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21/11/2012 | FRANCE | N°357390

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 21 novembre 2012, 357390


Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Bérangère A et MM. François C, Daniel B et Claude D, élisant domicile à l'association " Français du Monde-ADFE ", dont le siège est 62, boulevard Garibaldi à Paris (75015) ; ils demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes a rejeté leur demande tendant à ce qu'il donne à ses services instruction de ne pas faire application de l'article R. 176-4, introduit dan

s le code électoral par le décret n° 2011-843 du 15 juillet 2011 relatif à...

Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Bérangère A et MM. François C, Daniel B et Claude D, élisant domicile à l'association " Français du Monde-ADFE ", dont le siège est 62, boulevard Garibaldi à Paris (75015) ; ils demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes a rejeté leur demande tendant à ce qu'il donne à ses services instruction de ne pas faire application de l'article R. 176-4, introduit dans le code électoral par le décret n° 2011-843 du 15 juillet 2011 relatif à l'élection des députés par les Français établis hors de France ;

2°) d'ordonner à l'administration de faire en sorte que tous les électeurs résidant hors de France appelés à participer aux scrutins législatifs des 3 et 17 juin 2012 soient rendus destinataires, sans démarche particulière à accomplir de leur part, du matériel leur permettant, s'ils le souhaitent, de voter par correspondance sous pli fermé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

1. Considérant que, par une lettre du 17 décembre 2011, réputée avoir été transmise au Premier ministre par application des dispositions de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, Mme A et autres ont saisi le ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes d'une demande tendant à l'abrogation de l'article R. 176-4 du code électoral en tant qu'il impose aux électeurs qui ont choisi de voter par correspondance sous pli fermé de présenter une demande à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire au plus tard le 1er mars de l'année de l'élection ; qu'ils demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté cette demande et d'ordonner à l'administration de faire en sorte que tous les électeurs résidant hors de France appelés à participer aux scrutins législatifs des 3 et 17 juin 2012 soient rendus destinataires, sans démarche particulière à accomplir de leur part, du matériel leur permettant, s'ils le souhaitent, de voter par correspondance sous pli fermé ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande des requérants :

2. Considérant qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 330-13 du code électoral, issu de l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l'élection de députés par les Français établis hors de France, les électeurs peuvent non seulement voter dans les bureaux ouverts dans les ambassades et les postes consulaires, mais également voter par correspondance, soit sous pli fermé, soit par voie électronique au moyen de matériels et de logiciels permettant de respecter le secret du vote et la sincérité du scrutin, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat ; qu'aux termes de l'article R. 176-4 du même code, issu du décret n° 2011-843 du 15 juillet 2011 relatif à l'élection de députés par les Français établis hors de France : " L'électeur souhaitant voter par correspondance sans user de la faculté qui lui est ouverte par la sous-section 4 peut demander à recevoir le matériel de vote lui permettant de voter par correspondance sous pli fermé au premier tour et, le cas échéant, au second tour. Sa demande, formulée auprès de l'ambassadeur ou du chef de poste consulaire, doit être reçue au plus tard le 1er mars de l'année de l'élection. / L'électeur qui n'a pas fait usage de son droit de vote par correspondance sous pli fermé conserve la possibilité de voter à l'urne, par procuration ou par correspondance électronique, dans les conditions prévues à la présente section. " ;

3. Considérant que les requérants, qui estiment illégale l'obligation faite aux électeurs qui ont choisi de voter par correspondance sous pli fermé de présenter une demande à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire au plus tard le 1er mars de l'année de l'élection, doivent être regardés comme demandant l'annulation de la décision implicite ayant rejeté leur demande tendant à l'abrogation de l'article R. 176-4 du code électoral en tant qu'il impose une telle obligation ;

4. Considérant, en premier lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;

5. Considérant qu'eu égard aux aléas auxquels l'acheminement postal peut être soumis dans certains pays et aux modalités particulières qu'appelle l'exercice du vote par correspondance sous pli fermé, s'agissant notamment de la nécessaire vérification de l'identité de l'électeur, les personnes résidant à l'étranger qui font usage de cette faculté particulière ne sont pas dans la même situation que les autres électeurs ; que la prévention des risques de fraude correspond, en outre, à un motif d'intérêt général ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la disposition réglementaire qu'ils critiquent méconnaît le principe d'égalité de traitement des électeurs ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 330-2 du code électoral, relatif aux conditions d'établissement des listes consulaires : " Sont électrices les personnes inscrites sur les listes électorales consulaires dressées en application de la loi organique du 31 janvier 1976 susmentionnée. / Prennent part au vote les électeurs régulièrement inscrits sur une liste électorale consulaire de la circonscription ou autorisés à y participer par une décision en ce sens de l'autorité judiciaire. " ; que l'article L. 330-13 du code électoral a ouvert aux électeurs inscrits sur les listes électorales consulaires la possibilité d'un vote par correspondance sous pli fermé, tout en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin d'en fixer les modalités d'application par décret en Conseil d'Etat ; que l'article R. 176-4 du même code, qui est issu du décret en Conseil d'Etat du 15 juillet 2011 pris sur le fondement de cette habilitation législative, n'a ni pour objet, ni pour effet de restreindre le droit de vote des électeurs régulièrement inscrits sur une liste électorale consulaire, mais organise les modalités d'exercice par ces électeurs du vote par correspondance sous pli fermé ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la disposition réglementaire qu'ils critiquent est contraire aux dispositions de l'article L. 330-2 du code électoral ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir présentée par le ministre des affaires étrangères, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision implicite de rejet opposée à leur demande tendant à l'abrogation de l'article R. 176-4 du code électoral en tant qu'il impose aux électeurs qui ont choisi de voter par correspondance sous pli fermé de présenter une demande à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire au plus tard le 1er mars de l'année de l'élection ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

