Vu, 1° sous le n° 327900, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mai et 12 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CHATEAU MONDOT, dont le siège est Château Troplong Mondot à Saint-Emilion (33330), la SCI CHATEAU BELLEFONT-BELCIER, dont le siège est 1 rue Belcier à Saint-Laurent des Combes (33330) , la SOCIETE CIVILE DAURIAC (CHATEAU DESTIEUX), dont le siège est Château Destieux à Saint-Hippolyte (33330), la SCEA FLEUR CARDINALE, dont le siège est Château Fleur Cardinale 7 rue Thibaud à Saint-Etienne de Lisse (33330), la SCE ALAIN GIRAUD (CHATEAU GRAND CORBIN), dont le siège est Château Grand Corbin 5 rue Grand Corbin à Saint-Emilion (33330), la SCE VIGNOBLES CONSORTS DESPAGNE, dont le siège est Château Grand-Corbin Despagne, 3 rue Barraillot à Saint-Emilion (33330), la SCE CHATEAU PAVIE MACQUIN, dont le siège est Château Pavie Macquin à Saint-Emilion (33330), la SOCIETE CHATEAU MONBOUSQUET, dont le siège est Château Monbousquet à Saint-Sulpice de Faleyrens (33330), représentées par leurs dirigeants légaux ; les sociétés requérantes demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n°s 08BX02017, 08BX02018, 08BX02172, 08BX02173, 08BX03180 et 08BX03257 du 12 mars 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté les requêtes tendant à l'annulation partielle ou totale du jugement n°s 0700996, 0700997, 0700998, 0701043, 0701051, 0701052, 0701084, 0701196 du 1er juillet 2008 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté interministériel du 12 décembre 2006 portant homologation du classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Emilion grand cru et du jugement n°s 0803862, 0803990 du 28 octobre 2008 par lequel le même tribunal administratif a rejeté la tierce opposition formée par les sociétés Château Bellefont-Belcier, Château Destieux, Fleur Cardinale, Alain Giraud, Vignobles Consorts Despagne, Monbousquet et Château Pavie Macquin contre le jugement précité du 1er juillet 2008 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge des sociétés Robert Giraud, Château Cadet Bon, Château Guadet Saint Julien, de M. Léo Pierre Guillaume A, de la société Château Tertre Daugay, du GFA Geoffrion, des sociétés Vignobles Aberlen et André Giraud, du GFA Giraud Belivier et de la société Château La Marzelle la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2° sous le n° 328058, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mai et 12 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CONSEIL DES VINS DE SAINT-EMILION, dont le siège est rue Guadet à Saint-Emilion (33330) ; il demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le même arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit aux conclusions d'appel présentées devant cette cour ;
3°) de mettre à la charge des requérants de première instance la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation commune du marché vitivinicole ;
Vu le règlement (CE) n° 753/2002 de la Commission du 29 avril 2002 fixant certaines modalités d'application du règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil en ce qui concerne la désignation, la dénomination, la présentation et la protection de certains produits vitivinicoles ;
Vu le code rural ;
Vu le décret du 11 janvier 1984 concernant les appellations d'origine contrôlées Saint-Emilion et Saint-Emilion grand cru ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Christine Allais, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SOCIETE CHATEAU MONDOT et autres, de la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat du conseil des vins de Saint-Emilion et de Me Foussard, avocat de la société des Vignobles Aberlen et autres,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SOCIETE CHATEAU MONDOT et autres, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat du conseil des vins de Saint-Emilion et à Me Foussard, avocat de la société des Vignobles Aberlen et autres ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret du 11 janvier 1984 concernant les appellations d'origine contrôlée Saint-Emilion et Saint-Emilion grand cru , en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : L'utilisation des mentions grand cru classé ou premier grand cru classé est réservée aux exploitations viticoles ayant fait l'objet d'un classement officiel homologué par arrêté conjoint du ministre de l'agriculture et du secrétaire d'Etat chargé de la consommation après avis du syndicat intéressé sur proposition de l'Institut national des appellations d'origine des vins et eaux de vie. / Les vins qui sont issus de ces exploitations doivent répondre aux conditions de production fixées pour l'appellation Saint-Emilion grand cru . / Ne peuvent figurer audit classement que les exploitations viticoles qui répondent aux dispositions du règlement fixant les conditions requises pour pouvoir bénéficier de la mention grand cru classé ou premier grand cru