Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er octobre et 31 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL STATION AVICOLE DE LA VILLE AU DORE, dont le siège est La Ville au Doré, à Pordic (22590), représentée par son gérant en exercice ; la SARL STATION AVICOLE DE LA VILLE AU DORE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 07NT02417 du 10 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, d'une part, a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 8 juin 2007 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de l'Association Eau et rivières de Bretagne, l'arrêté du 15 février 2002 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor l'a autorisée à exploiter un élevage de 240 000 animaux-équivalents en présence simultanée, au lieudit La Ville au Doré , sur le territoire de la commune de Pordic, d'autre part, a annulé ce jugement en tant qu'il avait jugé irrecevables les conclusions de la demande présentée par l'association De la source à la mer ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vue le décret n° 77-1333 du 21 septembre 1977 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Chaubon, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Le Prado, avocat de la SOCIÉTÉ STATION AVICOLE DE LA VILLE AU DORE et de Me Foussard, avocat de l'association Eaux et Rivières de Bretagne et de l'Association De la Source à la mer ,
- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Le Prado, avocat de la SOCIÉTÉ STATION AVICOLE DE LA VILLE AU DORE et à Me Foussard, avocat de l'association Eaux et Rivières de Bretagne et de l'association De la source à la mer ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. /La délivrance de l'autorisation, pour ces installations, peut être subordonnée notamment à leur éloignement des habitations, immeubles habituellement occupés par des tiers, établissements recevant du public, cours d'eau, voies de communication, captages d'eau, ou des zones destinées à l'habitation par des documents d'urbanisme opposables aux tiers. Elle prend en compte les capacités techniques et financières dont dispose le demandeur, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1. ; qu'aux termes de l'article 511-1 du même code, alors applicable : Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ; qu'aux termes de l'article 20 du décret du 21 septembre 1977, alors en vigueur : Toute modification apportée par le demandeur à l'installation, à son mode d'utilisation ou à son voisinage, et de nature à entraîner un changement notable des éléments du dossier de demande d'autorisation doit être portée avant sa réalisation à la connaissance du préfet avec tous les éléments d'appréciation. (...) / S'il estime, après avis de l'inspection des installations classées, que les modifications sont de nature à entraîner des dangers ou inconvénients, mentionnés aux articles L. 511-1 et L. 211-1 du code de l'environnement, le préfet invite l'exploitant à déposer une nouvelle demande d'autorisation. ;
Considérant que, par un arrêté du 26 août 1980, le préfet des Côtes d'Armor a autorisé M. Francis B à exploiter, notamment, un élevage de 20 000 poulettes au lieu dit La Ville au Doré sur le territoire de la commune de Pordic ; que M. Alain A, qui a repris en 1996 l'exploitation de son père, a présenté au nom de la SARL STATION AVICOLE DE LA VILLE AU DORE, à titre de régularisation , une demande d'autorisation en vue d'exploiter une installation classée consacrée à l'élevage de poules destinées à la production d'oeufs d'une capacité de 240 000 animaux équivalents ; que par un arrêté du 15 février 2002, le préfet des Côtes d'Armor a délivré à cette société l'autorisation sollicitée ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé le jugement du tribunal de Rennes du 8 juin 2007 en tant qu'il a annulé l'arrêté préfectoral du 15 février 2002, au motif que l'étude d'impact ne satisfaisait pas aux prescriptions du décret du 21 septembre 1977 ; que la société pétitionnaire se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Considérant, en premier lieu, que la cour administrative d'appel a relevé, d'une part, que les statuts de l'association Eaux et rivières de Bretagne et de l'association De la source à la mer prévoyaient respectivement que celles-ci ont pour objet social, pour la première, de protéger la qualité de l'eau et des rivières de Bretagne et, pour la seconde, de protéger, de conserver (...) l'eau, de lutter contre les pollutions et les nuisances (...) sur le territoire des communes de (...) Pordic et, d'autre part, que l'arrêté préfectoral du 15 février 2002 prévoit au lieu du plan d'épandage antérieur une unité de compost chargée de la transformation des effluents de l'élevage ; qu'elle a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les pièces du dossier, que, compte tenu de l'objet de l'arrêté attaqué, ces associations justifiaient d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation de cet arrêté préfectoral ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes du 6° de l'article 3 du décret du 21 septembre 1977, dans sa rédaction applicable à la date du litige : Les études et documents prévus au présent article porteront sur l'ensemble des installations ou équipements exploités ou projetés par le demandeur qui, par leur proximité ou leur connexité avec l'installation soumise à autorisation, sont de nature à en modifier les dangers ou inconvénients. ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A est gérant de deux installations classées, la SARL LA VILLE AU DORE, exploitation d'élevage soumise au régime de l'autorisation, et la SCEA Stimulflore, chargée de la reprise et du traitement de l'ensemble des déjections produites par l'élevage soumis au régime de la déclaration ; qu'il n'est pas contesté que l'activité de la SCEA Stimulflore est le complément nécessaire de l'activité d'élevage de la société requérante ; que dans ces conditions, la cour administrative d'appel a pu, sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les pièces du dossier, juger qu'eu égard à l'exercice, sur le même site, d'activités complémentaires, dans un canton classé en zone d'excédent structurel d'azote lié aux élevages, l'étude d'impact, qui se borne à mentionner sans autre précision que l'ensemble du fumier sera repris directement des bâtiments pour être composté par la SCEA Stimulflore , ne pouvait être regardée comme satisfaisant aux exigences de l'article 3 du décret du 21 septembre 1977, la circonstance que l'autorisation litigieuse n'ait pas nécessairement pour effet d'aggraver l'émission de rejets polluants par rapport aux modalités de fonctionnement antérieures de l'exploitation agricole étant sans incidence ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL STATION AVICOLE DE LA VILLE AU DORE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SARL STATION AVICOLE DE LA VILLE AU DORE le versement de la somme de 4 000 euros que demandent l'association Eaux et rivières de Bretagne et l'association De la source à la mer au titre des frais engagés par elles et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la SARL STATION AVICOLE DE LA VILLE AU DORE est rejeté.
Article 2 : La SARL STATION AVICOLE DE LA VILLE AU DORE versera une somme de 2000 euros à l'association Eaux et rivières de Bretagne et une somme de 2000 euros à l'association De la source à la mer en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL STATION AVICOLE DE LA VILLE AU DORE, à l'association Eaux et rivières de Bretagne , à l'association De la source à la mer et à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.