Vu, avec les pièces qui y sont visées, la décision du 5 juillet 2010 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi enregistré sous le n° 308601 présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES et tendant à l'annulation de l'arrêt n° 04BX01401-04BX01404-04BX01405 du 12 juin 2007 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant, d'une part, qu'il annule les jugements n° 02578 et 201007-021008-021009 du tribunal administratif de Limoges du 3 juin 2004 en tant qu'ils rejettent les conclusions de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de l'Indre tendant, le premier, à l'annulation de la décision du préfet de l'Indre du 23 janvier 2002 en ce qu'elle lui demande de reverser la subvention d'un montant de 60 979,60 euros perçue au titre du fonds européen de développement régional (FEDER) et la décision implicite du préfet de l'Indre rejetant le recours gracieux contre cette décision, et le second, à l'annulation du titre de recettes d'un montant de 60 979,60 euros émis à son encontre et de la décision implicite rejetant son opposition à ce titre, et d'autre part, qu'il annule dans cette mesure ces décisions et ce titre, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions de savoir :
1°) En ce qui concerne l'existence d'un fondement juridique duquel résulterait une obligation de récupération de l'aide versée à la CCI :
Si lorsqu'un pouvoir adjudicateur bénéficiaire de subventions versées au titre du FEDER n'a pas respecté une ou plusieurs règles de passation des marchés publics pour la réalisation de l'action subventionnée, alors qu'il n'est par ailleurs pas contesté que l'action est éligible à ce fonds et qu'elle a été réalisée, il existe une disposition de droit communautaire, notamment dans les règlements (CEE) n° 2052/88 du Conseil du 24 juin 1988 et (CEE) n° 4253/88 du Conseil du 19 décembre 1988, fondant une obligation de récupération des subventions ; si elle existe, si une telle obligation vaut pour tout manquement aux règles de passation des marchés publics, ou seulement pour certains d'entre eux ; dans ce dernier cas, lesquels ;
2°) En cas de réponse au moins partiellement positive à la première question, en ce qui concerne les modalités de récupération d'une aide indûment versée :
a) Si la méconnaissance, par un pouvoir adjudicateur bénéficiant d'une aide au titre du FEDER, d'une ou de plusieurs règles relatives à la passation des marchés publics pour le choix du prestataire chargé de réaliser l'action subventionnée constitue une irrégularité au sens du règlement n° 2988/95 ; si la circonstance que l'autorité nationale compétente ne pouvait pas ignorer, au moment où elle a décidé d'accorder l'aide demandée au titre du FEDER, que l'opérateur bénéficiaire avait méconnu les règles relatives à la passation des marchés publics pour recruter, avant même l'attribution de l'aide, le prestataire chargé de réaliser l'action financée par celle-ci est de nature à avoir une incidence sur la qualification d'irrégularité au sens du règlement n° 2988/95 ;
b) En cas de réponse positive à la question 2) a), et dès lors que, ainsi que l'a jugé la Cour de justice (29 janvier 2009, Hauptzollamt Hamburg-Jonas / Josef Vosding Schlacht, Kühl- und Zerlegebetrieb GmbH et Co, aff. C-278/07 à C-280/07), le délai de prescription prévu à l'article 3 du règlement n° 2988/95 est applicable aux mesures administratives telles que la récupération d'une aide indûment perçue par un opérateur en raison d'irrégularités commises par lui :
- s'il y a lieu de fixer le point de départ du délai de prescription à la date du versement de l'aide à son bénéficiaire ou à celle de l'utilisation, par ce dernier, de la subvention perçue pour rémunérer le prestataire recruté en méconnaissance d'une ou plusieurs règles relatives à la passation des marchés publics ;
- si ce délai doit être regardé comme étant interrompu par la transmission, par l'autorité nationale compétente, au bénéficiaire de la subvention, d'un rapport de contrôle constatant le non-respect des règles de passation des marchés publics et préconisant à l'autorité nationale d'obtenir en conséquence le remboursement des sommes versées ;
- si lorsqu'un Etat membre use de la possibilité que lui ouvre le paragraphe 3 de l'article 3 du règlement n° 2988/95 d'appliquer un délai de prescription plus long, notamment lorsqu'il est fait application, en France, du délai de droit commun prévu à la date des faits en litige à l'article 2262 du code civil aux termes duquel : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (...) ", la compatibilité d'un tel délai avec le droit communautaire, notamment avec le principe de proportionnalité, doit s'apprécier au regard de la durée maximale de prescription prévue par le texte national servant de base légale à la demande de récupération de l'administration nationale ou bien au regard du délai effectivement mis en oeuvre dans le cas d'espèce ;
