Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin et 29 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Brahim A et Mme Sarah A, agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs Sami, Sofia et Adem A demeurant au ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09NT00497 du 15 avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes n'a que partiellement fait droit à leur requête tendant à l'annulation du jugement n°02-538 du 22 décembre 2008 du tribunal administratif de Rennes et à l'indemnisation des conséquences dommageables de l'anoxie périnatale dont a été victime leur fils Sami A ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la santé ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Emmanuel Vernier, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de Me Blondel, avocat de M. et Mme A et de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier régional et universitaire de Rennes,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blondel, avocat de M. et Mme A et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier régional et universitaire de Rennes ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Sami A, né le 12 mai 1999 au centre hospitalier régional universitaire de Rennes, présente des lésions cérébrales majeures consécutives à une anoxie périnatale ; que par un jugement devenu définitif du 30 mars 2006, le tribunal administratif de Rennes a déclaré le centre hospitalier régional universitaire de Rennes responsable des troubles dont est atteint l'enfant ; que M. et Mme A se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 15 avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes n'a que partiellement fait droit à leur requête d'appel contre le jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 décembre 2008 ayant évalué les préjudices consécutifs à cet accident ;
Considérant, en premier lieu, que M. et Mme A ont sollicité des juges d'appel l'allocation d'une somme de 22 633,64 euros représentant le coût d'acquisition de différents équipements adaptés au handicap de leur enfant ainsi qu'une rente annuelle capitalisable de 6 562,70 euros destinée à l'amortissement de ces équipements ; qu'ils ont versé au dossier un tableau récapitulatif de leurs dépenses établi à leur demande par un ergothérapeute ainsi que des devis et factures ; que la cour en se bornant à relever que les frais restés à la charge de la victime pour l'acquisition de matériels spécialisés, tels que notamment lit médicalisé, chariot douche, verticalisateur, fauteuil roulant, pouvaient être évalués à la somme globale de 20 000 euros, réputée comprendre le renouvellement de ces équipements , sans s'expliquer sur les éléments qu'elle avait retenus pour arrêter ce montant, n'a pas mis le juge de cassation à même d'exercer son contrôle ; que son arrêt encourt la cassation sur ce point ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en estimant que les premiers juges avaient fait une juste appréciation des frais afférents au maintien de Sami au domicile de ses parents, eu égard notamment à la nécessité de l'assistance d'une tierce personne, en attribuant à l'enfant, depuis le 12 mai 1999 et jusqu'à sa majorité, une rente calculée sur la base d'un taux quotidien de 100 € à la date du jugement, versée par trimestres échus et due au prorata du nombre de nuits passées par l'enfant au domicile familial avec une revalorisation par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale lequel renvoie à l'indice INSEE des prix à la consommation hors tabac, la cour administrative d'appel a suffisamment motivé sa décision et n'a pas privé M. et Mme A de leur droit à un procès équitable en application de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en estimant que M. et Mme A n'avaient pas démontré la nécessité de travaux d'adaptation de leur logement, alors que les intéressés avaient produit un rapport dressant la liste des travaux d'adaptation d'un logement requis par l'état de l'enfant, la cour a insuffisamment motivé son arrêt ; qu'il encourt la cassation également sur ce point ;
Considérant, en quatrième lieu, que le handicap dont Sami A est atteint empêche définitivement sa scolarisation ; que la cour a pu, dés lors, retenir sans erreur de droit que l'incidence scolaire du dommage corporel ne pouvait faire l'objet d'une indemnisation spécifique au titre des préjudices patrimoniaux réparant son handicap ; qu'elle a pu à bon droit réparer les incidences de son impossibilité d'être scolarisé dans la rente qu'elle lui a allouée au titre des troubles personnels de toute nature qu'il subit dans ses conditions d'existence en raison de son handicap ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'en estimant que les premiers juges n'avaient pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en fixant à 10 000 euros la rente annuelle attribuée à l'enfant jusqu'à sa majorité en réparation de l'ensemble des troubles personnels qu'il subit dans ses conditions d'existence, la cour administrative d'appel a suffisamment motivé sa décision ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait, ce faisant, méconnu le principe d'une réparation intégrale des préjudices ;
Considérant, en sixième lieu, que Mme A, qui était élève dans un institut universitaire de formation des maîtres lors de la naissance de Sami, et souhaitait se présenter ensuite au concours du certificat d'aptitude au professorat du second degré (CAPES) a fait valoir devant les juges du fond que le handicap de son enfant l'avait conduit à se consacrer à sa prise en charge et l'avait privé de la chance d'exercer une activité d'enseignante ; qu'elle avait ainsi entendu demander réparation de l'incidence du handicap de son fils sur son parcours professionnel ; qu'en se bornant à constater qu'elle ne travaillait pas avant de mettre au monde Sami de sorte qu'elle ne justifiait d'aucune diminution de sa rémunération et qu'elle n'établissait pas avoir perdu une chance sérieuse de réussir au CAPES, la cour n'a pas suffisamment motivé son arrêt ; que celui-ci encourt, dans cette mesure encore, la cassation ;
Considérant, en septième lieu, que la cour administrative d'appel a estimé, au vu des éléments produits et dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que M. A qui avait obtenu son diplôme d'ingénieur en 1990 et ne précisait, ni l'emploi qu'il occupait avant la naissance de Sami, ni la carrière à laquelle il se destinait, ne justifiait pas d'un préjudice professionnel ; qu'elle n'a, ce faisant, commis aucune dénaturation ;
Considérant, enfin, que la cour administrative d'appel a pu sans erreur de droit, juger que les naissances de Adem et Sofia au foyer de M. et Mme A étant postérieures à l'apparition du handicap de leur frère aîné Sami, les troubles dans les conditions d'existence dont il était demandé réparation en leur nom, ne présentaient pas un lien direct avec la faute commise par le centre hospitalier universitaire régional de Rennes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt du 15 avril 2010 en tant qu'il a statué sur les frais à leur charge relatifs à l'acquisition de différents matériels spécialisés, sur les frais d'aménagement de leur logement et sur le préjudice professionnel de Mme A ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à ce titre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Rennes la somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 15 avril 2000 est annulé en tant qu'il a statué sur les frais à la charge de M. et Mme A relatifs à l'acquisition de différents matériels spécialisés, sur les frais d'aménagement de leur logement et sur le préjudice professionnel de Mme A.
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Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes dans la mesure de la cassation prononcée.
Article 3 : Le centre hospitalier régional universitaire de Rennes versera à M. et Mme A la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Brahim A et à Mme Sarah A, au centre hospitalier régional universitaire de Rennes et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine.