un arrêté du ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés en date du 26 juin 2009, directeur de son cabinet, alors qu'il occupait l'emploi, placé hors hiérarchie en vertu de l'article 3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, d'avocat général près la cour d'appel de Paris et qu'il exerçait les fonctions de procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny ; que, par le décret attaqué, il a été nommé dans l'emploi, également placé hors hiérarchie, d'avocat général à la Cour de cassation ; qu'il a continué, après l'intervention de ce décret, d'exercer les fonctions de directeur du cabinet du garde des sceaux, dans lesquelles il a été maintenu par un arrêté du 16 novembre 2010 du nouveau ministre ; qu'enfin, par un décret du 22 novembre 2011, il a été nommé dans l'emploi d'avocat général à la Cour de cassation pour exercer les fonctions de procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris ;

3. Considérant que durant toute la période du 20 octobre 2009, date de la nomination contestée, au 22 novembre 2011, date de sa nomination aux fonctions de procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, M. Molins n'a cessé d'exercer les fonctions de directeur du cabinet du garde des sceaux et n'a jamais occupé l'emploi d'avocat général à la Cour de cassation dans lequel il avait été nommé par le décret du 20 octobre 2009 ni aucun des emplois auxquels une telle nomination donne accès ; que dès lors, cette nomination n'est pas intervenue en vue de pourvoir un emploi vacant ; que, dans ces conditions et alors même qu'il est constant que M. Molins a effectivement exercé ses fonctions au sein du ministère de la justice, le décret du 20 octobre 2009 présente le caractère d'une nomination pour ordre en tant qu'il le nomme avocat général à la Cour de cassation et est, de ce fait, nul et non avenu ; qu'il appartient par suite au Conseil d'Etat d'en constater la nullité, sans que puisse être opposée la tardiveté de la requête ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat de la magistrature est recevable et fondé à demander que le décret du 20 octobre 2009 portant nomination d'avocats généraux à la Cour de cassation soit déclaré nul et non avenu en tant qu'il nomme M. Molins avocat général à la Cour de cassation ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser au Syndicat de la magistrature, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le décret du 20 octobre 2009 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il nomme M. Molins avocat général à la Cour de cassation.

Article 2 : L'Etat versera au Syndicat de la magistrature une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat de la magistrature, à M. François Molins, au Premier ministre et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : Section du contentieux
Numéro d'arrêt : 354218
Date de la décision : 18/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - ENTRÉE EN SERVICE - NOMINATIONS - NOMINATION POUR ORDRE - MAGISTRAT - NOMINATION DANS L'EMPLOI D'AVOCAT GÉNÉRAL D'UN MAGISTRAT CONTINUANT D'EXERCER LES FONCTIONS DE DIRECTEUR DE CABINET DU GARDE DES SCEAUX.

36-03-03-02 La nomination dans l'emploi d'avocat général à la Cour de cassation d'un magistrat exerçant les fonctions de directeur de cabinet du garde des sceaux qui, durant toute la période allant de cette nomination à l'intervention d'un nouveau décret de nomination le concernant, n'a cessé d'exercer ces dernières fonctions et n'a jamais occupé l'emploi d'avocat général ni aucun des emplois auxquels une telle nomination donne accès, a le caractère d'une nomination pour ordre.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - CONTENTIEUX DE L'ANNULATION - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTÉRÊT POUR AGIR - SYNDICAT - NOMINATION AU SEIN DU CORPS QUE LE SYNDICAT REPRÉSENTE - CRITÈRE - NOMINATION SUSCEPTIBLE D'AFFECTER DE FAÇON SUFFISAMMENT DIRECTE ET CERTAINE LES INTÉRÊTS COLLECTIFS DU CORPS QUE LE SYNDICAT REPRÉSENTE.

36-13-01-02-03 Un syndicat justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour contester une mesure de nomination à un emploi du corps qu'il représente dès lors que cette nomination est susceptible d'affecter de façon suffisamment directe et certaine les intérêts collectifs des membres du corps dont il assure la défense, quand bien même elle n'aurait pas eu pour conséquence directe de priver un autre membre de ce corps de la possibilité d'accéder à un emploi de même nature.

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - MAGISTRATS ET AUXILIAIRES DE LA JUSTICE - MAGISTRATS DE L'ORDRE JUDICIAIRE - NOMINATION - NOMINATION DANS L'EMPLOI D'AVOCAT GÉNÉRAL À LA COUR DE CASSATION - 1) CONTESTATION - INTÉRÊT POUR AGIR D'UN SYNDICAT ASSURANT LA DÉFENSE DES INTÉRÊTS COLLECTIFS DU CORPS DES MAGISTRATS JUDICIAIRES - CRITÈRE - NOMINATION SUSCEPTIBLE D'AFFECTER DE FAÇON SUFFISAMMENT DIRECTE ET CERTAINE CES INTÉRÊTS COLLECTIFS - 2) NOMINATION D'UN MAGISTRAT CONTINUANT D'EXERCER LES QUALITÉS DE DIRECTEUR DE CABINET DU GARDE DES SCEAUX - NOMINATION POUR ORDRE - EXISTENCE.

37-04-02-005 1) Un syndicat de magistrats justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour contester une mesure de nomination en qualité d'avocat général à la Cour de cassation dès lors que cette nomination est susceptible d'affecter de façon suffisamment directe et certaine les intérêts collectifs des membres du corps dont il assure la défense, quand bien même elle n'aurait pas eu pour conséquence directe de priver un autre magistrat de la possibilité d'accéder à un emploi de même nature. 2) La nomination dans l'emploi d'avocat général à la Cour de cassation d'un magistrat exerçant les fonctions de directeur de cabinet du garde des sceaux qui, durant toute la période allant de cette nomination à l'intervention d'un nouveau décret de nomination le concernant, n'a cessé d'exercer ces dernières fonctions et n'a jamais occupé l'emploi d'avocat général ni aucun des emplois auxquels une telle nomination donne accès, a le caractère d'une nomination pour ordre.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTÉRÊT POUR AGIR - EXISTENCE D'UN INTÉRÊT - SYNDICATS - GROUPEMENTS ET ASSOCIATIONS - NOMINATION AU SEIN DU CORPS QUE LE SYNDICAT REPRÉSENTE - CRITÈRE - NOMINATION SUSCEPTIBLE D'AFFECTER DE FAÇON SUFFISAMMENT DIRECTE ET CERTAINE LES INTÉRÊTS COLLECTIFS DU CORPS QUE LE SYNDICAT REPRÉSENTE.

54-01-04-02-02 Un syndicat justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour contester une mesure de nomination à un emploi du corps qu'il représente dès lors que cette nomination est susceptible d'affecter de façon suffisamment directe et certaine les intérêts collectifs des membres du corps dont il assure la défense, quand bien même elle n'aurait pas eu pour conséquence directe de priver un autre membre de ce corps de la possibilité d'accéder à un emploi de même nature.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 jan. 2013, n° 354218
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:354218.20130118
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