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15/06/2012 | FRANCE | N°351892

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 15 juin 2012, 351892


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 16 août et le 14 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par l'ASSOCIATION REGIONALE D'ANIMATION, dont le siège est 8 rue du Cros à Luc-la-Primaube (12450), représentée par son président en exercice ; l'association requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 11 mai 2011 par lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a, d'une part, rejeté sa candidature en vue de l'exploitation du service de radio Radio Totem p

ar voie hertzienne terrestre dans la zone de Clermont-Ferrand, relevant ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 16 août et le 14 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par l'ASSOCIATION REGIONALE D'ANIMATION, dont le siège est 8 rue du Cros à Luc-la-Primaube (12450), représentée par son président en exercice ; l'association requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 11 mai 2011 par lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a, d'une part, rejeté sa candidature en vue de l'exploitation du service de radio Radio Totem par voie hertzienne terrestre dans la zone de Clermont-Ferrand, relevant du comité technique radiophonique de Clermont-Ferrand et a, d'autre part, délivré à la SA Sud Radio Services une autorisation dans cette zone en vue de l'exploitation du service Sud Radio ;

2°) d'enjoindre au CSA de procéder à un réexamen de sa candidature dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision du Conseil d'Etat à intervenir ;

3°) de mettre à la charge du CSA le versement d'une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu les décrets des 24 janvier 2007, 24 janvier 2009 et 24 janvier 2011 portant nomination du président et des membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations Me Spinosi, avocat de la société Sud radio Services,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée Me Spinosi, avocat de la société Sud radio Services ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 11 mai 2011 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé à la SA Sud Radio Services à exploiter le service Sud Radio :

Considérant que la décision du 11 mai 2011 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a autorisé la SA Sud Radio Services à exploiter le service Sud Radio dans la zone de Clermont-Ferrand a été publiée au Journal officiel du 7 juin 2011 ; que la requête de l'ASSOCIATION REGIONALE D'ANIMATION n'a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat que le 16 août 2011, soit après l'expiration du délai de deux mois fixé par l'article R. 421-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, les conclusions de la requête tendant à l'annulation de cette décision ont été présentées tardivement et ne sont, par suite, pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 11 mai 2011 par laquelle le CSA a refusé à l'ASSOCIATION REGIONALE D'ANIMATION l'autorisation d'exploiter le service RADIO TOTEM :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que les neuf membres du CSA qui étaient présents le 11 mai 2011 lorsque a été prise la décision attaquée ont été nommés par trois décrets des 24 janvier 2007, 24 janvier 2009 et 24 janvier 2011 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que des membres auraient siégé après l'expiration de leur mandat, fixé à six ans par l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986, manque en fait ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Sont considérés comme autorités administratives au sens de la présente loi les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 4 de la même loi : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci " ;

Considérant que le CSA, qui est une autorité administrative au sens de l'article 1er de la loi du 12 avril 2000, est en conséquence soumis aux prescriptions de l'article 4 de cette loi ; que, s'agissant d'une autorité de caractère collégial, il est satisfait aux exigences découlant de celles-ci dès lors que les décisions que prend le conseil portent la signature de son président, accompagnée des mentions, en caractères lisibles, prévues par cet article ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée répond à ces exigences ; que, par suite, le moyen tiré par la requérante de leur méconnaissance doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 le Conseil supérieur de l'audiovisuel " accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte : (...) 5° de la contribution à la production de programmes réalisés localement. / (...) Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille, sur l'ensemble du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission sociale de proximité (...) / Le Conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. / Il s'assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale " ;

Considérant que, par deux communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le CSA, faisant usage des pouvoirs qu'il tient de ces dispositions, a déterminé cinq catégories de services en vue de l'appel à candidatures pour l'exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre ; que ces cinq catégories sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l'article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d'un réseau thématique à vocation nationale (C), services thématiques à vocation nationale (D), et services généralistes à vocation nationale (E) ;