classé . / Ce règlement, après avis des syndicats intéressés et sur proposition de l'Institut national des appellations d'origine des vins et eaux de vie, est soumis à l'approbation du ministre de l'agriculture et du ministre chargé de la consommation. / Le classement susvisé est valable pour dix ans à compter de la parution de l'arrêté d'homologation. ; qu'aux termes de l'article 1er du règlement de classement, pris en application de ces dispositions et approuvé le 30 mai 2006 : (...) Il est procédé à l'échéance du classement précédent, à un nouveau classement des exploitations viticoles grands crus classés et premiers grands crus classés de l'appellation Saint-Emilion Grand Cru dont le nombre ne pourra excéder quatre-vingt-dix, selon les modalités qui suivent ; que l'article 2 du même règlement dispose que : Une commission de 9 membres titulaires et de 3 membres suppléants (...) est nommée par le Comité national des vins et eaux-de-vie de l'Institut national des appellations d'origine pour une période de dix ans sur propositions du syndicat intéressé. (...) ; que l'article 6 du règlement prévoit que : La commission a, à sa disposition, les dossiers et les échantillons des vins des candidats et pourra demander à l'Institut national des appellations d'origine, au syndicat, ou à l'intéressé tous renseignements complémentaires qu'elle juge utiles. Les échantillons sont prélevés par les services de l'INAO. Le choix des millésimes prélevés est laissé à l'appréciation de la commission sur la période des dix dernières années. La commission peut également entendre toute personne qu'il lui plaira. La commission établit son jugement à partir de tous les facteurs qui peuvent être pris en compte pour justifier ou infirmer le classement et parmi lesquels on peut citer en particulier : / - consistance de l'exploitation aussi bien en dimension qu'en caractéristiques qualitatives ; / - conduite de l'exploitation tant sur le plan viticole que sur celui de l'oenologie ; / - commercialisation, présentation, notoriété, importance des actions promotionnelles et prix de vente, constance et niveau de qualité des vins appréciés entre autres par dégustation des échantillons (...) ;
Considérant qu'en application de ces dispositions, un arrêté du 12 décembre 2006 du ministre de l'agriculture et de la pêche et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a procédé à l'homologation du classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Emilion grand cru ; que par un jugement du 1er juillet 2008, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté ; que, par un second jugement, du 28 octobre 2008, il a rejeté le recours en tierce opposition formé par les sociétés Château Bellefont-Belcier, Château Destieux, Fleur Cardinale, Alain Giraud, Vignobles Consorts Despagne, Monbousquet et Chateau Pavie Macquin contre le jugement du 1er juillet 2008 ; que la SOCIETE CHATEAU MONDOT et autres, d'une part, et le CONSEIL DES VINS DE SAINT-EMILION, d'autre part, se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 12 mars 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé les deux jugements du tribunal administratif ; qu'il y a lieu de joindre ces pourvois pour statuer par une seule décision ;
Considérant que le désistement de la SCI CHATEAU BELLEFONT-BELCIER, de la SOCIETE CHATEAU MONBOUSQUET, de la SCEA FLEUR CARDINALE, de la SCE VIGNOBLES CONSORTS DESPAGNE, de la SCE ALAIN GIRAUD (CHATEAU GRAND CORBIN) et du CONSEIL DES VINS DE SAINT-EMILION est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Considérant, en premier lieu, que si les sociétés requérantes soutiennent que l'arrêt attaqué est irrégulier faute de répondre aux moyens d'appel soulevés contre le jugement du 28 octobre 2008 du tribunal administratif de Bordeaux, la plupart de ces moyens étaient analogues à ceux qui étaient soulevés contre le jugement du 1er juillet 2008 du même tribunal, auxquels la cour a répondu ; que si les sociétés requérantes avaient aussi soulevé, contre le jugement du 28 octobre 2008, des moyens tirés de ce que l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2006 n'aurait dû produire d'effets qu'à l'égard des requérants de première instance et qu'à compter de la date d'application effective du nouveau classement prévu par la loi, la cour administrative d'appel de Bordeaux y a explicitement répondu ; que, par suite, le premier moyen des sociétés requérantes manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, la cour n'a pas méconnu son office en se prononçant sur la légalité de la méthode de dégustation retenue par la commission de classement des crus, qui était discutée devant elle ;
