Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 19 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED, dont le siège est 1 Seaton Place à Saint-Hélier, Jersey, Royaume-Uni ; la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 06BX01084 du 18 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 00723-00724-00725 du 14 février 2006 du tribunal administratif de Toulouse rejetant ses demandes en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés, de contribution sur l'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 et, d'autre part, à la décharge de ces compléments d'impôts et de taxe ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Christine Allais, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, Rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après avoir été autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Cahors du 18 novembre 1997 à effectuer une visite domiciliaire au château de Septfons à Saint-Germain-du-Bel-Air (Lot), propriété de M. A, gérant et principal associé de la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED, l'administration fiscale a notifié le 17 décembre 1998 à cette société, selon la procédure contradictoire, des redressements en matière d'impôt sur les sociétés, de contribution supplémentaire sur l'impôt sur les sociétés et de retenue à la source ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; que la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 14 février 2006 du tribunal administratif de Toulouse rejetant ses demandes en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés, de contribution sur l'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 et, d'autre part, à la décharge de ces compléments d'impôts et de ces rappels de taxe ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ; qu'aucune convention internationale n'a été conclue entre la France et Jersey ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment de l'ensemble des pièces saisies par l'administration fiscale lors de la visite domiciliaire, que la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED, qui exerce une activité d'intermédiaire pour des opérations de négoce international de denrées alimentaires entre des sociétés d'Europe du Nord et des sociétés d'Afrique de l'Ouest, n'a aucune activité réelle à Jersey où se trouve son siège social ; qu'au cours des années vérifiées, son principal actionnaire et mandataire, M. Erik A, qui réside également en Côte d'Ivoire, a séjourné à plusieurs reprises au château de Septfons où il a réalisé, pour le compte de la société, plusieurs opérations commerciales et financières ; que la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED n'employait toutefois au château de Septfons aucun personnel propre et ne mettait à disposition de M. A, son dirigeant, que des équipements techniques très limités destinés à lui permettre d'assurer, lors de ses brefs séjours dans sa résidence de vacances, le suivi des activités de la société ; qu'en jugeant que le nombre et l'importance des opérations commerciales et financières effectuées par M. A depuis cette résidence devaient, nonobstant leur caractère discontinu, faire regarder la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED comme une entreprise exploitée en France, au sens des dispositions précitées de l'article 209 du code général des impôts, la cour a inexactement qualifié les faits ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article 259 du code général des impôts : Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu, ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ;
Considérant, ainsi qu'il a été dit, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si M. A a séjourné à plusieurs reprises au château de Septfons où il a réalisé, pour le compte de la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED, plusieurs opérations commerciales et financières, cette société n'employait dans cette résidence de vacances aucun personnel propre et ne mettait à disposition de son dirigeant que des équipements techniques très limités destinés à lui permettre d'assurer, lors de ses brefs séjours, le suivi des activités de la société ; qu'en jugeant qu'eu égard au nombre et à l'importance des opérations commerciales et financières effectuées par M. A depuis cette résidence, l'administration devait être regardée comme établissant que celle-ci constituait un établissement stable de la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED, au sens des dispositions précitées de l'article 259 du code général des impôts, et que les prestations de services correspondantes devaient être regardées comme ayant été accomplies en France et devaient être soumises, pour cette raison, à la taxe sur la valeur ajoutée, la cour a inexactement qualifié les faits ;
Considérant qu'il résulte de ce tout ce qui précède que la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur la fin de non-recevoir soulevée en appel par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jugement du tribunal administratif de Toulouse a été notifié à la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED le 23 mars 2006 et que la requête d'appel de cette société a été enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 23 mai 2006 ; qu'il en résulte que la fin de non-recevoir soulevée par le ministre, tirée de ce que l'appel de la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED serait tardif, ne peut qu'être écartée ;
Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt en France de la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED, qui n'employait au château de Septfons aucun personnel propre et ne mettait à disposition de son dirigeant, M. A, que des équipements techniques très limités destinés à lui permettre d'assurer, lors de ses brefs séjours dans sa résidence de vacances, le suivi des activités de la société, ne peut être regardée comme une entreprise réalisant une exploitation commerciale en France, au sens des dispositions précitées de l'article 209 du code général des impôts, ni comme disposant en France d'un établissement stable, au sens des dispositions précitées de l'article 259 du code général des impôts ; que, dès lors, aucun complément d'impôt sur les sociétés, de contribution sur l'impôt sur les sociétés ni de retenue à la source au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997, ni aucun rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 ne pouvaient être mis à la charge à la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED à raison de ses activités en France ; que, par suite, la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 février 2006, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés, de contribution sur l'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED devant le Conseil d'Etat et les juges du fond et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 06BX01084 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 18 décembre 2008 et le jugement n° 00723-00724-00725 du tribunal administratif de Toulouse du 14 février 2006 sont annulés.
Article 2 : La SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED est déchargée des compléments d'impôt sur les sociétés, de contribution sur l'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997.
Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE WEST AFRICA HOLDING LIMITED et à la ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.