Vu la requête, enregistrée le 4 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE THOGUIMA, dont le siège est route de Langennerie à Notre-Dame-d'Oé (37390), représentée par son président ; la SOCIETE THOGUIMA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 30 septembre 2009 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la SARL Chanceaux Dis l'autorisation préalable requise en vue de la création d'un ensemble commercial de 1 650 m² comprenant un supermarché de 1 500 m² à l'enseigne Super U et une galerie marchande de 150 m² composée de deux cellules commerciales de 90 m² en optique et de 60 m² en coiffure, à Chanceaux-sur-Choisille (Indre-et-Loire) ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu l'arrêté du 21 août 2009 fixant le contenu de la demande d'autorisation d'exploitation de certains magasins de commerce de détail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Joanna Hottiaux, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société Chanceaux Dis ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe n'imposait à la commission nationale, d'une part, de mentionner dans la décision attaquée les noms et les fonctions des membres ayant participé à la délibération du 30 septembre 2009, d'autre part, de communiquer aux requérants le rapport d'instruction ou les documents produits par la société pétitionnaire pour compléter son dossier ; que, par conséquent, les moyens tirés des vices de forme et de procédure qui entacheraient la décision attaquée doivent être écartés ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
En ce qui concerne la composition du dossier de la demande d'autorisation :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 752-7 du code de commerce : La demande est accompagnée : / 1° D'un plan indicatif faisant apparaître la surface de vente des commerces ; / 2° Des renseignements suivants : a) Délimitation de la zone de chalandise du projet, telle que définie à l'article R. 752-8, et mention de la population de chaque commune comprise dans cette zone ainsi que de son évolution entre les deux derniers recensements authentifiés par décret ; b) Desserte en transports collectifs et accès pédestres et cyclistes ; (...) II. La demande est également accompagnée d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l'article L. 752-6. Celle-ci comporte les éléments permettant d'apprécier les effets du projet sur : / 1° L'accessibilité de l'offre commerciale ; / 2° Les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ainsi que sur les accès sécurisés à la voie publique ; (...) / IV. Un arrêté du ministre compétent précise en tant que de besoin les modalités de présentation de la demande. ; que l'arrêté du 21 août 2009 fixant le contenu de la demande d'autorisation d'exploitation de certains magasins de commerce de détail est venu préciser ces dispositions ;
Considérant, en premier lieu, d'une part, que la société Chanceaux Dis a complété son dossier de demande d'autorisation le 8 septembre 2009 afin de se conformer aux dispositions de l'arrêté du 21 août 2009 fixant le contenu de la demande d'autorisation d'exploitation de certains magasins de commerce de détail, entré en vigueur postérieurement à sa demande d'autorisation, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les informations fournies par la société pétitionnaire concernant les surfaces de ventes, les plans joints, la population de la zone de chalandise, la desserte en transports collectifs et les flux de voitures particulières soient inexactes, insuffisantes ou inexploitables ; qu'ainsi, et en tout état de cause, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 752-7 du code de commerce et de l'arrêté du 21 août 2009 fixant le contenu de la demande d'autorisation d'exploitation de certains magasins de commerce de détail, codifié à l'article A. 752-1 du code de commerce, manquent en fait ;
Considérant, en second lieu, que la zone de chalandise, telle que l'a corrigée la société pétitionnaire en cours d'instruction et telle que l'a retenue le service instructeur de la commission nationale, est délimitée par des temps de trajet allant jusqu'à 12 minutes et non 9 minutes, contrairement à ce que prétend la requérante, et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette délimitation méconnaisse les dispositions de l'article R. 752-8 du code de commerce ;
En ce qui concerne l'appréciation de la commission nationale d'aménagement commercial :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 752-6 du même code, issu de la même loi du 4 août 2008 : Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ;
Considérant, d'une part, s'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire, qu'il ressort des pièces du dossier que les flux de voitures générés par le projet ne sont pas de nature à remettre en cause les conditions d'accessibilité au site ; d'autre part, s'agissant de l'objectif de développement durable, que le projet est desservi par les transports en commun ; qu'ainsi, la Commission nationale d'aménagement commercial, qui n'a pas commis d'erreur de droit ou d'erreur de fait, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précédemment citées du code de commerce en autorisant le projet litigieux, et que, par suite, la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SOCIETE TOGUIMA au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la SOCIETE TOGUIMA la somme de 3 000 euros à verser à la société Chanceaux Dis au titre des frais de même nature exposés par elle ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SOCIETE TOGUIMA est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE TOGUIMA versera à la société Chanceaux Dis la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE THOGUIMA, à la société Chanceaux Dis, à la Commission nationale d'aménagement commercial et à la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.