Considérant que, dans la zone de Clermont-Ferrand où étaient déjà autorisés cinq services en catégorie A, trois en catégorie B, quatre en catégorie C, dix en catégorie D et trois en catégorie E, le CSA a attribué les trois fréquences disponibles à un service catégorie A, Radio Campus Clermont-Ferrand, " radio des cultures indépendantes et alternatives ciblant un public étudiant, qui propose un programme d'intérêt local de 23 heures par jour comprenant 4h30 d'informations et rubriques locales en moyenne ", à un service en catégorie D, Radio Classique, " afin de compléter l'offre musicale " par ce " programme spécialisé dans le répertoire classique et l'information économique " et à un service en catégorie E, Sud Radio " qui, en proposant huit heures d'information par jour ainsi que des émissions quotidiennes consacrées à l'actualité sportive, notamment celle du rugby, et la retransmission chaque semaine des rencontres du Top 14, contribue à l'enrichissement de l'offre d'information politique et générale, et est susceptible de correspondre aux attentes des auditeurs de Clermont-Ferrand, ville de tradition sportive dont l'équipe de rugby évolue dans le Top 14 " ; que le conseil a écarté la candidature de l'ASSOCIATION REGIONALE D'ANIMATION pour le service de catégorie B Radio Totem, " radio régionale implantée dans le sud du massif central, qui propose un programme d'intérêt local spécifique identique à Clermont-Ferrand et dans le département de la Haute-Loire d'une durée de 2h58 par jour " et a ajouté que : " De plus, son programme musical centré sur le pop/rock et les variétés est déjà représenté en partie, sur l'un ou l'autre de ces genres, par les programmes de RVA et de Radio Scoop " ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier de candidature de l'ASSOCIATION REGIONALE D'ANIMATION que le programme d'intérêt local du service Radio Totem proposé pour la zone de Clermont-Ferrand était le même que celui diffusé sur les fréquences d'Issoire et Brioude ; qu'ainsi, le CSA n'a pas commis d'erreur de fait en relevant que le service Radio Totem proposait un programme d'intérêt local identique à Clermont-Ferrand et dans le département de la Haute-Loire ; qu'il ressort également des pièces du même dossier que le programme d'intérêt local n'était prévu que pour deux heures cinquante-huit par jour du lundi au vendredi, pour vingt-huit minutes le samedi et était inexistant le dimanche ; qu'ainsi, le Conseil n'a pas davantage commis d'erreur de fait en relevant que ce programme ne dépassait pas deux heures cinquante-huit par jour ;

Considérant, en second lieu, que le candidat à l'attribution d'une autorisation d'exploitation dont la candidature est rejetée à l'issue d'un appel à candidatures peut directement invoquer, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus qui lui est ainsi opposée, des moyens tirés de ce que la comparaison opérée par le CSA, sur la base des éléments mentionnés dans la motivation de la décision attaquée, entre le service qu'il proposait et ceux qui ont été autorisés, est entachée d'une erreur d'appréciation ;

Considérant que l'ASSOCIATION REGIONALE D'ANIMATION ne conteste pas que, comme l'a relevé le conseil, le programme musical du service Radio Totem proposé en catégorie B était représenté en partie par les services de RVA et Radio Scoop, déjà autorisés dans la zone dans la même catégorie ; que la circonstance que la SA Radio Services diffuserait dans d'autres zones un service Sud Radio en catégorie B n'est pas, par elle-même, de nature à faire apparaître que, pour apprécier l'intérêt pour le public du service Sud Radio, le CSA aurait à tort estimé que le service Sud Radio proposé dans la zone de Clermont-Ferrand relevait de la catégorie E ; que, si les services RTL et RMC, déjà autorisés dans la zone en catégorie E, diffusaient des émissions sportives incluant le rugby, le conseil a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer que présentait un intérêt particulier pour le public de la zone de Clermont-Ferrand le service Sud Radio qui réservait une place importante à ce sport ; que, eu égard à l'intérêt qui s'attache à ce que le public puisse bénéficier du traitement différencié de l'actualité politique et générale, il n'a pas davantage commis d'erreur d'appréciation en prenant notamment en compte la circonstance que Sud Radio proposait huit heures quotidiennes d'information, alors même qu'étaient déjà autorisées trois radios de catégorie E, les services RTL, RMC et Europe 1 ; que, dans ces conditions, le CSA n'a pas commis d'erreur d'appréciation, au regard des critères énoncés à l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, en estimant que l'intérêt du service Sud Radio pour le public de la zone était supérieur à l'intérêt pour le même public du service RADIO TOTEM ;

