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06/11/2012 | FRANCE | N°363196

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 06 novembre 2012, 363196


Vu la requête, enregistrée le 2 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la S.A.S. Laboratoire Addmedica, dont le siège social est 101, rue Saint-Lazare à Paris (75009), représentée par son président en exercice ; la S.A.S. Laboratoire Addmedica demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du Comité économique des produits de santé du 20 septembre 2012 fixant les prix des spécialités Siklos 1000

mg et Siklos 100 mg ;

2°) d'enjoindre au Comité économique des produits d...

Vu la requête, enregistrée le 2 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la S.A.S. Laboratoire Addmedica, dont le siège social est 101, rue Saint-Lazare à Paris (75009), représentée par son président en exercice ; la S.A.S. Laboratoire Addmedica demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du Comité économique des produits de santé du 20 septembre 2012 fixant les prix des spécialités Siklos 1000 mg et Siklos 100 mg ;

2°) d'enjoindre au Comité économique des produits de santé, sous astreinte de 4 500 euros par jour de retard, d'une part, d'accepter provisoirement les prix demandés par le laboratoire assortis du plan de ristournes proposé ou, subsidiairement, les prix que le juge des référés estime acceptables au vu des éléments du dossier et, d'autre part, de publier au Journal officiel ces prix provisoires, fixés par convention conclue avec elle ou le cas échéant par décision du comité à la suite de l'ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que sa situation économique, extrêmement précaire, va être substantiellement aggravée par les prix imposés par la décision litigieuse et que le maintien de l'autorisation de mise sur le marché européenne de la spécialité est mis en péril ;

- la spécialité Hydréa a été irrégulièrement utilisée comme comparateur pour évaluer le niveau d'amélioration du service médical rendu de Siklos ;

- elle a été irrégulièrement privée de la possibilité de bénéficier de la garantie de prix européen prévue par l'accord-cadre conclu entre le Comité économique des produits de santé et le syndicat Les entreprises du médicament ;

- le prix de Droxia aux Etats-Unis n'est pas un comparateur pertinent ;

- le prix de vente de Siklos qu'elle propose est économiquement justifié au regard de toutes ses composantes ;

- ce prix ne porterait pas atteinte à l'objectif d'équilibre financier des régimes de sécurité sociale ;

- la décision contestée prive le règlement (CE) n° 141/2000 du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins de son effet utile ;

Vu la décision dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de cette décision ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2012, présenté par le Comité économique des produits de santé, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que la situation financière critique de la société requérante résulte essentiellement de son refus d'accepter le prix proposé par le Comité dès 2008 et de la faiblesse des exportations de sa spécialité au Royaume-Uni et que l'estimation des frais qui devront être exposés en raison de sa commercialisation en France repose sur des hypothèses contestables ou infondées ;

- aucun des moyens soulevés n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

Vu les observations, enregistrées le 17 octobre 2012, présentées par le ministre des affaires sociales et de la santé ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 octobre 2012, présenté pour la S.A.S. Laboratoire Addmedica, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la S.A.S. Laboratoire Addmedica, d'autre part, le Comité économique des produits de santé et le ministre des affaires sociales et de la santé ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 26 octobre 2012 à 15 heures, au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Chevallier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la S.A.S. Laboratoire Addmedica ;

- les représentants de la S.A.S. Laboratoire Addmedica ;

- le représentant du Comité économique des produits de santé ;

- le représentant du ministre des affaires sociales et de la santé ;

et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale : " Les médicaments spécialisés (...) ne peuvent être pris en charge ou donner lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie, lorsqu'ils sont dispensés en officine, que s'ils figurent sur une liste établie dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 162-16-4 du même code : " Le prix de vente au public de chacun des médicaments mentionnés au premier alinéa de l'article L. 162-17 est fixé par convention entre l'entreprise exploitant le médicament et le Comité économique des produits de santé conformément à l'article L. 162-17-4 ou, à défaut, par décision du comité, sauf opposition conjointe des ministres concernés qui arrêtent dans ce cas le prix dans un délai de quinze jours après la décision du comité. La fixation de ce prix tient compte principalement de l'amélioration du service médical rendu apportée par le médicament, le cas échéant des résultats de l'évaluation médico-économique, des prix des médicaments à même visée thérapeutique, des volumes de vente prévus ou constatés ainsi que des conditions prévisibles et réelles d'utilisation du médicament. (...) " ;

