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30/11/2011 | FRANCE | N°353633

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 30 novembre 2011, 353633


Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée pour la SOCIÉTÉ PIERRE FABRE MÉDICAMENT, dont le siège est 45, place Abel Gance à Boulogne Billancourt (92100) ; la SOCIÉTÉ PIERRE FABRE MÉDICAMENT demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté interministériel du 30 septembre 2011 en tant qu'il porte radiation à compter du 1er décembre 2011 de la spécialité Structum 500 mg de la liste des m

édicaments remboursables aux assurés sociaux prévue au premier alinéa de l'artic...

Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée pour la SOCIÉTÉ PIERRE FABRE MÉDICAMENT, dont le siège est 45, place Abel Gance à Boulogne Billancourt (92100) ; la SOCIÉTÉ PIERRE FABRE MÉDICAMENT demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté interministériel du 30 septembre 2011 en tant qu'il porte radiation à compter du 1er décembre 2011 de la spécialité Structum 500 mg de la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux prévue au premier alinéa de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale ;

2°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté interministériel du 30 septembre 2011 en tant qu'il porte radiation, à compter du 1er décembre 2011, de la spécialité Structum 500 mg de la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités publiques mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que la condition d'urgence est remplie ; que les mesures contestées porteront atteinte de façon grave et immédiate à sa situation, dès lors que les ventes de Structum représentent 8 % de son chiffre d'affaires remboursé en France et 10 % de sa marge avant imputation des frais de recherche et de développement, qu'en cas de déremboursement la chute des ventes est quasi-totale, qu'elle sera en l'espèce renforcée par l'extrême similitude entre les médicaments Structum et Chondrosulf, qu'elle aura pour conséquence la suppression de plus d'une centaine d'emplois et pourrait inciter d'autres États à prendre une décision semblable ; que les mesures contestées entraîneront une augmentation des dépenses de santé, dès lors que les ventes se reporteront vers un médicament ayant un coût de traitement journalier plus élevé ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ; qu'à titre liminaire, les ministres compétents ont la simple faculté d'engager une procédure de radiation d'un médicament des listes de spécialités remboursables en cas de service médical rendu, sans qu'il y ait de compétence liée ; que la procédure de radiation est irrégulière, dès lors qu'elle n'a pu être entendue par la commission de la transparence spécifiquement sur le projet de radiation de sa spécialité, en méconnaissance des articles R. 163-7, R. 163-13 et R. 163-16 du code de la sécurité sociale ; que la décision de radiation du Structum, tandis que les autres anti-arthrosiques symptomatiques d'action lente (AASAL), dont le Chondrosulf, étaient maintenus sur la liste des médicaments remboursables, alors même que la condition mise à la reconnaissance d'un SMR faible pour ces dernières spécialités n'a pas été remplie dans le délai fixé et sans justification au regard de l'intérêt général, viole les principes d'égalité et de libre concurrence ; que les décisions sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que, d'une part, l'étude de non-infériorité pouvait valablement être menée sans bras placebo et que les bornes de non-infériorité retenues étaient valides et que, d'autre part, les décisions entraîneront nécessairement une augmentation des dépenses de l'assurance maladie ;

Vu les arrêtés dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation des arrêtés contestés ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2011, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie ; qu'en effet, le taux de remboursement de la spécialité avait déjà été ramené à 15%, que ses ventes avaient connu un fléchissement sensible et continu depuis avril 2010, qu'elles ne représentent que 2 % du chiffre d'affaires mondial du groupe et que le produit pourrait conserver une place sur le marché du médicament non remboursable ; qu'il n'y a pas d'atteinte à l'intérêt général ; que les arguments du requérant sont généraux et abstraits et ne caractérisent pas une situation d'urgence ; que le SMR faible du Chondrosulf lui donne vocation à un remboursement à hauteur de 15%, ce qui n'est pas le cas du Structum compte tenu d'un SMR insuffisant, et que des reports de prescription en faveur du Chondrosulf ne méconnaîtraient pas l'intérêt général ; qu'il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que la société, qui a été informée de l'intention de radiation par courrier du 23 mars 2011 et entendue par la commission de la transparence le 25 mai 2011, a pu bénéficier d'un débat contradictoire ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité est inopérant, la décision ayant été prise en conformité avec les prescriptions législatives ; qu'en tout état de cause, les spécialités Structum et Chondrosulf ne sont pas comparables, eu égard aux différences d'origine du produit, de posologie et de niveau de service médical rendu ; que les médicaments à SMR faible ont bien fait l'objet de l'étude demandée et que la réévaluation du Structum s'est inscrite dans un cadre différent ; que les arrêtés contestés, pris dans le respect des dispositions législatives en vigueur et justifiés par l'intérêt général, n'ont pas méconnu le principe de libre concurrence ; que la commission de la transparence n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que l'absence d'un troisième bras placebo constituait une faiblesse méthodologique de l'étude produite eu égard à la quantité d'effet reconnu au Chondrosulf et que le choix du seuil de non-infériorité était discutable, cette appréciation n'étant pas contradictoire avec celle portée par l'AFSSAPS dans le cadre de la modification de l'autorisation de mise sur le marché ; que la société ne précise pas quelle norme ou principe serait méconnu par un déremboursement qui ne contribuerait pas à la réduction des dépenses de sécurité sociale ;

