Vu le pourvoi, enregistré le 13 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA05719 du 8 juillet 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande de M. Oumar A, d'une part, annulé le jugement du 7 septembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire du 31 août 2009 ayant rejeté sa demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile et, d'autre part, annulé cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Dieu, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et de la SCP Roger, Sevaux, avocat de M. Oumar A,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et à la SCP Roger, Sevaux, avocat de M. Oumar A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui, soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement, ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée. (...) " ; qu'en vertu des articles
R. 213-2 et R. 213-3 du même code, la décision visée à l'article L. 213-9 précité est prise par le ministre chargé de l'immigration, après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A, ressortissant guinéen, a, au cours de son maintien en zone d'attente après son passage au poste transfrontière de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, sollicité, le 26 août 2009, l'accès au territoire français en présentant une demande d'asile ; que sur le fondement des dispositions de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, a, par la décision du 31 août 2009, estimé que la demande d'asile de M. A était manifestement infondée, décidé en conséquence de lui refuser l'entrée sur le territoire français et prescrit son réacheminement vers le territoire de la Guinée ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 septembre 2009 ayant rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de la décision du 31 août 2009 et, d'autre part, annulé cette décision ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre chargé de l'immigration peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque ses déclarations, et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er A. (2) de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit en prononçant l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 7 septembre 2009 et de la décision du ministre du 31 août 2009 au motif qu'en étendant son appréciation au bien fondé de l'argumentation de M. A et en ne se bornant pas à vérifier si cette demande était manifestement insusceptible de se rattacher aux critères prévus par l'article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, le ministre avait " commis une erreur de droit " ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que l'association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, représentée par son président, dûment mandaté à cette fin, a présenté un mémoire au soutien des conclusions de M. A ; que, dans les circonstances de l'espèce et eu égard à l'objet de cette association, son intervention doit être admise ;
Considérant que, devant le tribunal administratif de Paris, M. A a soutenu qu'en ne prévoyant pas à l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la communication, à l'étranger se présentant à la frontière et demandant à bénéficier du droit d'asile, du compte rendu de son audition rédigé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides préalablement à la décision prise par le ministre, le pouvoir réglementaire n'avait pas complètement transposé les dispositions de la directive du 1er décembre 2005, en particulier celles de son article 14, relatives à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ; que le tribunal, qui s'est borné à indiquer que M. A ne pouvait utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 723-1-1 du même code qui avaient notamment eu pour objet de transposer l'article 14 de la directive dès lors que ces dispositions ne concernaient que l'hypothèse d'une décision prise par le directeur général de l'OFPRA refusant la reconnaissance du statut de réfugié, n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant ; que son jugement est par suite irrégulier ; qu'il y a lieu, dès lors, de l'annuler et de statuer par voie d'évocation sur les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Paris par M. A ;
Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article 14 de la directive 2005/85/CE : " 1. Les Etats membres veillent à ce que chaque entretien personnel fasse l'objet d'un rapport écrit contenant au moins les informations essentielles relatives à la demande, telles qu'elles ont été présentées par le demandeur, au regard de l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2004/83/CE. / 2. Les Etats membres veillent à ce que les demandeurs aient accès en temps voulu au rapport sur l'entretien personnel. Lorsque cet accès n'est accordé qu'après la décision de l'autorité responsable de la détermination, les Etats membres veillent à ce que les demandeurs puissent avoir accès au rapport suffisamment tôt pour leur permettre de préparer et d'introduire un recours dans les délais (...) " ; que si les dispositions du paragraphe 2 de l'article 35 de la directive permettent aux Etats membres de " maintenir des procédures dérogeant aux principes de base et aux garanties fondamentales visés au chapitre II afin de se prononcer, à la frontière ou dans les zones de transit, sur l'octroi d'une autorisation d'entrée sur le territoire aux demandeurs d'asile qui sont arrivés et ont introduit une demande en un tel lieu ", le paragraphe 3 de ce même article dispose que : " Les procédures visées au paragraphe 2 prévoient notamment que les personnes concernées : (...) / d) sont auditionnées, avant que l'autorité compétente se prononce dans ces procédures, au sujet de leur demande d'asile, par des personnes possédant une connaissance appropriée des normes applicables en matière d'asile et de droit des réfugiés, comme prévu aux articles 10, 13 et 14 (...) " ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions inconditionnelles et suffisamment précises qui, à la date de la décision attaquée, n'avaient pas été transposées par le pouvoir réglementaire en ce qui concernait la procédure prioritaire de l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que, même lorsque la demande, formée par l'étranger qui se présente à la frontière, est traitée selon cette procédure, l'intéressé doit avoir accès au rapport de son audition devant l'OFPRA afin de pouvoir former son recours ; qu'eu égard au bref délai de quarante-huit heures dont dispose l'étranger se présentant à la frontière pour former son recours, ce rapport doit en principe lui être communiqué en même temps que la décision du ministre ou dans un délai très bref après la notification de cette décision ; que, toutefois, l'absence de communication de ce rapport, si elle fait obstacle au déclenchement de ce délai de recours et à l'exécution d'office de la décision ministérielle de refus d'entrée au titre de l'asile, est sans influence sur la légalité de cette décision ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que la communication tardive, au cours de la procédure contentieuse devant le tribunal administratif de Paris, du rapport de son audition devant l'OFPRA, entache d'illégalité la décision du 31 août 2009 par laquelle le ministre lui a refusé l'entrée sur le territoire français au titre de l'asile ;
Considérant en deuxième lieu qu'ainsi qu'il a été dit, le ministre chargé de l'immigration peut, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeter en raison de son caractère manifestement infondé la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque les déclarations de celui-ci, et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er A. (2) de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en appréciant la crédibilité de ses déclarations faisant état de persécutions dans son pays d'origine et de risques en cas de retour dans ce pays et en se prononçant sur le bien-fondé de sa demande, le ministre a excédé la compétence que lui confèrent les dispositions précitées de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en dernier lieu, que M. A n'a apporté devant le ministre aucun élément ou document de nature à établir la réalité, l'intensité et le caractère personnel des persécutions dont il alléguait avoir été la victime dans son pays d'origine ni aucun élément ou document de nature à justifier des risques qu'il prétendait encourir en cas de retour dans ce pays ; qu'il n'établit pas davantage par ses écritures, et les pièces qu'il produit à leur appui, la réalité des persécutions et risques qu'il allègue ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le ministre, en estimant que sa demande d'asile était manifestement infondée, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et méconnu les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ; que, par suite, sa demande doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de l'association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers est admise.
Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 8 juillet 2010 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 septembre 2009 sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE
L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et à Monsieur Oumar A.