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16/11/2012 | FRANCE | N°363433

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 16 novembre 2012, 363433


Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS), dont le siège social est 10, rue de Haguenau à Strasbourg (67000), représentée par sa représentant légale ; l'association requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en date du 2 août

2012 pris pour l'application de l'article R. 427-6 du code de l'environnemen...

Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS), dont le siège social est 10, rue de Haguenau à Strasbourg (67000), représentée par sa représentant légale ; l'association requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en date du 2 août 2012 pris pour l'application de l'article R. 427-6 du code de l'environnement, à titre principal, en tant qu'il classe les martres, belettes, putois, fouines, renards, pies bavardes, corbeaux freux et corneilles noires parmi les espèces " nuisibles " au titre de l'article R. 427-6-II du code de l'environnement et fixe leurs modalités de destruction et, à titre subsidiaire, en tant qu'il classe parmi les espèces nuisibles, d'une part, les belettes, martres et pies bavardes dans le Calvados et, d'autre part, les belettes, fouines, renards, corbeaux freux, corneilles noires et pies bavardes dans le Pas-de-Calais ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors que l'action est conforme à son objet social et à sa mission statutaire ;

- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'exécution de la décision contestée est susceptible de porter une atteinte grave et immédiate aux intérêts qu'elle défend, à savoir la protection de la faune ;

- des moyens sont propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision litigieuse est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation et a méconnu l'article R. 427-6 du code de l'environnement, les articles 11, 14 et 16 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 ainsi que les dispositions de la directive n° 2009/147/CE du 30 novembre 2009 en classant ces espèces parmi les espèces nuisibles et en autorisant la destruction des animaux de ces espèces pour une période de trois ans ;

- le ministre a porté atteinte au principe de proportionnalité en classant comme espèce nuisible le renard dans 93 départements français ainsi que la corneille noire et le corbeau freux sur la quasi-totalité du territoire national ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'objectif de sélectivité du piégeage imposé par l'article R. 427-17 du code de l'environnement ;

Vu l'arrêté dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de cet arrêté ;

Vu l'intervention, enregistrée le 7 novembre 2012, présentée pour la Fédération nationale des chasseurs, dont le siège est situé 13, rue du Général Leclerc à Issy-les-Moulineaux (92136), représentée par son président en exercice, qui conclut au rejet de la requête ; la Fédération nationale des chasseurs soutient que :

- son intervention au soutien des conclusions en défense est recevable dès lors qu'elle a intérêt au maintien de l'arrêté contesté ;

- la condition d'urgence n'est pas remplie et aucun des moyens soulevés par l'ASPAS n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté litigieux ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2012, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas remplie ;

- le risque invoqué par l'ASPAS sur la possible destruction d'animaux d'espèces animales non visés par le piégeage est hypothétique ;

- aucun des moyens soulevés n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

Vu l'intervention, enregistrée le 8 novembre 2012, présentée pour l'Union nationale des associations de piégeurs agréés de France (UNAPAF), dont le siège est situé 13, rue du Général Leclerc à Issy-les-Moulineaux (92136), représentée par son président en exercice, qui conclut au rejet de la requête ; l'Union nationale des associations de piégeurs agréés de France soutient que :

- son intervention au soutien des conclusions en défense est recevable dès lors qu'elle a intérêt au maintien de l'arrêté contesté ;

- la condition d'urgence n'est pas remplie et aucun des moyens soulevés par l'ASPAS n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 12 novembre 2012, présenté par l'association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS), qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 92/ 43 CEE du 21 mai 1992 ;

Vu la directive n° 2009/147/CE du 30 novembre 2009 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS), d'autre part, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ainsi que la Fédération nationale des chasseurs et l'Union nationale des associations de piégeurs agréés de France (UNAPAF) ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 13 novembre 2012 à 14 heures 30, au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentantes de l'Association pour la protection des animaux sauvages ;

- les représentants du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

- Me Farge, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération nationale des chasseurs et de l'Union nationale des associations de piégeurs agréés de France ;

et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;

Sur les interventions de la Fédération nationale des chasseurs et de l'Union nationale des associations de piégeurs agréés de France :

1. Considérant que la Fédération nationale des chasseurs et l'Union nationale des associations de piégeurs agréés de France ont intérêt à la confirmation de l'arrêté contesté : qu'ainsi leurs interventions en défense sont recevables ;

Sur les conclusions à fin de suspension :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

