Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Naïma A épouse B, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 11 mai 2011 rapportant le décret du 2 novembre 2007 en ce qu'il lui avait accordé la nationalité française ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 11 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Airelle Niepce, Maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Damien Botteghi, Rapporteur public,
Considérant qu'aux termes de l'article 27-2 du code civil, dans leur rédaction applicable au présent litige : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai d'un an à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude " ; qu'aux termes de l'article 59 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, rendu applicable aux retraits de nationalité française en application de son article 62 : " Lorsque le Gouvernement décide de faire application de l'article 23-7 du code civil, il notifie à l'intéressé, en la forme administrative ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les motifs de droit et de fait justifiant qu'il ait perdu la qualité de français. / A défaut de domicile connu, un avis informatif est publié au Journal officiel de la République française. / L'intéressé dispose d'un délai d'un mois à dater de la notification ou de la publication de l'avis au Journal officiel pour faire parvenir au ministre chargé des naturalisations ses observations en défense. / Après l'expiration de ce délai, le Gouvernement peut déclarer, par décret motivé pris sur avis conforme du Conseil d'Etat, que l'intéressé a perdu la qualité de Français. " ;
Considérant en premier lieu qu'il ressort des pièces du dossier que les motifs justifiant la perte de sa qualité de Français ont été communiqués à Mme A par lettre recommandée avec demande d'avis de réception présentée à son domicile le 10 août 2009 ; que cette lettre, faute d'avoir été réclamée par l'intéressée, a été retournée au service des naturalisations par les services postaux le 25 août 2009 ; que cette lettre doit être regardée comme ayant été notifiée le 10 août 2009 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret du 11 mai 2011 aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions réglementaires des articles 59 et 62 du décret du 30 décembre 1993, ne peut qu'être écarté ;
Considérant en deuxième lieu que la circonstance que le décret du 11 mai 2011 ait visé les lettres des 27 mai et 2 juin 2009 adressées par Mme A au service central de l'état civil à l'appui de sa demande de transcription d'un acte de mariage est en tout état de cause dépourvue d'incidence sur la légalité du décret attaqué ;
Considérant en troisième lieu qu'il ressort des pièces du dossier que, lors du dépôt de sa demande de naturalisation le 24 février 2006, Mme A a déclaré être célibataire et s'est engagée à signaler par écrit toute modification de sa situation personnelle ; que lors de l'entretien d'assimilation du 29 août 2006, elle a déclaré que ses frères et soeurs et ses oncles et tantes étaient les seuls liens qui la rattachaient encore à son pays d'origine ; qu'au vu de ces déclarations, elle a été naturalisée par décret du 2 novembre 2007 ; que toutefois, le 19 juin 2009, le ministre chargé des naturalisations a été informé par le ministre des affaires étrangères de ce que Mme A était mariée depuis le 2 août 2006 à Ouarzazate (Maroc) avec M. Lahcen C, ressortissant marocain résidant habituellement au Maroc ; que Mme A, qui maîtrise la langue française et n'a pu se méprendre sur la portée de son engagement et de ses déclarations, doit dès lors être regardée comme ayant volontairement dissimulé sa situation personnelle et familiale ; que la requérante ne saurait utilement invoquer son intégration dans la société française et la poursuite d'études en France ; que dans ces conditions, en rapportant, dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, le décret accordant la nationalité française à Mme A, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret attaqué ; que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Naïma A épouse B et au ministre de l'intérieur.