Vu l'ordonnance n° 11PA02058 du 20 janvier 2012, enregistrée le 24 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la 8ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris, avant qu'il soit statué sur l'appel de M. Boualem A tendant à l'annulation du jugement n° 0709583/1 du 11 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté comme prescrite sa demande tendant, d'une part, à ce que le centre hospitalier intercommunal de Créteil soit déclaré responsable de la paralysie de son membre supérieur droit et, d'autre part, à sa condamnation à lui verser la somme de 3 000 000 euros en réparation de son préjudice ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2007, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 3 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Domitille Duval-Arnould, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier intercommunal de Créteil,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier intercommunal de Créteil ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat lui a transmis, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".
Considérant que cette disposition qui permet d'opposer la prescription d'une créance détenue sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics dotés d'un comptable public, à un mineur dont le représentant légal n'a pas agi alors qu'il n'en était pas empêché et n'ignorait pas l'existence de la créance, est applicable au litige au sens et pour l'application de l'article 23-4 susvisé ; qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution notamment au principe d'égalité, au motif que la prescription, sauf exception, ne court pas contre les mineurs non émancipés en matière civile ainsi qu'en dispose l'article 2235 du code civil, soulève une question présentant un caractère sérieux ;
Considérant qu'il y a donc lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Boualem A, au centre hospitalier intercommunal de Créteil et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne.
Copie en sera adressée à la cour administrative d'appel de Paris, au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.