Sur les conclusions à fin de suspension :

3. Considérant que, par un arrêté du 2 août 2012, dont l'Association pour la protection des animaux sauvages demande la suspension de l'exécution, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, a arrêté, par département, la liste des espèces d'animaux classées nuisibles et les territoires concernés ainsi que les conditions de leur destruction ;

4. Considérant que si l'Association pour la protection des animaux sauvages soutient que les consultations du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage et des commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage ont été faites dans des conditions irrégulières, il ne résulte pas des pièces du dossier que les anomalies qu'elle rapporte, à les supposer établies, soient de nature à entacher d'irrégularité la procédure de consultation réglementaire ;

5. Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

6. Considérant que l'article R. 427-6 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue du décret n°2012-402 du 23 mars 2012, prévoit que pour chaque département, le ministre chargé de la chasse fixe par arrêté une liste complémentaire des espèces d'animaux classés nuisibles, pour une période de trois ans, courant du 1er juillet de la première année au 30 juin de la troisième année ; que, compte tenu de ces dispositions, le moyen tiré de ce que, en mentionnant dans cette liste, pour une durée de trois années, la martre, la belette, le putois, la fouine, le renard, le geai des chênes, la pie bavarde, le corbeau freux, la corneille noire et l'étourneau sansonnet, le ministre aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, ne paraît pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;

7. Considérant que l'association requérante soutient que le classement de la martre, de la belette et du putois n'est justifié par aucun des motifs permettant de classer une espèce comme nuisible en vertu de l'article R. 427-6 du code de l'environnement ; que, cependant, s'il n'est pas contesté que ces espèces ont elles-mêmes un rôle utile dans la préservation des équilibres écologiques, il ressort des pièces du dossier et des échanges lors de l'audience publique que l'excès de leur population dans certains territoires a des conséquences défavorables sur la protection de la faune ou de la flore ou provoque des dommages importants aux activités agricoles ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'inscription de ces espèces comme nuisibles dans certains territoires méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 427-6 du code de l'environnement ou entacherait l'arrêté contesté d'une erreur manifeste d'appréciation ne paraît pas davantage, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de ce dernier ;

8. Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'étude des solutions alternatives à la destruction des martres et putois ou la surveillance de leur population n'aurait pas été conduite ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation de la directive " Habitats " ne paraît pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté litigieux ;

9. Considérant que les moyens tirés de ce qu'en classant le renard, la corneille noire et le corbeau freux dans un grand nombre de départements, le ministre aurait entaché son arrêté de dénaturation ne semblent pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité, compte tenu des pièces du dossier et des échanges au cours de l'audience publique, desquels il ressort que ces espèces peuvent créer sur de nombreux territoires, du fait de leur surpopulation, des atteintes à des intérêts protégés par les dispositions de l'article R. 427-6 du code de l'environnement ;

10. Considérant que si l'association requérante soutient que l'arrêté contesté, par ses imprécisions, méconnaîtrait la directive " Oiseaux ", notamment en ne faisant pas référence à l'obligation de rechercher des solutions alternatives à la destruction, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette obligation aurait été méconnue ;

11. Considérant qu'en prévoyant un rayon de 250 mètres autour des bâtiments protégés pour le piégeage de la fouine, de la martre, de la belette et du putois, le ministre n'a pas entaché son arrêté de dénaturation ;

12. Considérant que la circonstance que des zones prévues par des schémas départementaux de gestion cynégétique aient été retenues parmi les territoires dans lesquels la destruction des mustélidés et de la pie bavarde est autorisée ne paraît de nature à entacher l'arrêté contesté ni d'erreur de droit ni de dénaturation ;

13. Considérant que les moyens tirés de ce que l'arrêté dont la suspension est demandée serait entaché d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il classe certaines espèces dans les départements du Calvados et du Pas-de-Calais ne paraissent pas davantage de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le respect de la condition d'urgence, que la requête de l'ASPAS doit être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'ASPAS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Les interventions de la Fédération nationale des chasseurs et de l'Union nationale des associations de piégeurs agréés de France sont admises.

Article 2 : La requête de l'Association pour la protection des animaux sauvages est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Association pour la protection des animaux sauvages, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à la Fédération nationale des chasseurs et à l'Union nationale des associations de piégeurs agréés de France.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 363433
Date de la décision : 16/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 nov. 2012, n° 363433
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain Christnacht
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:363433.20121116
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