8. Considérant que les requérants demandent au Conseil d'Etat d'ordonner à l'administration de faire en sorte que tous les électeurs résidant hors de France appelés à participer aux scrutins législatifs des 3 et 17 juin 2012 soient rendus destinataires, sans démarche particulière à accomplir de leur part, du matériel leur permettant, s'ils le souhaitent, de voter par correspondance sous pli fermé ; que ces conclusions ont perdu leur objet à la date de la présente décision ; qu'il n'y a donc pas lieu d'y statuer ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les conclusions de la requête de Mme A et autres tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée à leur demande sont rejetées.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A et autres tendant à ce que le Conseil d'Etat ordonne à l'administration de faire en sorte que tous les électeurs résidant hors de France appelés à participer aux scrutins législatifs des 3 et 17 juin 2012 soient destinataires, sans démarche particulière à accomplir de leur part, du matériel leur permettant, s'ils le souhaitent, de voter par correspondance sous pli fermé.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Bérangère A, à MM. François C, Daniel B et Claude D, au Premier ministre et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 357390
Date de la décision : 21/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - ÉGALITÉ DEVANT LA LOI - ABSENCE DE VIOLATION - ELECTION DE DÉPUTÉS PAR LES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE - MODALITÉS DE VOTE (ART - L - 330-13 DU CODE ÉLECTORAL) - OBLIGATION - FAITE PAR L'ARTICLE R - 176-4 DU CODE ÉLECTORAL AUX ÉLECTEURS QUI ONT CHOISI DE VOTER PAR CORRESPONDANCE SOUS PLI FERMÉ - DE PRÉSENTER UNE DEMANDE À L'AMBASSADEUR OU AU CHEF DE POSTE CONSULAIRE AU PLUS TARD LE 1ER MARS DE L'ANNÉE DE L'ÉLECTION [RJ1].

01-04-03-01 En vertu du deuxième alinéa de l'article L. 330-13 du code électoral, issu de l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l'élection de députés par les Français établis hors de France, les électeurs peuvent non seulement voter dans les bureaux ouverts dans les ambassades et les postes consulaires, mais également voter par correspondance, soit sous pli fermé, soit par voie électronique au moyen de matériels et de logiciels permettant de respecter le secret du vote et la sincérité du scrutin, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.,,Eu égard aux aléas auxquels l'acheminement postal peut être soumis dans certains pays et aux modalités particulières qu'appelle l'exercice du vote par correspondance sous pli fermé, s'agissant notamment de la nécessaire vérification de l'identité de l'électeur, les personnes résidant à l'étranger qui font usage de cette faculté particulière ne sont pas dans la même situation que les autres électeurs. La prévention des risques de fraude correspond, en outre, à un motif d'intérêt général. Dès lors, l'article R. 176-4 du code électoral, en tant qu'il pose l'obligation, pour les électeurs résidant à l'étranger qui ont choisi de voter par correspondance sous pli fermé, de présenter une demande à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire au plus tard le 1er mars de l'année de l'élection, ne méconnaît pas le principe d'égalité de traitement des électeurs.

ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM - ÉLECTIONS LÉGISLATIVES - ELECTION DE DÉPUTÉS PAR LES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE - MODALITÉS DE VOTE (ART - L - 330-13 DU CODE ÉLECTORAL) - OBLIGATION - FAITE PAR L'ARTICLE R - 176-4 DU CODE ÉLECTORAL AUX ÉLECTEURS QUI ONT CHOISI DE VOTER PAR CORRESPONDANCE SOUS PLI FERMÉ - DE PRÉSENTER UNE DEMANDE À L'AMBASSADEUR OU AU CHEF DE POSTE CONSULAIRE AU PLUS TARD LE 1ER MARS DE L'ANNÉE DE L'ÉLECTION - MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT DES ÉLECTEURS - ABSENCE [RJ1].

28-02 En vertu du deuxième alinéa de l'article L. 330-13 du code électoral, issu de l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l'élection de députés par les Français établis hors de France, les électeurs peuvent non seulement voter dans les bureaux ouverts dans les ambassades et les postes consulaires, mais également voter par correspondance, soit sous pli fermé, soit par voie électronique au moyen de matériels et de logiciels permettant de respecter le secret du vote et la sincérité du scrutin, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.,,Eu égard aux aléas auxquels l'acheminement postal peut être soumis dans certains pays et aux modalités particulières qu'appelle l'exercice du vote par correspondance sous pli fermé, s'agissant notamment de la nécessaire vérification de l'identité de l'électeur, les personnes résidant à l'étranger qui font usage de cette faculté particulière ne sont pas dans la même situation que les autres électeurs. La prévention des risques de fraude correspond, en outre, à un motif d'intérêt général. Dès lors, l'article R. 176-4 du code électoral, en tant qu'il pose l'obligation, pour les électeurs résidant à l'étranger qui ont choisi de voter par correspondance sous pli fermé, de présenter une demande à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire au plus tard le 1er mars de l'année de l'élection, ne méconnaît pas le principe d'égalité de traitement des électeurs.


Références :

[RJ1]

Cf., s'agissant de la demande de suspension de la décision attaquée qui avait été présentée au juge des référés, CE, juge des référés, 16 avril 2012, Mme El Anbassi et autres, n° 358437, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 2012, n° 357390
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:357390.20121121
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