Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juin et 17 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DES SAINTES MARIES DE LA MER, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08MA03023 du 27 mai 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, faisant droit à l'appel formé par l'abbé B...et l'association diocésaine de l'archidiocèse d'Aix-en-Provence contre le jugement n° 0502887 du 22 avril 2008 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de son maire refusant de mettre fin aux visites payantes organisées sur le toit-terrasse de l'église fortifiée des Saintes Maries de la Mer, a annulé ce jugement et cette décision et a enjoint à son maire de mettre fin à ces visites dans un délai d'un mois à compter de la notification de son arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'abbé B...et de l'association diocésaine de l'archidiocèse d'Aix-en-Provence ;
3°) de mettre à la charge de l'abbé B...et de l'association diocésaine de l'archidiocèse d'Aix-en-Provence une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 mai 2012, présentée pour l'abbéB..., l'abbé A...et l'association diocésaine de l'archidiocèse d'Aix-en-Provence ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
Vu la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public du culte ;
Vu le décret n° 70-220 du 17 mars 1970 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la COMMUNE DES SAINTES MARIES DE LA MER et de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de l'abbé B...et autres,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la COMMUNE DES SAINTES MARIES DE LA MER et à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de l'abbé B...et autres ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la COMMUNE DES SAINTES MARIES DE LA MER organise depuis 1963 des visites payantes à caractère touristique du toit-terrasse de l'église fortifiée des Saintes Maries de la Mer, dont elle est propriétaire ; qu'elle a confié, à compter du 1er mars 1985, la gestion de cette activité à une société d'économie mixte dans le cadre d'une délégation de service public ; que, par un courrier du 29 décembre 2004, l'abbéB..., qui était alors desservant de cette église, et l'association diocésaine de l'archidiocèse d'Aix-en-Provence ont demandé au maire des Saintes Maries de la Mer de mettre un terme à ces visites ; que cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ; que, par un jugement du 22 avril 2008, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de l'abbé B...et de l'association diocésaine de l'archidiocèse d'Aix-en-Provence tendant à l'annulation de cette décision ; que, par un arrêt du 27 mai 2010, contre lequel la COMMUNE DES SAINTES MARIES DE LA MER se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille, faisant droit à la requête de l'abbé B...et de l'association diocésaine de l'archidiocèse d'Aix-en-Provence, a annulé ce jugement et la décision litigieuse et a enjoint au maire de mettre fin aux visites payantes du toit-terrasse de l'église dans un délai d'un mois à compter de la notification de son arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " Les édifices servant à l'exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II. (...) " ; que ce même article fixe les conditions dans lesquelles peut être prononcée la désaffectation de ces biens ; que l'article 5 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public du culte dispose : " A défaut d'associations cultuelles, les édifices affectés à l'exercice du culte, ainsi que les meubles les garnissant, continueront, sauf désaffectation dans les cas prévus par la loi du 9 décembre 1905, à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion./ La jouissance gratuite en pourra être accordée soit à des associations cultuelles constituées conformément aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905, soit à des associations formées en vertu des dispositions précitées de la loi du 1er juillet 1901 pour assurer la continuation de l'exercice public du culte, soit aux ministres du culte dont les noms devront être indiqués dans les déclarations prescrites par l'article 25 de la loi du 9 décembre 1905 (...) " ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des lois des 9 décembre 1905 et 2 janvier 1907 citées ci-dessus que, en l'absence d'associations cultuelles et d'actes administratifs attribuant la jouissance des édifices servant à l'exercice public du culte dont les collectivités publiques sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l'Etat, ces édifices, ainsi que les meubles les garnissant, sont laissés à la disposition des fidèles et des desservants pour l'exercice de leur culte, cette affectation ne pouvant prendre fin que par un acte de désaffectation intervenu dans les conditions prévues par l'article 13 de la loi du 9 décembre 1905 et par le décret du 17 mars 1970 portant déconcentration en matière de désaffectation des édifices cultuels ; que l'occupation de ces biens doit avoir lieu conformément aux règles d'organisation générale du culte auquel ils sont affectés, les ministres du culte étant chargés d'en régler l'usage de manière à assurer aux fidèles la pratique de leur religion ;