c) En cas de réponse négative à la question 2) a), si les intérêts financiers de la Communauté font obstacle à ce que, pour le versement d'une aide telle que celle en cause dans le présent litige, le juge fasse application des règles nationales relatives au retrait des décisions créatrices de droits, selon lesquelles, hors les hypothèses d'inexistence, d'obtention par fraude, ou de demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision, une décision administrative individuelle pouvant toutefois, notamment lorsqu'elle correspond au versement d'une aide, être assortie de conditions résolutoires, dont la réalisation permet le retrait de l'aide en cause sans condition de délai - étant précisé que le Conseil d'Etat a jugé qu'il y avait lieu d'interpréter cette règle nationale comme ne pouvant être invoquée par le bénéficiaire d'une aide indûment accordée en application d'un texte communautaire que s'il a été de bonne foi ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu le règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil du 24 juin 1988 ;
Vu le règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil du 19 décembre 1988 ;
Vu la directive 92/50/CEE du Conseil du 18 juin 1992 ;
Vu la directive 93/36/CEE du Conseil du 14 juin 1993 ;
Vu le règlement (CEE) n° 2081/93 du Conseil du 20 juillet 1993 ;
Vu le règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil du 20 juillet 1993 ;
Vu le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;
Vu l'arrêt du 21 décembre 2011 rendu par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire C-465/10 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Auditeur,
- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la Chambre de commerce et d'industrie de l'Indre,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la Chambre de commerce et d'industrie de l'Indre ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de l'Indre a reçu, pour la réalisation d'une opération dite " Objectif Entreprises ", visant à rechercher des investisseurs français et étrangers susceptibles de s'installer dans l'Indre, une subvention d'un montant de 60 979,60 euros au titre du fonds européen de développement régional (FEDER) dans le cadre d'une convention signée avec l'Etat le 20 décembre 1996, ainsi que des subventions d'un montant de 81 255,33 euros et 43 686,71 euros versées en 1996 et 1997 au titre du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) ; que, par une décision du 23 janvier 2002, le préfet de l'Indre a indiqué à la CCI de l'Indre que, compte tenu de la méconnaissance des règles de passation des marchés publics pour le recrutement du prestataire de services chargé de la réalisation de cette opération, ces subventions devaient être remboursées ; qu'il a émis des titres de perception correspondant aux sommes ainsi réclamées ; que, d'une part, la CCI de l'Indre a formé un recours gracieux contre la décision du 23 janvier 2002, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet par le préfet de l'Indre ; que, d'autre part, le silence gardé sur l'opposition à l'exécution des titres de perception formée par la CCI auprès du trésorier-payeur général a fait naître une autre décision implicite de rejet ; que la CCI de l'Indre a demandé à la juridiction administrative l'annulation de l'ensemble des décisions et titres mentionnés ci-dessus ; que, par plusieurs jugements du 3 juin 2004, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ces demandes ; que, par un arrêt du 12 juin 2007, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir joint les requêtes dirigées par la CCI de l'Indre contre ces jugements, a annulé ceux-ci et l'ensemble des décisions mentionnées ci-dessus et a déchargé la CCI de l'obligation de payer les sommes en cause ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, suivant l'interprétation donnée de ses écritures par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux dans sa décision du 5 juillet 2010, se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant seulement qu'il concerne les subventions versées au titre du FEDER ;
Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 7 du règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil du 24 juin 1988 concernant les missions des fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants, dans sa version en vigueur à la date des subventions litigieuses : " Les actions faisant l'objet d'un financement par les Fonds structurels ou d'un financement de la BEI ou d'un autre instrument financier existant doivent être conformes aux dispositions des traités et des actes arrêtés en vertu de ceux-ci, ainsi que des politiques communautaires, y compris celles concernant les règles de concurrence, la passation des marchés publics et la protection de l'environnement " ; qu'aux termes de l'article 23 du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil du 19 décembre 1988 portant dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2052/88 cité ci-dessus : " 1. Afin de garantir le succès des actions menées par des promoteurs publics ou privés, les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour : / - vérifier régulièrement que les actions financées par la Communauté ont été menées correctement, / - prévenir et poursuivre les irrégularités, / - récupérer les fonds perdus à la suite d'un abus ou d'une négligence. Sauf si l'Etat membre et/ou l'intermédiaire et/ou le promoteur apportent la preuve que l'abus ou la négligence ne leur est pas imputable, l'Etat membre est subsidiairement responsable du remboursement des sommes indûment versées (...) " ; que l'article 1er de la directive 92/50/CEE du Conseil du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, alors en vigueur, définit les " marchés publics de services " comme des contrats à titre onéreux conclus par écrit entre un prestataire de services et un pouvoir adjudicateur, et dispose que sont en principe considérés comme " pouvoirs adjudicateurs " l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes de droit public, les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public ; que l'article 7 de cette directive prévoit que celle-ci s'applique aux marchés publics de services dont le montant estimé hors taxe sur la valeur ajoutée égale ou dépasse 200 000 euros ;
Considérant que, dans l'arrêt du 21 décembre 2011 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux l'avait saisie à titre préjudiciel après avoir écarté l'autre moyen du pourvoi et avoir jugé que le moyen d'erreur de droit soulevé par le ministre tiré de l'existence d'un fondement communautaire à l'obligation de récupération des aides versées n'était pas nouveau en cassation, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que, lorsque le bénéficiaire d'une subvention octroyée au titre du FEDER est un pouvoir adjudicateur au sens de la directive 92/50/CEE du Conseil du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, et que le montant du contrat de marché public de services passé pour la réalisation de l'opération faisant l'objet de cette subvention dépasse le seuil de 200 000 euros prévu à l'article 7 de cette directive, le financement communautaire du projet est, en vertu du paragraphe 1 de l'article 7 du règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil du 24 juin 1988, subordonné au respect par le bénéficiaire des procédures de passation prévues par la directive 92/50/CEE ; qu'une violation par le bénéficiaire de ces règles constitue, selon le cas, un " abus " ou une " négligence " au sens du troisième tiret du paragraphe 1 de l'article 23 du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil du 19 décembre 1988, dès lors que, en raison de cette irrégularité, les fonds indûment perçus doivent, alors même que le projet pour laquelle l'aide a été versée a été réalisé, être considérés comme " perdus à la suite d'un abus ou d'une négligence " au sens de ces dispositions ; que l'article 23, paragraphe 1, troisième tiret, du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil du 19 décembre 1988 tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil du 20 juillet 1993, lu en combinaison avec l'article 7, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil du 24 juin 1988 tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2081/93 du Conseil du 20 juillet 1993, constitue, dans un tel cas, un fondement juridique permettant aux Etats membres de récupérer la subvention octroyée, sans qu'une habilitation prévue par le droit national soit nécessaire ; que, par ailleurs, lorsque la règle violée par le bénéficiaire de la subvention est l'une des obligations fondamentales prévues par la directive 92/50/CEE, par exemple lorsque le bénéficiaire a décidé de l'attribution d'un marché public de services sans publication d'un avis au Journal officiel des Communautés européennes, la récupération doit porter sur l'intégralité de la subvention versée, afin de produire l'effet dissuasif nécessaire à la bonne gestion des fonds structurels européens ;
Considérant qu'il résulte de l'interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union européenne qu'en jugeant qu'aucune des dispositions en débat devant elle ne subordonnait l'octroi des subventions allouées à la CCI de l'Indre au titre du FEDER pour l'opération " Objectif Entreprises " à la condition que les marchés conclus par la CCI pour la réalisation de cette opération respectent les règles de passation des marchés publics, et en déduisant que le préfet de l'Indre n'avait pu légalement se fonder sur le motif que la CCI avait attribué à la société DDB-Needham le marché public de services pour la réalisation de cette opération sans publication d'un avis au Journal Officiel des Communautés européennes, pour demander à la CCI le remboursement de la subvention qui lui avait été versée au titre du FEDER à raison de l'opération litigieuse, alors qu'avaient été évoquées devant elle les dispositions de l'article 7 du règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil du 24 juin 1988, pour l'application duquel a été pris l'article 23 du règlement n° 4253/88 du Conseil