Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le COMITE DE RECHERCHE ET D'INFORMATION INDEPENDANTES SUR LE GENIE GENETIQUE (CRIIGEN), dont le siège est 40 rue Monceau à Paris (75008), représenté par sa présidente ; le CRIIGEN demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 juin 2009 par laquelle le ministre de l'agriculture et de la pêche a rejeté sa demande de suspension et de retrait de l'autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Roundup de la société Monsanto Agriculture France SAS ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 ;
Vu le code rural ;
Vu le décret n° 94-359 du 5 mai 1994 ;
Vu l'arrêté interministériel du 6 septembre 1994 portant application du décret n° 94-359 du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Auditeur,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 253-4 du code rural dans sa rédaction à la date de la décision attaquée : A l'issue d'une évaluation des risques et des bénéfices que présente le produit [phytopharmaceutique], l'autorisation de mise sur le marché est délivrée par l'autorité administrative après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, si les substances actives contenues dans ce produit sont inscrites sur la liste communautaire des substances actives, à l'exception de celles bénéficiant d'une dérogation prévue par la réglementation communautaire, et si l'instruction de la demande d'autorisation révèle l'innocuité du produit à l'égard de la santé publique et de l'environnement, son efficacité et sa sélectivité à l'égard des végétaux et produits végétaux dans les conditions d'emploi prescrites. / L'autorisation peut être retirée s'il apparaît, après nouvel examen, que le produit ne satisfait pas aux conditions définies au premier alinéa (...) ; que l'article R. 253-38 du code rural prévoit que l'autorisation de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique est délivrée pour dix ans par le ministre chargé de l'agriculture, après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) ; que l'article R. 253-46 du même code dispose que : L'autorisation de mise sur le marché peut être retirée ou modifiée par le ministre chargé de l'agriculture, le cas échéant après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. / L'autorisation de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique est retirée : / 1° Si les conditions requises pour son obtention ne sont plus remplies ; / 2° Ou si des indications fausses ou fallacieuses ont été fournies dans la demande d'autorisation (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les risques liés à l'utilisation de la préparation phytopharmaceutique Roundup de la société Monsanto Agriculture France SAS, qui disposait d'une autorisation de mise sur le marché n° 7400057, ont fait l'objet d'une réévaluation à la suite de l'inscription du glyphosate, substance qui entre dans la composition de cet herbicide en tant que substance active, sur la liste communautaire des substances actives autorisées à l'annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ; qu'après que l'AFSSA a, le 16 avril 2007, émis un avis favorable, le ministre chargé de l'agriculture a renouvelé l'autorisation de la préparation Roundup ; qu'à la suite de la publication de travaux scientifiques sur les effets du glyphosate et des préparations à base de cette substance dans la revue Chemical Research in Toxicology , le ministre chargé de l'agriculture a, le 28 janvier 2009, saisi l'AFSSA d'une nouvelle demande d'avis ; que, par un avis du 26 mars 2009, l'AFSSA a estimé que les résultats avancés dans ces publications n'apportaient pas de nouveaux éléments pertinents de nature à remettre en cause les conclusions de l'évaluation européenne du glyphosate ni celles de l'évaluation nationale des préparations contenant cette substance ; que, par un courrier du 23 mars 2009, le COMITE DE RECHERCHE ET D'INFORMATION INDEPENDANTES SUR LE GENIE GENETIQUE (CRIIGEN) a demandé au ministre chargé de l'agriculture de suspendre et retirer l'autorisation de mise sur le marché de la préparation Roundup ; que, par une décision du 11 juin 2009, le ministre de l'agriculture et de la pêche a refusé de procéder au retrait demandé ; que le CRIIGEN demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
Considérant que l'AFSSA ne saurait être regardée comme ayant méconnu le principe d'impartialité au seul motif que, avant de rendre son avis du 26 mars 2009, elle a consulté le comité d'experts spécialisé Produits phytosanitaires : substances et préparations chimiques qu'elle avait déjà consulté avant de rendre son avis du 16 avril 2007 relatif à la demande de renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché de la préparation Roundup ; que, par suite, le CRIIGEN n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait été, pour ce motif, irrégulièrement prise ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
Considérant, en premier lieu, que l'association requérante soutient que la décision attaquée est entachée d'erreur de droit, dès lors que les insuffisances de la méthode suivie par l'AFSSA pour évaluer l'innocuité du produit phytopharmaceutique Roundup avant de rendre ses avis du 16 avril 2007 et du 26 mars 2009 auraient dû conduire le ministre, en application des dispositions précitées du code rural, à retirer l'autorisation litigieuse ;