3. Considérant que, sur la demande du laboratoire OTL Pharma, la Commission européenne a désigné le 9 juillet 2003 le médicament Hydroxyurée comme médicament orphelin pour l'indication " traitement du syndrome drépanocytaire " en application de l'article 5 du règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins ; qu'après avoir racheté les droits correspondants en juillet 2006, la S.A.S. Laboratoire Addmedica a obtenu, par décision de la Commission européenne du 29 juin 2007, une autorisation de mise sur le marché pour ce médicament sous le nom de Siklos 1000 mg, destiné à la prévention des crises vaso-occlusives douloureuses récurrentes chez le patient souffrant de drépanocytose symptomatique, étendue par décision du 28 février 2011 au Siklos 100 mg, dont le dosage facilite l'administration à l'enfant ; qu'à la suite de ces décisions, le laboratoire a sollicité l'inscription des spécialités Siklos 1000 mg et 100 mg sur la liste des spécialités remboursables par l'assurance maladie prévue par l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale précité et la fixation d'un prix de vente au public par convention avec le Comité économique des produits de santé ; que, par courrier du 13 décembre 2011, le président du Comité économique des produits de santé a fait savoir au laboratoire que ce comité refusait la fixation de prix fabricant hors taxe supérieurs à respectivement 67 euros et 13,40 euros par boîte pour le Siklos 1000 mg et le Siklos 100 mg, correspondant au prix aux Etats-Unis de la spécialité Droxia, ayant le même principe actif et la même indication thérapeutique, alors que le laboratoire sollicitait en dernier lieu des prix de 550 euros et 110 euros par boîte, légèrement inférieurs aux prix obtenus pour ses spécialités dans d'autres Etats de l'Union européenne et assortis de remises au-delà de 2000 et 1100 patients ; qu'à la suite de l'ordonnance du juge des référés du 13 mars 2012 et des nouveaux documents adressés au Comité et examinés par ce dernier dans sa séance du 21 juin 2012, le président du Comité a fait savoir au laboratoire, par courrier du 26 juin 2012, que les éléments fournis confortaient cette instance dans la juste appréciation du prix qu'elle avait proposé au laboratoire ; que, par une décision du 20 septembre 2012, le Comité économique des produits de santé a fixé les prix fabricant hors taxe des spécialités Siklos 1000 mg et 100 mg à respectivement 67 euros et 13,40 euros ; que la S.A.S. Laboratoire Addmedica demande la suspension de l'exécution de cette décision ;

Sur les conclusions à fin de suspension :

4. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que le Comité économique des produits de santé ne pouvait légalement fixer le prix de Siklos 1000 mg et 100 mg par simple référence au prix de la spécialité Droxia commercialisée dans la même indication aux Etats-Unis, sans prendre également en considération les prix de Siklos dans d'autres Etats européens, les différences dans les volumes de vente prévus ou constatés sur les marchés américain et européen et, s'agissant d'une spécialité pour laquelle il n'existait pas de médicament à même visée thérapeutique commercialisé en France, les coûts résultant nécessairement pour le laboratoire de sa mise sur le marché, est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse ;

5. Considérant, en second lieu, que la S.A.S. Laboratoire Addmedica, dont les ventes de la spécialité Siklos, essentiellement à l'export, ont représenté en 2011 57 % du chiffre d'affaires, a enregistré au premier semestre 2012 une perte nette de près de 160 000 euros, faisant suite à un bénéfice net de 11 000 euros au cours de l'exercice 2011 ; que son commissaire aux comptes, par courrier du 27 septembre 2012, l'a informée en application du premier alinéa de l'article L. 234-1 du code de commerce qu'il estimait que la vente des spécialités Siklos 1000 mg et 100 mg aux prix fixés par la décision litigieuse, à un niveau très inférieur aux coûts analytiques de la société, était de nature à compromettre la continuité de l'exploitation ; qu'eu égard à ce qui a été dit ci-dessus et aux explications fournies quant aux spécificités du marché anglais, le Comité économique des produits de santé n'est pas fondé à soutenir que cette situation financière serait imputable au seul laboratoire Addmedica et notamment à son refus d'accepter le prix qu'il lui avait proposé dès 2008 et à son choix de commercialiser le médicament à un prix élevé au Royaume-Uni ; que, dans ces conditions, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A.S. Laboratoire Addmedica est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision du Comité économique des produits de santé du 20 septembre 2012 fixant les prix des spécialités Siklos 1000 mg et Siklos 100 mg ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que la suspension ainsi prononcée implique nécessairement qu'un nouveau prix de vente au public des spécialités Siklos 1000 mg et Siklos 100 mg soit fixé par convention entre l'entreprise requérante et le Comité économique des produits de santé ou, à défaut, par décision du Comité, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la demande d'annulation de la décision du 20 septembre 2012 ; qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner cette fixation dans un délai de trois semaines à compter de la notification de la présente ordonnance ; qu'il résulte en outre de l'instruction, en l'état des éléments versés au dossier et eu égard au moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse, que ces prix ne pourront être fixés à un niveau inférieur à respectivement 200 euros et 40 euros par boîte ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par la société requérante ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la S.A.S. Laboratoire Addmedica, au titre de ces dispositions ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision du Comité économique des produits de santé du 20 septembre 2012 fixant les prix des spécialités Siklos 1000 mg et Siklos 100 mg est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au Comité économique des produits de santé de fixer, conformément aux motifs de la présente ordonnance et au plus tard dans le délai de trois semaines à compter de la notification de celle-ci, un nouveau prix de vente au public des spécialités Siklos 1000 mg et Siklos 100 mg applicable jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la demande d'annulation de la décision du 20 septembre 2012.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la S.A.S. Laboratoire Addmedica au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la S.A.S. Laboratoire Addmedica et au Comité économique des produits de santé.

Copie en sera adressée au ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 363196
Date de la décision : 06/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 2012, n° 363196
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pascale Fombeur
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:363196.20121106
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