Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 novembre 2009 et 25 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes, dont le siège est au 143 boulevard Romain Rolland à Paris (75685) ; la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08NC01259 du 22 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 041153 du tribunal administratif de Strasbourg du 19 juin 2008 rejetant sa demande tendant à la réduction, à concurrence des sommes respectives de 5 724 euros et 124 101 euros, des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie, dans les rôles de la commune de Metz, au titre des années 2000 et 2001 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 80-495 du 2 juillet 1980 ;
Vu la loi n° 84-603 du 13 juillet 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes,
- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une réclamation contentieuse du 21 novembre 2002, la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes a sollicité la réduction des cotisations de taxe professionnelle qu'elle a acquittées au titre des années 2000 et 2001 à raison de deux établissements situés à Metz (57) ; qu'elle contestait notamment les modalités de détermination de la valeur locative des immobilisations corporelles entrant dans l'assiette de la taxe ; qu'en l'absence de réponse de l'administration fiscale, elle a saisi du litige le tribunal administratif de Strasbourg qui, par jugement du 19 juin 2008, a rejeté sa demande ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête dirigée contre ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " La taxe professionnelle a pour base : (...) la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) " ; que selon l'article 1518 B du même code : " A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession (...) " ;
3. Considérant que la loi du 2 juillet 1980 portant modification du statut du Service d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes a créé une société dénommée " Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes ", régie par la législation sur les sociétés anonymes, destinée à exercer les missions précédemment exercées par l'établissement public à caractère industriel et commercial dénommé " Service d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes " (SEITA) ; que l'article 2 de cette loi précise que : " Le patrimoine de l'établissement à caractère industriel et commercial dénommé " Service d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes " est apporté à la société créée par la présente loi, selon les modalités fixées par l'autorité compétente " ; que les modalités de cet apport ont été fixées par un arrêté du ministre du budget du 5 septembre 1980 dont l'article 1er prévoit que : " L'apport du patrimoine du Service d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes à la société dénommée Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes est effectué par la reprise, dans les comptes de la société des valeurs actives et passives de l'établissement public, telles que ces valeurs sont enregistrées dans les écritures comptables de celui-ci dans leur intégralité et pour les montants à la date de l'arrêté définitif des derniers comptes " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les immobilisations corporelles dont a initialement disposé la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes ont été acquises, par cette dernière, par voie d'apport ;
4. Considérant, en revanche, que si les biens de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes ont été transférés, en vertu de l'article 1er de la loi du 13 juillet 1984, à une nouvelle société du même nom, il résulte de l'ensemble des dispositions de cette loi, éclairées par les travaux parlementaires, qu'elles ont eu pour seul objet d'opérer une substitution entre l'ancienne et la nouvelle société sans entraîner d'autre modification ; qu'ainsi, les immobilisations corporelles transmises à la seconde société ne sauraient être regardées comme ayant été acquises à la suite d'un apport de la première ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions précitées de l'article 1518 B du code général des impôts ont vocation à s'appliquer en ce qui concerne la détermination de la valeur locative des seules immobilisations apportées, en application de la loi du 2 juillet 1980, par l'établissement public à caractère industriel et commercial dénommé " Service d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes " à la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes ; que, pour ces immobilisations, il y a lieu, en application de cet article, de comparer leur valeur locative telle que déterminée par application des règles de droit commun aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport et de retenir la plus élevée de ces deux valeurs ;
6. Considérant qu'il ressort des écritures d'appel de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes que celle-ci soutenait, s'agissant du montant de la valeur locative à retenir pour l'établissement des cotisations de taxe professionnelle en litige, que les valeurs locatives taxables selon l'article 1518 B excédant sensiblement les valeurs locatives taxables selon les dispositions de droit commun, il y avait lieu de retenir la valeur locative plancher instituée par cet article ; que, par suite, en jugeant, pour rejeter sa requête, que la société soutenait, à tort, que les dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts devaient être interprétées comme impliquant que la valeur locative prise en compte pour l'établissement de la taxe professionnelle devait, en cas d'apport, être " plafonnée " aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant celui-ci, lorsque cette valeur s'avérait inférieure à la valeur locative d'apport à laquelle elle est comparée, alors que les dispositions de l'article 1518 B instituaient une valeur locative minimum par dérogation aux règles d'évaluation de droit commun, la cour a dénaturé les écritures dont elle était saisie ; qu'il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, que la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 22 octobre 2009 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes et au ministre de l'économie et des finances.