Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jacques A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 16 mars 2009 par lequel le Président de la République a mis fin à ses fonctions et à son détachement dans l'emploi d'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale du Rhône, et l'a réintégré dans son corps d'origine d'inspecteur d'académie-inspecteur pédagogique régional ;
2°) d'enjoindre à l'administration, sous astreinte, de le réintégrer dans ses fonctions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 90-676 du 18 juillet 1990 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Talabardon, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Odent, Poulet, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Odent, Poulet, avocat de M. A,
Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret du 18 juillet 1990 relatif au statut d'emploi des inspecteurs d'académie, directeurs des services départementaux de l'éducation nationale et des inspecteurs d'académie adjoints, dans sa rédaction alors en vigueur : " Tout fonctionnaire nommé dans l'emploi d'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale (...) peut se voir retirer cet emploi dans l'intérêt du service. " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après avoir occupé plusieurs emplois d'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale, en dernier lieu dans le département de l'Isère, M. A a été nommé, par décret du 1er août 2008, et détaché à compter du 1er octobre 2008, dans l'emploi d'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale du Rhône ; qu'au vu d'un rapport établi le 9 février 2009 par le recteur de l'académie de Lyon, le directeur de l'encadrement du ministère de l'éducation nationale l'a informé, le 10 février 2009, de l'ouverture d'une procédure à fin de retrait de cet emploi ; que, par arrêté du 20 février 2009, pris au visa du même rapport, le ministre l'a suspendu de ses fonctions à compter du 23 février 2009, en application du premier alinéa de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, aux termes duquel " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. " ; qu'enfin, le décret attaqué du 16 mars 2009 a mis fin, dans l'intérêt du service, aux fonctions et au détachement de M. A dans l'emploi d'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale du Rhône et a réintégré l'intéressé dans son corps d'origine d'inspecteur d'académie-inspecteur pédagogique régional ;
Considérant qu'il ressort des termes du rapport du recteur de l'académie de Lyon, au vu duquel le ministre de l'éducation nationale a prononcé la suspension provisoire de M. A et proposé au Président de la République le retrait de son emploi, que l'administration a entendu reprocher à l'intéressé, non seulement des maladresses dans ses rapports avec les organisations syndicales et les élus locaux, mais également une mauvaise volonté dans l'application de diverses instructions rectorales et un départ en congés malgré une injonction contraire de sa hiérarchie ; qu'eu égard, d'une part, à la nature des faits qui lui étaient ainsi reprochés et que le ministre a jugés suffisamment graves pour prononcer sa suspension provisoire, d'autre part, aux conséquences que le retrait d'emploi contesté a eues sur sa carrière, M. A est fondé à soutenir que cette dernière mesure, alors même qu'elle aurait été prise également dans l'intérêt du service, n'en a pas moins revêtu à son égard un caractère disciplinaire et qu'à défaut d'avoir été précédée de la procédure applicable en la matière, elle se trouve entachée d'un vice de procédure ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A est fondé à demander l'annulation du décret attaqué ;
Considérant qu'eu égard aux caractéristiques de l'emploi d'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale, la présente décision n'implique pas nécessairement que M. A soit réintégré dans l'emploi qu'il occupait dans le département du Rhône, l'autorité compétente pouvant satisfaire aux obligations découlant pour elle de la présente décision en l'affectant, sous réserve qu'il n'ait pas été atteint entre temps par la limite d'âge, dans un emploi équivalent ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à cette autorité de réintégrer le requérant dans l'emploi même dont il a été évincé ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le décret du 16 mars 2009 du Président de la République est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques A, au Premier ministre et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.