Considérant, en troisième lieu, que, si la cour a relevé qu'en application des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article 7 du décret du 11 janvier 1984, le classement homologué par l'arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de la consommation du 8 novembre 1996 était devenu caduc dix ans après sa publication, elle n'en a pas déduit, fût-ce implicitement, que l'obligation de définir un nouveau classement qui résultait de ce décret impliquait qu'il fût impossible de se référer au classement précédent ou de s'en inspirer pour établir le nouveau classement ; que le moyen tiré de ce que, pour avoir retenu une telle impossibilité, la cour aurait fait abstraction de la pérennité nécessairement attachée à la notion de mention traditionnelle complémentaire et qu'elle aurait, pour ce motif, dénaturé les faits et méconnu les règlements communautaires relatifs aux mentions traditionnelles complémentaires et le décret précité du 11 janvier 1984, ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment des termes mêmes du passage du rapport de la commission de classement consacré à la méthode qu'elle a adoptée, que les membres de la commission ont souhaité commencer par déguster l'ensemble des actuels grands crus classés demandant leur reconduction dans le classement afin d'établir un niveau de référence pour chacun des membres ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en relevant que la commission avait procédé à une dégustation préalable des crus déjà classés afin de déterminer un niveau de référence ;
Considérant, en cinquième lieu, que la cour a donné aux dispositions citées ci-dessus leur exacte portée en jugeant que la commission de classement des crus était tenue de respecter une égalité de traitement entre les exploitations déjà bénéficiaires d'une mention et les exploitations nouvellement candidates à une telle mention ; qu'en relevant, s'agissant de l'évaluation de qualité des vins, seule contestée devant elle, que la commission s'était fondée sur un niveau de référence déterminé après dégustation des seuls crus déjà classés pour apprécier, par comparaison avec ce niveau, les crus des exploitations nouvellement candidates et en en déduisant que la commission avait ainsi méconnu l'égalité de traitement entre les candidats, la cour, qui a suffisamment motivé sa décision, n'a commis aucune erreur de droit ;
Considérant, en dernier lieu, qu'après avoir relevé que le classement homologué par l'arrêté attaqué du 12 décembre 2006 avait été établi après appréciation des mérites de l'ensemble des exploitations candidates et que la méconnaissance de l'égalité de traitement, par la commission de classement des crus, avait été de nature à exercer une influence sur l'ensemble des opérations de classement, la cour a pu, sans erreur de droit, juger que le tribunal administratif avait à bon droit annulé intégralement l'arrêté du 12 décembre 2006 homologuant le classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Emilion Grand Cru ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE CHATEAU MONDOT, de la SOCIETE CIVILE DAURIAC (CHATEAU DESTIEUX), de la SCEA FLEUR CARDINALE, de la SCE ALAIN GIRAUD (CHATEAU GRAND CORBIN), de la SCE VIGNOBLES CONSORTS DESPAGNE, de la SCE CHATEAU PAVIE MACQUIN, de la SOCIETE CHATEAU MONBOUSQUET, de la SCI CHATEAU BELLEFONT BELCIER et du CONSEIL DES VINS DE SAINT-EMILION, solidairement, le versement de la somme globale de 5 000 euros à la société des Vignobles Aberlen, à la société Château Cadet Bon, au GFA Geoffrion, au GFA Giraud Belivier et à la société Château La Marzelle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il est donné acte du désistement des pourvois de la SCI CHATEAU BELLEFONT BELCIER, de la SOCIETE CHATEAU MONBOUSQUET, de la SCEA FLEUR CARDINALE, de la SCE VIGNOBLES CONSORTS DESPAGNE, de la SCE ALAIN GIRAUD (CHATEAU GRAND CORBIN) et du CONSEIL DES VINS DE SAINT-EMILION.
Article 2 : Les pourvois de la SOCIETE CHATEAU MONDOT, de la SOCIETE CIVILE DAURIAC (CHATEAU DESTIEUX) et de la SCE CHATEAU PAVIE MACQUIN sont rejetés.
Article 3 : La SOCIETE CHATEAU MONDOT, la SOCIETE CIVILE DAURIAC (CHATEAU DESTIEUX), la SCEA FLEUR CARDINALE, la SCE ALAIN GIRAUD (CHATEAU GRAND CORBIN), la SCE VIGNOBLES CONSORTS DESPAGNE, la SCE CHATEAU PAVIE MACQUIN, la SOCIETE CHATEAU MONBOUSQUET, la SCI CHATEAU BELLEFONT BELCIER et le CONSEIL DES VINS DE SAINT-EMILION verseront une somme globale de 5 000 euros à la société des Vignobles Aberlen, à la société Château Cadet Bon, au GFA Geoffrion, au GFA Giraud Belivier et à la société Château La Marzelle au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CHATEAU MONDOT, premier requérant dénommé, au CONSEIL DES VINS DE SAINT-EMILION et à la société des Vignobles Aberlen, premier défendeur dénommé. Les autres requérants et les autres défendeurs seront respectivement informés de la présente décision par la SCP Waquet, Farge, Hazan et par Me Foussard, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représentent devant le Conseil d'Etat. Copie de la présente décision sera adressée pour information au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO).