Vu l'ordonnance n° 1200205 du 26 juillet 2012, enregistrée le 8 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle la présidente du tribunal administratif de Basse-Terre a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative et de l'article R. 114 du code électoral, la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, enregistrée le 3 octobre 2011 au greffe du tribunal administratif de Fort-de-France, et fondée, en application des articles
L. 52-15 et L. 118-3 du code électoral, sur la décision du 21 septembre 2011 par laquelle elle a constaté que le compte de campagne de M. Yves-André A, candidat à l'élection cantonale générale des 20 et 27 mars 2011 dans la circonscription du 9ème canton de Fort-de-France, présentait un déficit et l'a, par suite, rejeté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Natacha Chicot, Auditeur,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par décision du 21 septembre 2011, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. A, élu conseiller général à l'issue des élections qui se sont déroulées les 20 et 27 mars 2011 dans le 9ème canton de Fort-de-France (Martinique), au motif que ce compte de campagne présentait, après réformation du montant des dépenses, un déficit de 2 640 euros ;
Sur le bien fondé du rejet du compte de campagne :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. (...) Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. " ;
3. Considérant qu'il est constant que le compte de campagne déposé par le candidat, le 27 mai 2011, présentait un solde déficitaire de 4 116 euros ; qu'après réformation des dépenses inscrites au compte de campagne, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a fixé ce déficit à 2 640 euros ;
4. Considérant, d'une part, que M. A soutient que la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a été prise en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que M. A a été informé par courrier du 7 juillet 2011, renouvelé le 7 août 2011 en l'absence de réponse du destinataire, de ce que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques envisageait de rejeter son compte de campagne et l'invitait à faire part de ses observations et à produire les pièces justificatives utiles ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure manque en fait ;
5. Considérant, d'autre part, que M. A conteste l'exclusion de certaines des dépenses initialement inscrites dans son compte de campagne ainsi que la réduction, à concurrence, de son apport personnel ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a exclu à bon droit du compte de campagne les dépenses qui, dépourvues des justificatifs demandés ou relatives au financement d'événements organisés le jour du scrutin ou postérieurement à ce dernier, ne pouvaient être regardées comme des dépenses électorales au sens de l'article L. 52-12 du code électoral ; que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques était également fondée, après avoir procédé à la réformation du compte de campagne de M. A pour un montant de 2 676 euros, à déduire cette somme de son apport personnel dès lors que le règlement de ces dépenses non électorales ne pouvait avoir été assuré par les dons de personnes physiques inscrits au compte de campagne ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et alors même que M. A soutient, sans l'établir, que le solde de son compte présenterait, en réalité, un solde excédentaire de 299,22 euros, que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques était fondée à rejeter le compte de campagne de M. A ;
Sur l'inéligibilité :
7. Considérant que, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, le juge de l'élection peut, en application du troisième alinéa de l'article L. 118-3 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 14 avril 2011, prononcer l'inéligibilité du candidat " dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales. " ; que l'inéligibilité prévue par les dispositions précitées de l'article L. 118-3 du code électoral constituant une sanction ayant le caractère d'une punition il incombe, dès lors, au juge de l'élection, lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à ce qu'un candidat dont le compte de campagne est rejeté soit déclaré inéligible et à ce que son élection soit annulée, de faire application, le cas échéant, d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date des faits litigieux et celle à laquelle il statue ; qu'ainsi ces dispositions sont applicables au présent litige ; que, pour déterminer si un manquement est d'une particulière gravité au sens de ces dispositions, il incombe au juge de l'élection d'apprécier, d'une part, s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et, d'autre part, s'il présente un caractère délibéré ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le déficit du compte de campagne de M. A s'élève, après réformation, à 2 640 euros pour un montant de dépenses de 3 540 euros ; que, quand bien même la somme de 500 euros relative aux honoraires d'établissement et de certification du compte de campagne, n'avait pas à être inscrite au titre des dépenses électorales, le compte de campagne de M. A est largement déficitaire ; que si ce dernier soutient, par ailleurs, que le rejet de son compte est imputable à son seul mandataire financier et que son état de santé ne lui a pas permis d'approuver le contenu de son compte de compagne avant sa transmission à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, ces circonstances, à les supposer établies, ne peuvent toutefois suffire à justifier le manquement constaté ; que la proportion du déficit fait, en tout état de cause, obstacle à l'examen, par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, de la conformité des recettes du compte de campagne aux règles de financement des campagnes électorales ; que, par suite, eu égard tant à la nature de la règle méconnue qui participe de manière substantielle à la transparence et à la régularité du financement des campagnes électorales qu'au caractère délibéré du manquement constaté s'agissant d'une règle dépourvue de toute ambiguïté, il convient de déclarer M. A inéligible pour une durée de un an à compter de la date de la présente décision et, par suite, démissionnaire d'office de ses fonctions de conseiller général du 9ème canton de Fort-de-France ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : M. Yves-André A est déclaré démissionnaire d'office de ses fonctions de conseiller général du 9ème canton de Fort-de-France à compter de la date de la présente décision et inéligible pour une durée de un an à compter de la même date.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à M. Yves-André A.