Considérant que l'affectation résultant de la combinaison des dispositions citées ci-dessus s'applique à l'ensemble d'un édifice cultuel, y compris ses dépendances nécessaires, fonctionnellement indissociables de l'édifice cultuel ; que, dès lors, la toiture d'un édifice cultuel, en tant qu'elle est nécessaire au bon déroulement des célébrations cultuelles organisées dans l'édifice qu'elle protège, est affectée au culte en vertu de ces mêmes dispositions ; que, toutefois, il en va autrement d'aménagements qui, alors même qu'ils sont situés sur le toit de l'édifice cultuel, doivent être regardés, compte tenu notamment de leurs caractéristiques propres et de la possibilité d'y accéder sans entrer dans l'édifice cultuel, comme fonctionnellement dissociables de cet édifice ; que la commune peut, sans avoir à recueillir l'accord préalable du desservant de l'église, organiser des visites de tels aménagements ; qu'il lui appartient de veiller à ce que les modalités d'organisation de celles-ci ne conduisent pas à perturber l'exercice du culte à l'intérieur de l'édifice et soient compatibles avec l'affectation de l'édifice sur lequel les aménagements visités sont situés ;
Considérant, dès lors, qu'en déduisant de la seule circonstance que la terrasse et le chemin de ronde sur lesquels se déroulaient les visites payantes litigieuses sont situés sur le toit de l'église des Saintes Maries de la Mer que ces aménagements devaient être regardés comme des dépendances affectées au culte, sans rechercher si compte tenu, notamment, de leurs caractéristiques propres et des conditions dans lesquelles il est possible d'y accéder, ces aménagements devaient être regardés, dans les circonstances particulières de l'espèce qui lui était soumise, comme des dépendances fonctionnellement dissociables de l'édifice cultuel, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'église des Saintes Maries de la Mer, qui appartient à la commune en vertu de l'article 12 de la loi du 9 décembre 1905, constitue un édifice affecté à l'exercice du culte au sens des dispositions précitées des lois du 9 décembre 1905 et du 2 janvier 1907 et n'a fait l'objet d'aucune mesure de désaffectation prise conformément aux dispositions de l'article 13 de la loi du 9 décembre 1905 et à celles du décret du 17 mars 1970 ; que, toutefois, la terrasse et le chemin de ronde situés sur le toit de cet édifice constituent, eu égard notamment à leurs caractéristiques, aux particularités architecturales de l'église, et à la circonstance que les visiteurs accèdent à la terrasse par une tour et un escalier indépendants dépourvus de toute communication avec les parties internes de l'église, des éléments fonctionnellement dissociables de cet édifice cultuel ; que, dès lors, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que cette terrasse et ce chemin de ronde ne sont pas grevés de l'affectation cultuelle résultant des dispositions combinées des lois des 9 décembre 1905 et 2 janvier 1907 ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, les dispositions de la loi du 2 janvier 1907 ne faisaient pas obligation au maire des Saintes Maries de la Mer de recueillir l'accord du desservant de l'église pour organiser des visites du toit-terrasse ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités d'organisation de ces visites touristiques conduiraient à perturber l'exercice du culte à l'intérieur de l'église ou seraient incompatibles avec l'affectation de l'église sur le toit de laquelle les aménagements visités sont situés ; qu'en particulier, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces modalités d'organisation perturberaient la fréquentation à des fins cultuelles de la chapelle Saint-Michel ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'abbé B...et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du maire des Saintes Maries de la Mer refusant de mettre fin aux visites payantes organisées sur le toit-terrasse de l'église et d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au maire, sous astreinte, de mettre fin à ces visites ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la COMMUNE DES SAINTES MARIES DE LA MER, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'abbé B...et de l'association diocésaine de l'archidiocèse d'Aix-en-Provence la somme que demande la commune au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 27 mai 2010 est annulé.
Article 2 : La requête de l'abbé B...et de l'association diocésaine de l'archidiocèse d'Aix-en-Provence devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DES SAINTES MARIES DE LA MER et les conclusions présentées par l'abbéB..., l'abbé A...et l'association diocésaine de l'archidiocèse d'Aix-en-Provence au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DES SAINTES MARIES DE LA MER, à l'abbéB..., à l'abbé A...et à l'association diocésaine de l'archidiocèse d'Aix-en-Provence.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur.