Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 août et 9 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Lunel, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 0903437 du 10 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, à la demande de la Société Française du Radiotéléphone, annulé la décision du 19 mars 2009 par laquelle le maire de Lunel a fait opposition à la déclaration préalable présentée par cette société aux fins d'installation d'une station relais de téléphonie mobile, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge de la Société Française du Radiotéléphone la somme de 4 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Samuel Gillis, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Société Française du Radiotéléphone et de Me Haas avocat de la commune de Lunel ;
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Société Française du Radiotéléphone et à Me Haas avocat de la commune de Lunel ;
1. Considérant qu'il ressort des énonciations du jugement attaqué que le maire de Lunel a, par un arrêté du 19 mars 2009, fait opposition à une déclaration préalable déposée le 11 mars 2009 par la Société Française du Radiotéléphone en vue de l'installation d'une antenne relais de téléphonie mobile ; que, par un jugement du 10 juin 2010, contre lequel la commune de Lunel se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté, après avoir censuré pour erreur de droit le motif tiré de la méconnaissance des règles de hauteur prescrites par le règlement du plan local d'urbanisme et refusé de faire droit à différentes substitutions de motifs demandées par la commune, notamment à celle fondée sur les risques pour la santé humaine entraînés par les émissions électromagnétiques de cette installation ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la Charte de l'environnement : " Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. " ; que l'article 5 de la Charte dispose : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. " ; que par ailleurs, l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme prévoit que le permis de construire ou la décision prise sur la déclaration préalable de travaux doit respecter les préoccupations définies par l'article L. 110-1 du code de l'environnement qui se réfère au principe de précaution " selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions ainsi rappelées que le principe de précaution s'applique aux activités qui affectent l'environnement dans des conditions susceptibles de nuire à la santé des populations concernées ; que, par suite, en jugeant, par un motif qui n'était pas surabondant, que la circonstance, à la supposer établie, que les champs radioélectriques émis par les relais de téléphonie mobile porteraient atteinte à la santé humaine n'était pas de nature à faire regarder les dispositions de l'article 5 de la Charte comme ayant été méconnues, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit ; que la commune de Lunel est, dès lors, fondée à demander pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'annulation du jugement qu'elle attaque ;
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Lunel qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Société Française du Radiotéléphone la somme de 1 500 euros à verser à la commune au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 10 juin 2010 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montpellier.
Article 3 : La Société Française du Radiotéléphone versera une somme de 1500 euros à la commune de Lunel au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la Société Française du Radiotéléphone au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Lunel et à la Société Française du Radiotéléphone.