Vu les observations, enregistrées le 23 novembre 2011, présentées par la Haute Autorité de santé (HAS) ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 28 novembre 2011, présenté pour la SOCIÉTÉ PIERRE FABRE MÉDICAMENT, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la SOCIÉTÉ PIERRE FABRE MÉDICAMENT et, d'autre part, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé et la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, ainsi que la Haute Autorité de santé ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 29 novembre 2011 à 9 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Briard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, avocat de la SOCIÉTÉ PIERRE FABRE MÉDICAMENT ;

- les représentants de la SOCIÉTÉ PIERRE FABRE MÉDICAMENT ;

- les représentants du ministre du travail, de l'emploi et de la santé ;

- les représentants de la Haute Autorité de santé ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la possibilité pour le juge des référés d'ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative est subordonnée notamment à la condition que l'urgence le justifie ; qu'il lui appartient d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à porter à sa situation ou à un intérêt public une atteinte suffisamment grave et immédiate pour caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant que la SOCIETE PIERRE FABRE MÉDICAMENT exploite la spécialité Structum, anti-arthrosique symptomatique d'action lente, dont le taux de remboursement a été réduit à 15 % en avril 2010 ; que le ministre du travail, de l'emploi et de la santé et la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement, ont, par deux arrêtés du 30 septembre 2011, radié cette spécialité, à compter du 1er décembre 2011, respectivement de la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux et de la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités publiques et divers services publics ;

Considérant que, pour établir l'existence d'une situation d'urgence, la société requérante fait valoir que les mesures litigieuses entraîneront, compte tenu notamment de la similitude avec la spécialité Chondrosulf qui demeure inscrite sur la liste des médicaments remboursables et dont le coût de traitement journalier est plus élevé, d'une part, une réduction très importante et irréversible des ventes de Structum, qui représente environ 8 % de son chiffre d'affaires remboursé en France, et, d'autre part, une augmentation des dépenses de santé de l'ordre de 28 millions d'euros par an, dont 4 millions à la charge de l'assurance maladie ;

Considérant, toutefois, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et des précisions apportées lors de l'audience que la spécialité Structum a représenté en France, en 2010, un chiffre d'affaires de 35,7 millions d'euros, soit environ 6,5 % du chiffre d'affaires réalisé en France et une part moindre du chiffre d'affaires total de la société ; que, malgré le possible report de prescriptions au profit de la spécialité Chondrosulf, caractérisée par un dosage différent du même principe actif, il n'est pas établi que l'exécution des arrêtés litigieux soit de nature à porter une atteinte grave et immédiate à l'équilibre économique et financier de la société ; que, en second lieu, la circonstance que, au moins dans l'attente de la réevaluation au cours de l'année 2012 du service médical rendu par le Chondrosulf, au regard de son impact sur la réduction de la consommation d'anti-inflammatoires non stéroïdiens, le report de prescriptions évoqué ci-dessus puisse entraîner une augmentation des dépenses de santé, fût-ce dans les proportions indiquées par la société requérante, n'est pas de nature à caractériser une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la condition d'urgence ne peut être regardée en l'espèce comme remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner si la société requérante fait état de moyens propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions, il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête tendant à la suspension des arrêtés du 30 septembre 2011 en tant qu'ils portent radiation de la spécialité Structum de la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux et de la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités publiques et, par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la SOCIÉTÉ PIERRE FABRE MÉDICAMENT est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIÉTÉ PIERRE FABRE MÉDICAMENT, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé, à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement, et à la Haute Autorité de santé.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 30 nov. 2011, n° 353633
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pascale Fombeur
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 30/11/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 353633
Numéro NOR : CETATEXT000024942888 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-11-30;353633 ?
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