Considérant, d'une part, que, s'agissant de l'impact du produit sur la santé, l'association requérante soutient qu'aucune étude de toxicité chronique de la préparation Roundup n'a été réalisée, l'AFSSA se contentant selon elle d'analyses des effets de la substance active glyphosate ; qu'elle ajoute, sans apporter toutefois les précisions permettant d'apprécier la portée exacte de ses affirmations, qu'une étude de cancérogenèse sur le rat aurait été plus appropriée qu'une étude de tératogenèse sur le lapin, que les effets cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques du produit Roundup n'ont pas été évalués de manière appropriée et que l'AFSSA a omis de tenir compte d'importantes études scientifiques ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 16 avril 2007 relatif au renouvellement de la préparation Roundup, l'AFSSA a examiné la toxicité chronique de cette préparation pour l'homme et a notamment fondé son analyse sur des évaluations réalisées lors de la procédure communautaire d'inscription du glyphosate sur la liste des substances actives autorisées, parmi lesquelles figurent des études des effets cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques de cette substance, dont certaines ont été réalisées par application non du glyphosate pris isolément, mais de la préparation Roundup ; que l'AFSSA a également examiné, dans son avis du 26 mars 2009, les résultats de travaux qui ont été publiés dans des revues scientifiques postérieurement au renouvellement de l'autorisation de la mise sur le marché de la préparation Roundup et qui rendent compte d'études des effets mutagènes et cancérigènes, sur les cellules humaines et animales, des préparations à base de glyphosate ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée reposerait sur ce point sur une méthode d'évaluation inappropriée, en méconnaissance, notamment, des principes spécifiques pour l'évaluation et l'autorisation des produits phytopharmaceutiques, énoncés à l'annexe VI à la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 et transposés à l'annexe III de l'arrêté interministériel du 6 septembre 1994 portant application du décret n° 94-359 du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques ;
Considérant, d'autre part, s'agissant des risques pour l'environnement, que si l'association requérante conteste la méthode suivie par l'AFSSA pour évaluer les risques pour les sols et pour les eaux, en soutenant notamment que les effets de la seule substance active et non ceux de la préparation Roundup, dans laquelle cette substance est mélangée avec des coformulants, ont été analysés, elle n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée reposerait sur une méthode inappropriée d'évaluation de ces risques ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'erreur de droit doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que le CRIIGEN soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle sous-estime gravement les risques que présente la préparation Roundup, tels qu'ils auraient été mis en lumière par l'AFSSA elle-même, et qu'elle repose sur une dénaturation des résultats de publications scientifiques récentes faisant état de risques pour la santé humaine ;
Considérant, toutefois, que si, ainsi que le relève l'association requérante, l'avis de l'AFSSA du 16 avril 2007 fait état, en ce qui concerne les eaux souterraines ou de surface, d'un risque de déclassement , il conclut cependant à l'acceptabilité des risques présentés sur ce point par la préparation Roundup, sous réserve de l'adoption de simples mesures de gestion efficaces et appropriées ; que, par ailleurs, si cet avis relève que les rapports entre la toxicité et l'exposition pour les oiseaux, les mammifères, les vers de terre et les autres macro-organismes du sol sont supérieurs aux valeurs définies par la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991, il en résulte seulement que la marge de sécurité prévue par la réglementation est respectée ; qu'enfin, les travaux scientifiques invoqués par l'association requérante ont fait l'objet, dans l'avis de l'AFSSA du 26 mars 2009, d'une analyse détaillée, dont le CRIIGEN se borne à soutenir, sans apporter aucune précision à l'appui de son argumentation, qu'elle serait entachée de plusieurs erreurs ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée, fondée sur les avis de l'AFSSA des 16 avril 2007 et 26 mars 2009, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, que si le CRIIGEN soutient que le ministre de l'agriculture et de la pêche aurait méconnu le principe de précaution inscrit dans la Charte de l'environnement, le principe suivant lequel chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré respectueux de la santé, ainsi que le droit à l'information sur les risques , il n'assortit en tout état de cause ces moyens d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CRIIGEN n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du COMITE DE RECHERCHE ET D'INFORMATION INDEPENDANTES SUR LE GENIE GENETIQUE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au COMITE DE RECHERCHE ET D'INFORMATION INDEPENDANTES SUR LE GENIE GENETIQUE, au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire et à la société Monsanto SAS.