du 19 décembre 1988 dans sa rédaction issue du règlement (CEE) n° 2082/93, qui était également mentionné par les parties, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé en tant qu'il se prononce sur le reversement de la subvention perçue au titre du FEDER ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que les conclusions des requêtes n° 04BX01401 et n° 04BX01404 présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions de la requête n° 04BX01401 dirigées contre le jugement n° 02578 du tribunal administratif de Limoges du 3 juin 2004 en tant qu'elles concernent la subvention versée au titre du FEDER :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande devant le tribunal administratif de Limoges, la CCI de l'Indre soutenait que les décisions litigieuses du préfet de l'Indre étaient insuffisamment motivées ; que, toutefois, le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il se prononce sur la subvention versée au titre du FEDER ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer dans cette limite et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la CCI de l'Indre devant le tribunal administratif de Limoges ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 23 janvier 2002 par laquelle le préfet de l'Indre a demandé à la CCI le reversement de l'aide qui lui avait été versée au titre du FEDER, qui se borne à indiquer que " le non respect de la procédure de passation du marché public passé entre la CCI et l'agence DDB-Needham " a pour conséquence d'entraîner le reversement des aides perçues au titre de l'opération " Objectif entreprises ", ne comporte aucune mention des textes applicables qui auraient fondé en droit cette décision ; que, dès lors, elle est insuffisamment motivée ; que la CCI de l'Indre est fondée, par suite, à en demander pour ce motif l'annulation en tant qu'elle lui demande de reverser la subvention perçue au titre du FEDER ;
Considérant, d'autre part, que si l'illégalité dont une décision est entachée n'entraîne pas nécessairement l'annulation de la décision par laquelle a été rejeté le recours gracieux formé à son encontre, il en va toutefois autrement lorsque la décision prise sur recours gracieux est implicite et ne peut être regardée comme exempte du vice ayant entaché la décision initiale ; que, par suite, l'illégalité dont est entachée la décision du 23 janvier 2002 du préfet de l'Indre, qui est insuffisamment motivée, doit entraîner l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet a rejeté le recours gracieux formé par la CCI contre cette décision ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CCI de l'Indre est fondée à demander l'annulation de la décision du préfet de l'Indre du 23 janvier 2002 en tant qu'elle lui demande de reverser la subvention perçue au titre du FEDER pour l'opération " Objectif entreprises ", et de la décision implicite par laquelle le préfet a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision dans cette mesure ;
Sur les conclusions de la requête n° 04BX01404 dirigées contre le jugement n° 021007-021008-021009 du tribunal administratif de Limoges du 3 juin 2004 en tant qu'elles concernent le titre de recettes d'un montant de 60 979,60 euros émis le 23 janvier 2002 et la décision implicite rejetant l'opposition de la CCI de l'Indre à ce titre :
Sur la régularité du titre de perception litigieux :
Considérant qu'aux termes de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique : " Tout ordre de recette doit indiquer les bases de la liquidation " ;
Considérant que le titre litigieux, qui correspond à la récupération de la totalité de la subvention versée au titre du FEDER pour la première tranche de l'opération de recherche d'investisseurs, indique l'ordonnateur, le redevable, le montant à percevoir, mentionne comme objet " subvention indûment versée " et comporte dans la case observations la mention " FEDER 1ère tranche " ; qu'ainsi, il satisfait aux exigences de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962, qui n'impose pas l'indication des dispositions légales et réglementaires constituant le fondement de la créance ;
Sur le bien-fondé du titre de perception litigieux :
Considérant, en premier lieu, que l'illégalité d'un ordre de reversement n'est pas susceptible d'affecter la légalité du titre de perception ultérieurement émis par l'autorité compétente au cas où l'ordre de reversement n'a pas été suivi d'effet ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du titre de perception litigieux par voie de conséquence de l'insuffisance de motivation dont est entachée la décision du 23 janvier 2002 ;
Considérant, en deuxième lieu, que la CCI de l'Indre conteste le caractère indu de la subvention qui lui a été versée et l'existence d'un fondement juridique à la récupération de cette aide par l'Etat ;
Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient la CCI de l'Indre, cette dernière avait, en tant qu'établissement public administratif de l'Etat, la qualité de " pouvoir adjudicateur " à la date à laquelle le contrat litigieux a été conclu avec la société DDB-Needham, et était par suite soumise au respect des règles de procédure de passation des marchés publics de services ; que le montant du marché litigieux, passé pour la réalisation de l'action de recherche d'investisseurs pour laquelle a été octroyée la subvention de 60 979,60 euros au titre du FEDER, dépassait le seuil de 200 000 euros ; que, dès lors, il résulte de ce qu'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 21 décembre 2011 rendu dans l'affaire C-465/10, que le financement communautaire du projet était, en vertu du paragraphe 1 de l'article 7 du règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil du 24 juin 1988, subordonné au respect par la CCI de l'Indre des procédures de passation des marchés publics de services ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que la CCI de l'Indre achoisi la société DDB-Needham pour mener à bien cette opération sans qu'aucun avis d'appel d'offres n'ait été publié au Journal officiel des Communautés européennes ; qu'ainsi, la CCI a méconnu des règles fondamentales des procédures de passation des marchés publics de services ; que les fonds structurels qu'elle a perçus au titre de ce projet doivent, par suite, alors même que l'action de recherche d'investisseurs a été réalisée, être regardés comme " perdus à la suite d'un abus ou d'une négligence " au sens du troisième tiret du paragraphe 1 de l'article 23 du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil du 19 décembre 1988 ;
Considérant, dès lors, qu'il résulte de l'interprétation donnée par la Cour de Justice de l'Union européenne dans son arrêt du 21 décembre 2011 que l'article 23, paragraphe 1, troisième tiret, du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil du 19 décembre 1988, lu en combinaison avec l'article 7, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil du 24 juin 1988, constituait un fondement juridique permettant au préfet de l'Indre de récupérer auprès de la CCI l'intégralité de la subvention octroyée au titre du FEDER ;
Considérant, en troisième lieu, que la CCI de l'Indre fait valoir qu'à supposer qu'elle ait commis un manquement aux règles de passation des marchés publics, le retrait de l'aide octroyée n'était plus légalement possible après l'expiration d'un délai de quatre mois en vertu des règles de droit national relatives au retrait des décisions individuelles créatrices de droit, à défaut de modalités de récupération prévues par le droit communautaire ;
Considérant que lorsqu'est en cause, comme c'est le cas en l'espèce, la légalité d'un titre de perception émis pour la récupération d'une aide indûment versée en application d'un texte communautaire, il y a lieu de vérifier d'abord si une disposition communautaire définit les modalités de récupération de cette aide ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue " ; qu'aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1. (...) / Pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à compter du jour où l'irrégularité a pris fin. Pour les programmes pluriannuels, le délai de prescription s'étend en tout cas jusqu'à la clôture définitive du programme. / La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif (...) / 3. Les Etats membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 et au paragraphe 2 " ; qu'enfin, aux termes de l'article 4 de ce règlement : " 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : / - par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus (...) " ;
Considérant que, dans l'arrêt du 21 décembre 2011 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux l'avait saisie à titre préjudiciel dans la présente affaire, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que la méconnaissance, par un pouvoir adjudicateur bénéficiant d'une subvention FEDER, des règles relatives à la passation des marchés publics lors de l'attribution du marché ayant pour objet la réalisation de l'action subventionnée, constitue une " irrégularité " au sens de l'article 1er du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, même lorsque l'autorité nationale compétente ne pouvait pas ignorer, lors de l'octroi de cette subvention, que le bénéficiaire avait déjà décidé de l'identité du prestataire à qui il confierait la réalisation de l'action subventionnée ; qu'en effet, dès lors que les fonds structurels ne sauraient servir à financer des actions menées en méconnaissance de la directive 92/50/CEE, la violation par le bénéficiaire d'une subvention FEDER, en sa qualité de pouvoir adjudicateur, des règles de passation des marchés publics de services en vue de la réalisation de l'action subventionnée entraîne une dépense indue et porte ainsi préjudice au budget de l'Union ; qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans le même arrêt, dans de telles circonstances, cette violation perdure pendant toute la durée d'exécution du contrat illégalement conclu entre le prestataire et le bénéficiaire de cette subvention, de sorte que l'irrégularité doit être considérée comme une " irrégularité continue " au sens de l'article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 2988/95 ;
