Vu, 1° sous le n° 337552, la requête, enregistrée le 15 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Jean-Pierre B, demeurant ..., M. Christian A, demeurant 7, avenue d'Albigny à Nancy (74000) et la SOCIETE AAA STRATEGIE, dont le siège est ... ; M. B et autres demandent au Conseil d'Etat
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 mars 2010 par laquelle l'Autorité des marchés financiers a refusé de délivrer à la SOCIETE AAA STRATEGIE l'agrément en qualité de société de gestion de portefeuille qu'elle sollicitait ;
2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2° sous le n° 345402, l'ordonnance n° 1004019-1 du 22 décembre 2010 par laquelle le président du tribunal administratif de Grenoble a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête par laquelle M. A demande à la juridiction administrative :
1°) d'annuler la décision du 17 juin 2010 par laquelle l'Autorité des marchés financiers a rejeté sa demande tendant au versement, à titre de réparation des préjudices causés par le refus d'agrément opposé à la société AAA Stratégie, de la somme de 1 204 032 euros, augmentée des intérêts au taux légal, le cas échéant capitalisés ;
2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le septième protocole additionnel à cette convention ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Aurélie Bretonneau, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B et autres,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B et autres ;
Considérant que les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des questions connexes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que l'article L. 532-9 du code monétaire et financier dispose que : " (...) Les sociétés de gestion de portefeuille sont agréées par l'Autorité des marchés financiers. / Pour délivrer l'agrément à une société de gestion de portefeuille, l'Autorité vérifie si celle-ci / (...) 4. Est dirigée effectivement par deux personnes au moins possédant l'honorabilité nécessaire et l'expérience adéquate à leur fonction, en vue de garantir sa gestion saine et prudente (...) ; / 5. Dispose d'un programme d'activité pour chacun des services qu'elle entend exercer, qui précise les conditions dans lesquelles elle envisage de fournir les services d'investissement concernés ou d'exercer la gestion des organismes mentionnés au premier alinéa et indique le type d'opérations envisagées et la structure de son organisation ; / (...) Sa décision est motivée et notifiée au demandeur. / (...) Un règlement général de l'Autorité des marchés financiers précise les conditions d'agrément des sociétés de gestion de portefeuille " ; qu'aux termes de l'article 312-6 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers : " La société de gestion de portefeuille est dirigée effectivement par deux personnes au moins possédant l'honorabilité nécessaire ainsi que l'expérience adéquate à leurs fonctions, en vue de garantir sa gestion saine et prudente (...) " ; que l'article 312-8 précise que : " La société de gestion de portefeuille dispose d'un programme d'activité conforme aux dispositions du chapitre III (...) " ; que le I de l'article 313-54, compris dans le chapitre III, exige que : " La société de gestion de portefeuille utilise en permanence des moyens, notamment matériels, financiers et humains adaptés et suffisants (...) " ;
Considérant que, par la décision du 4 mars 2010 dont les requérants demandent l'annulation pour excès de pouvoir, l'Autorité des marchés financiers a refusé d'agréer la SOCIETE AAA STRATEGIE en qualité de société de gestion de portefeuille au motif, d'une part, que M. A, en sa qualité de dirigeant de la société, ne remplissait pas les conditions d'honorabilité et d'expérience posées par les dispositions citées ci-dessus du 4 de l'article L. 532-9 du code monétaire et financier et de l'article 312-6 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers et, d'autre part, que l'organisation de la société telle que présentée dans son programme d'activité ne permettait pas l'utilisation en permanence de moyens humains suffisants, en méconnaissance de l'article 313-54 du même règlement général ;
Considérant, en premier lieu, que la décision de refus d'agrément que les requérants attaquent, qui expose les circonstances de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;
Considérant, en deuxième lieu, que la sanction litigieuse ne se fonde pas sur la sanction qui a été infligée à M. A par une décision de la commission des sanctions du 26 février 2009, mais sur les faits qui ont donné lieu à cette sanction ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que le refus d'agrément serait illégal par voie de conséquence de l'illégalité de la décision du 26 février 2009 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des termes de la décision litigieuse que, contrairement à ce qui est soutenu, l'Autorité des marchés financiers a recherché si tout ou partie des faits sanctionnés par la décision du 26 février 2009 caractérisaient, par leur nature et leur gravité, le défaut d'honorabilité et d'expérience de M. A ; qu'elle n'a pas inexactement apprécié ces faits ;
Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que M. A ne remplisse pas les conditions d'honorabilité et d'expérience imposées aux personnes chargées de la direction effective de la société au sens de l'article L. 532-9 du code des marchés financiers ne saurait exonérer la société de l'obligation d'assurer, par les dispositions de son programme d'activité, l'utilisation en permanence de moyens humains adaptés et suffisants, en application des dispositions de l'article 313-54 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers ; que par suite, l'Autorité des marchés financiers n'a pas entaché sa décision de contradiction de motifs en relevant, d'une part, que M. A ne remplissait pas les conditions d'honorabilité et d'expérience requises et, d'autre part, que la circonstance qu'il ne soit pas en mesure d'assurer la suppléance effective de M. D méconnaissait les prescriptions de l'article 313-54 cité ci-dessus ; que la circonstance alléguée que l'Autorité des marchés financiers aurait, dans le cadre de l'instruction du dossier d'agrément, suggéré que M. A ne soit pas autorisé à passer des ordres directement, en raison des doutes pesant sur son honorabilité et son expérience, est sans incidence sur le motif de refus d'agrément fondé sur la méconnaissance de l'article 313-54 du règlement général ;
Considérant, enfin, que la décision par laquelle l'Autorité des marchés financiers refuse à une société de gestion de portefeuille l'agrément prévu à l'article L. 532-9 du code monétaire et financier ne présente pas le caractère d'une sanction ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'espèce, l'Autorité des marchés financiers aurait, en refusant l'agrément sollicité, entendu infliger à M. A une sanction déguisée ; que dès lors, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir à l'encontre de cette décision du principe constitutionnel de proportionnalité des peines et du droit à ne pas être jugé ou puni deux fois protégé par l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la circonstance qu'aient été pris en compte, pour refuser l'agrément, des faits sanctionnés par une décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers faisant l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat ne méconnaît pas le principe de la présomption d'innocence, garanti notamment par l'article 6-2 de cette convention ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision qu'ils attaquent ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fins d'injonction, les conclusions indemnitaires présentées par M. A sous le n° 345402 ainsi que les conclusions à fins d'octroi d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de M. B et autres et de M. A sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre B, à M. Christian C, à la SOCIÉTÉ AAA STRATEGIE et à l'Autorité des marchés financiers.