Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mai et 3 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE CILAOS, dont le siège est Hôtel de Ville à Cilaos (97413), représentée par son maire ; la COMMUNE DE CILAOS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 06BX00367 du 6 mars 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, annulé le jugement n° 0500439 du 14 décembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté la demande de M. A tendant à sa condamnation et à celle de la communauté intercommunale des villes solidaires à lui verser la somme de 520 000 euros au titre du préjudice qu'il affirme avoir subi et, d'autre part, l'a condamnée à verser à M. A la somme de 10 000 euros ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. A ;
3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Auditeur,
- les observations de Me Foussard, avocat de la COMMUNE DE CILAOS et de la SCP Boutet, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de la COMMUNE DE CILAOS et à la SCP Boutet, avocat de M. A,
Considérant que la COMMUNE DE CILAOS se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 mars 2008 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant que, par cet arrêt, la cour, après avoir annulé le jugement du 14 décembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté la demande de M. A tendant à sa condamnation et à celle de la Communauté intercommunale des villes solidaires (CIVIS) à lui verser la somme de 520 000 euros, l'a condamnée à verser à M. A la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'il affirme avoir subi du fait de son licenciement ;
Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant, après avoir relevé que le maire de Cilaos avait, par une lettre du 5 août 2004, expressément demandé à la société How Chon Entreprise (HCE) que M. A, employé de cette société, ne soit plus affecté, pour des motifs d'ordre public , au service de la collecte de la commune de Cilaos, à la suite d'un incident survenu le 8 juillet 2004 avec un automobiliste, beau-frère du maire et avoir estimé que, compte tenu des termes impératifs de cette lettre, la société HCE n'avait pu, en sa qualité de délégataire de service public de la CIVIS dont le maire de Cilaos est un des représentants, qu'être sensible à la demande de celui-ci, que le licenciement de M. A, consécutif à son refus d'accepter une affectation sur un poste éloigné de son domicile, devait être regardé comme procédant de la seule volonté du maire de Cilaos, dont elle relevait qu'il avait agi pour des motifs personnels étrangers à l'ordre public, et en en déduisant que le comportement du maire était constitutif d'une faute engageant la responsabilité de la commune, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en jugeant que la société HCE avait pu, compte tenu des termes impératifs et précis du courrier que le maire de Cilaos lui avait adressé et eu égard aux relations contractuelles qui s'étaient nouées entre elle et la CIVIS, se sentir obligée de proposer une nouvelle affectation professionnelle à M. A, alors même que le maire n'était pas intervenu auprès d'elle en sa qualité de représentant de la CIVIS, la cour n'a entaché sa décision d'aucune contradiction de motifs ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en jugeant que, alors même que le maire de Cilaos ne demandait pas explicitement le licenciement de M. A dans sa lettre du 5 août 2004 et que ce licenciement n'est intervenu qu'après que M. A a refusé d'accepter une affectation dans une commune éloignée de son domicile, il existait un lien de causalité direct entre le comportement fautif du maire de Cilaos et le préjudice subi par M. A, consistant en des troubles dans ses conditions d'existence, la cour n'a entaché son arrêt ni de dénaturation, ni d'erreur de qualification juridique des circonstances particulières de l'espèce dont elle était saisie ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'en relevant, d'une part, que la société HCE n'avait exprimé aucun grief à l'encontre de M. A et, d'autre part, que la proposition d'affectation de ce dernier sur un poste éloigné de son domicile devait être regardée comme procédant de la seule volonté du maire de Cilaos, la cour a implicitement mais nécessairement répondu, en le rejetant, au moyen de la COMMUNE DE CILAOS tiré de ce que M. A aurait commis une faute ayant contribué au préjudice dont il demandait la réparation ; qu'en ne relevant l'existence d'aucune faute de M. A, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les faits qui lui étaient soumis ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une note en délibéré du 12 février 2008, la COMMUNE DE CILAOS a transmis à la cour un procès-verbal de conciliation totale, daté du 2 décembre 2004, aux termes duquel la société HCE s'est engagée à verser à M. A la somme de 12 000 euros à titre d'indemnité transactionnelle, mettant fin au litige porté par ce dernier devant le conseil des prud'hommes de Saint-Pierre aux fins d'obtenir de son ancien employeur le paiement de ses congés payés et le versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que, si la COMMUNE DE CILAOS soulevait dans cette note en délibéré un moyen tiré de ce que les conclusions à fins d'indemnisation présentées par M. A devaient être rejetées au motif que son préjudice avait déjà été indemnisé dans le cadre de ce règlement transactionnel, la cour n'a pas méconnu son office et n'a commis aucune erreur de droit en ne répondant pas à ce moyen, qui était inopérant, et en condamnant la COMMUNE DE CILAOS à verser à M. A la somme de 10 000 euros, sans réouverture de l'instruction, dès lors que le chef de préjudice invoqué par M. A devant elle, à savoir la réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant des effets de l'intervention du maire auprès de la société HCE, était distinct de celui dont il avait obtenu la réparation dans le cadre de la transaction conclue à l'issue de la procédure de conciliation avec son employeur ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE CILAOS n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande la COMMUNE DE CILAOS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Boutet, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la COMMUNE DE CILAOS le versement à la SCP Boutet de la somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la COMMUNE DE CILAOS est rejeté.
Article 2 : La COMMUNE DE CILAOS versera à la SCP Boutet, avocat de M. A, une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE CILAOS et à M. Maximin A.