Considérant qu'en soutenant que le dossier de candidature de Sud Radio aurait été incomplet en ce qu'il contenait pas les informations relatives à la composition de son capital et de ses organes, requises par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, la requérante ne conteste pas l'appréciation à laquelle s'est livré le CSA de l'intérêt pour le public du service Radio Totem comparé au service Sud Radio ; que l'association requérante doit dès lors être regardée comme excipant, par ce moyen, de l'illégalité de la décision du 11 mai 2011 par laquelle le CSA a, à l'issue du même appel à candidatures, autorisé la SA Sud Radio Services à exploiter le service Sud Radio ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, cette autorisation était devenue définitive à la date à laquelle l'ASSOCIATION REGIONALE D'ANIMATION a introduit sa requête ; qu'il en résulte que l'exception d'illégalité ainsi invoquée par la requérante a été présentée tardivement et n'est, par suite, pas recevable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION REGIONALE D'ANIMATION n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la S.A. Sud Radio Services au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION REGIONALE D'ANIMATION est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la S.A. Sud Radio Services présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION REGIONALE D'ANIMATION, à la SA Sud Radio Services et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Copie pour information en sera adressée à la ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 351892
Date de la décision : 15/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

56-02 RADIODIFFUSION SONORE ET TÉLÉVISION. RÈGLES GÉNÉRALES. - DÉLIVRANCE D'AUTORISATION APRÈS APPEL À CANDIDATURES - CONTESTATION DE LA LÉGALITÉ D'UN REFUS - 1) POSSIBILITÉ D'INVOQUER DIRECTEMENT DES MOYENS TIRÉS DE CE QUE LA COMPARAISON OPÉRÉE PAR LE CSA [RJ1] EST ENTACHÉE D'UNE ERREUR D'APPRÉCIATION - EXISTENCE - 2) MOYEN TIRÉ DU CARACTÈRE INCOMPLET DU DOSSIER DE LA CANDIDATURE RETENUE - MOYEN DEVANT ÊTRE REGARDÉ COMME CONTESTANT, PAR VOIE DE L'EXCEPTION, LA LÉGALITÉ DE LA DÉCISION D'AUTORISATION [RJ2].

56-02 1) Le candidat à l'attribution d'une autorisation d'exploitation dont la candidature est rejetée à l'issue d'un appel à candidatures peut directement invoquer, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus qui lui est ainsi opposée, des moyens tirés de ce que la comparaison opérée par le CSA, sur la base des éléments mentionnés dans la motivation de la décision attaquée, entre le service qu'il proposait et ceux qui ont été autorisés, est entachée d'une erreur d'appréciation.,,2) En soutenant que le dossier du candidat retenu aurait été incomplet, un opérateur s'étant vu refuser la délivrance d'une autorisation ne conteste pas l'appréciation à laquelle s'est livré le CSA de l'intérêt pour le public de son service par comparaison au service autorisé. Ce moyen doit être regardé comme contestant, par la voie de l'exception, la légalité de l'autorisation accordée.


Références :

[RJ1]

Comp. décision du même jour, Société SA vortex, n° 343530, à mentionner aux Tables.,,

[RJ2]

Cf., pour les conditions d'opérance et de recevabilité d'une telle exception d'illlégalité, décision du même jour, Société SA vortex, n° 343530, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2012, n° 351892
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Marie Gautier-Melleray
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SPINOSI ; SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:351892.20120615
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