Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril et 9 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS, représenté par le président du conseil général ; le département demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08VE02906 du 29 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'il a formé contre le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 24 juin 2008 annulant la délibération du 3 avril 2007 par laquelle la commission permanente de son conseil général a décidé de soutenir les familles rencontrant des difficultés financières en raison d'un conflit social au sein de la société PSA à Aulnay-sous-Bois par le versement de la somme de 20 000 euros sur le compte de l'association Entraide Solidarité Salarié 93 et Famille ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 3 avril 2007, la commission permanente du conseil général de la Seine-Saint-Denis a décidé de prendre des mesures à l'attention des familles rencontrant des difficultés financières en raison de la durée du conflit social au sein de la société PSA à Aulnay-sous-Bois et établi le montant de ce soutien à hauteur de 20 000 euros qui seront versés sur le compte de l'association Entraide Solidarité Salarié 93 et Famille ; que, estimant que cette délibération était entachée d'illégalité, le préfet de la Seine-Saint-Denis, dont la lettre d'observations adressée sur ce point au DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS était demeurée sans effet, a déféré cette délibération au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui l'a annulée par un jugement du 24 juin 2008 au motif que l'aide n'avait pas été attribuée directement aux familles des salariés rencontrant des difficultés, mais à une personne morale de droit privé, et ne pouvait par suite être regardée comme répondant exclusivement à des préoccupations d'ordre social ; que, par un arrêt du 29 décembre 2009, contre lequel le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'il n'appartient pas au conseil général chargé, en vertu de l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable à la délibération en litige, de régler par ses délibérations les affaires du département, d'intervenir dans un conflit collectif du travail en réduisant, au profit de l'une des parties à ce conflit, l'effet des pertes financières qui en résultent ; que, toutefois, un département peut prendre des mesures à l'attention des personnes résidant sur son territoire qu'un tel conflit a placées dans le besoin, dès lors que l'aide ainsi consentie répond exclusivement à des préoccupations d'ordre social ; que ces mesures peuvent prendre la forme soit de l'attribution d'aides à ces personnes, soit de l'octroi d'une subvention à un organisme de droit privé aux fins de soutenir l'action de ce dernier en direction des personnes résidant sur le territoire départemental qui sont fragilisées par le conflit, sous réserve que l'organisme attributaire de la subvention ne soit lié à aucune des parties et soit neutre dans ce conflit collectif du travail et que soit garantie l'utilisation de la subvention pour des actions profitant à ces seules personnes à raison de leurs difficultés, à l'exclusion de toute action susceptible d'apporter un soutien à l'une des parties au conflit ;
Considérant, dès lors, qu'en jugeant que la délibération en litige devant elle ne pouvait être regardée comme répondant exclusivement à des préoccupations d'ordre social au seul motif que la mesure adoptée par le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS en vue de soutenir les familles rencontrant des difficultés financières en raison de la durée du conflit social au sein de la société PSA à Aulnay-sous-Bois ne prenait pas la forme d'une aide attribuée directement par le conseil général à ces personnes, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 29 décembre 2009 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera 3 000 euros au DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Copie en sera adressée pour information à l'association Entraide Solidarité Salarié 93 et Famille.