Considérant qu'il résulte de l'interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union européenne que les modalités de récupération de la subvention indûment perçue par la CCI de l'Indre au titre du FEDER pour l'opération " Objectif entreprises " ne sont pas régies par les règles de droit national relatives aux conditions de retrait des décisions individuelles créatrices de droits invoquées par la requérante, mais par les dispositions du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995, qui est applicable à l'irrégularité continue commise par la CCI de l'Indre et permet la poursuite d'une irrégularité au-delà d'un délai de quatre mois ; que, dès lors, la CCI de l'Indre n'est pas fondée à soutenir que le titre de perception litigieux serait illégal au motif que la récupération de cette subvention aurait été demandée plus de quatre mois après son attribution ;
Considérant, en quatrième lieu, que la requérante soutient qu'à supposer que le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 soit applicable, l'irrégularité commise serait prescrite à la date du 23 janvier 2002 en vertu du délai de quatre ans prévu par le paragraphe 1 de l'article 3 de ce règlement ;
Considérant qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 21 décembre 2011, en présence d'une irrégularité continue telle que celle en cause dans la présente affaire, le délai de prescription de quatre années prévu par le paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 2988/95 aux fins de la récupération de la subvention indûment versée commence à courir à compter du jour où s'achève l'exécution du contrat de marché public illégalement passé ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le contrat de recherche d'investisseurs signé entre la CCI de l'Indre et la société DDB-Needham le 20 mai 1996 a été conclu pour une durée d'un an renouvelable, dans la limite d'une durée totale de trois ans ; que ce contrat a été exécuté et qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il aurait été résilié avant la fin de la période de trois ans ; que, dès lors, le délai de quatre années prévu par l'article 3 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 n'était pas expiré à la date du 23 janvier 2002 ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, l'irrégularité en cause n'était pas prescrite ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CCI de l'Indre n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du titre de perception d'un montant de 60 979,60 euros émis à son encontre et de la décision implicite rejetant son opposition à ce titre ;
Sur les conclusions de la CCI de l'Indre présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande la CCI de l'Indre au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 12 juin 2007 est annulé en tant, d'une part, qu'il annule les jugements n° 02578 et n° 021007-021008-021009 du 3 juin 2004 du tribunal administratif de Limoges en tant qu'ils rejettent les conclusions de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de l'Indre tendant, pour le premier, à l'annulation de la décision du préfet de l'Indre du 23 janvier 2002 en ce qu'elle lui demande de reverser la subvention d'un montant de 60 979,60 euros perçue au titre du fonds européen de développement régional (FEDER), ensemble la décision implicite du préfet de l'Indre rejetant le recours gracieux contre cette décision dans cette mesure, et pour le second, à l'annulation du titre de recettes d'un montant de 60 979,60 euros émis à son encontre et de la décision implicite rejetant son opposition à ce titre, et d'autre part, qu'il annule dans cette mesure ces décisions et ce titre.
Article 2 : Le jugement n° 02578 du 3 juin 2004 du tribunal administratif de Limoges est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de la CCI de l'Indre tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Indre du 23 janvier 2002 en ce qu'elle lui demande de reverser la subvention d'un montant de 60 979,60 euros perçue au titre du fonds européen de développement régional (FEDER) et de la décision implicite du préfet de l'Indre rejetant le recours gracieux contre cette décision dans cette mesure.
Article 3 : La décision du préfet de l'Indre du 23 janvier 2002, en ce qu'elle demande à la CCI de l'Indre de reverser la subvention d'un montant de 60 979,60 euros perçue au titre du fonds européen de développement régional (FEDER), et la décision implicite du préfet de l'Indre rejetant le recours gracieux contre cette décision dans cette mesure sont annulées.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 04BX01404 est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la Chambre de commerce et d'industrie de l'Indre présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et à la Chambre de commerce et d'industrie de l'Indre.