Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 octobre 2009 et 11 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Roger A, demeurant au ..., M. André A, demeurant au 12 rue de Sécourt à Vigny (57420) et M. Guy C, demeurant au ... ; M. A et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07NC00476 - 07NC00477 - 07NC00478 du 6 août 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur l'appel de la commune de Vigny, a, d'une part, annulé les jugement n° 0503762, n° 0503950 et n° 0503952 du 6 février 2007 du tribunal administratif de Strasbourg ainsi que les décisions du 27 juin 2005 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de la Moselle, s'est pronocée sur les réclamations de MM. A, C et D, et d'autre part, a enjoint à la commission de statuer à nouveau sur la demande de la commune de constitution de réserve foncière dans un délai de trois mois ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les requêtes d'appel de la commune ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vigny la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de MM. Roger A, de M. André A et de M. C et de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la commune de Vigny ;
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de M. Roger A, de M. André A et de M. C et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la commune de Vigny ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Nancy a été saisie par la commune de Vigny de trois requêtes d'appel contre trois jugements du 6 février 2007 du tribunal administratif de Strasbourg ayant rejeté ses demandes tendant à l'annulation de trois décisions de la commission départementale d'aménagement foncier de la Moselle du 27 juin 2005 par lesquelles cette commission, d'une part, a accueilli les réclamations de M. C, M. D et MM. André et Roger A et leur a réattribué certaines de leurs parcelles d'apport et d'autre part, a rejeté la demande de la commune de Vigny de constitution d'une réserve foncière ; qu'après avoir joint ces trois requêtes la cour, après avoir dans ses motifs accueilli l'un des moyens de la commune tendant à l'annulation de ces décisions, a dans le dispositif de son arrêt, annulé le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 février 2007 et la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Moselle ; qu'en raison de la portée indéterminée de son dispositif, son arrêt est entaché d'une irrégularité qui en justifie l'annulation ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut (...) régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ;
Considérant que les requêtes n° 07NC00476, n° 07NC00477 et n° 07NC00478 présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;
Sur la légalité externe des décisions ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 121-10 du code rural dans sa version applicable au litige : (...) La commission départementale ne peut valablement délibérer que si son président ou son président suppléant et la majorité de ses membres (...) sont présents ; qu'il résulte de la liste de présence versée au dossier qu'outre son président, dix-huit des vingt-quatre membres titulaires de la commission départementale d'aménagement foncier de la Moselle ont pris part à la séance du 27 juin 2005, au cours de laquelle ont été prises les décisions en litige ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le quorum de la commission départementale d'aménagement foncier n'aurait pas été atteint manque en fait ; que si la commune de Vigny soutient que certains des membres suppléants de la commission auraient siégé en même temps que les membres titulaires, de tels faits ne sont pas établis par les pièces du dossier ;
Considérant, en deuxième lieu qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 121-7 du code rural : Pour la constitution de la commission départementale, le préfet provoque les désignations et élections prévues par les articles L. 121-8 et L. 121-9 (...) Les deux maires de communes rurales sont désignés par l'association départementale des maires ou, à défaut, sont élus par les maires du département. ; qu'il ressort du courrier adressé par la Fédération départementale des maires de la Moselle au directeur départemental de l'agriculture et de la forêt en date du 15 juin 2002, que celle ci a procédé à la désignation des deux représentants des maires des communes rurales ; que, dès lors qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de se prononcer sur la régularité de la désignation des maires par cette Fédération, le moyen tiré de l'éventuelle irrégularité de celle ci ne peut qu'être rejeté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 121-17 du code rural alors applicable : Devant toutes les commissions d'aménagement foncier, les propriétaires, personnes physiques ou morales, ont la faculté de se faire représenter soit par un avocat inscrit au barreau ou par un avoué près la cour d'appel, soit par toute personne dûment mandatée. ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions que la faculté de se faire représenter devant la commission départementale d'aménagement foncier par un avocat, un avoué ou un mandataire doive, à peine d'irrégularité, être rappelée dans la convocation des intéressés devant cette commission ; que le moyen tiré de ce que la convocation adressée au maire de Vigny ne mentionnait pas cette faculté doit, dès lors, être écarté ;
Sur la légalité interne des décisions :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 123-27 du code rural alors applicable : Dans toute commune où un remembrement rural a été ordonné, les terrains nécessaires à l'exécution ultérieure des équipements communaux (...) peuvent à la demande du conseil municipal, être attribués à la commune dans le plan de remembrement... ; que la commission communale d'aménagement foncier, saisie d'une délibération du conseil municipal manifestant la volonté de la commune de constituer une réserve foncière, dont l'objet et la contenance doivent être précisément déterminés, doit examiner cette demande préalablement à l'établissement du plan de remembrement ; que la commission départementale est par suite tenue de rejeter une demande de constitution de réserve foncière présentée pour la première fois devant elle ;
Considérant, d'autre part, que selon l'article L. 123-3 du code rural alors applicable : Doivent être réattribués à leurs propriétaires, sauf accord contraire : (...) 4° les immeubles présentant (...) les caractéristiques d'un terrain à bâtir (...) ; 5° De façon générale, les immeubles dont les propriétaires ne peuvent bénéficier de l'opération de remembrement, en raison de l'utilisation spéciale desdits immeubles ; que fait obstacle à cette réattribution la circonstance que le terrain d'assiette des immeubles en cause soit inclus dans le périmètre d'une réserve foncière constituée en application des dispositions de l'article L. 123-27 du code rural ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le remembrement de la commune de Vigny a été ordonné par un arrêté du préfet de la Moselle du 3 octobre 2001 ; que par une délibération du 23 octobre 2003, le conseil municipal de Vigny a demandé la constitution d'une réserve foncière de 38 hectares ; que le conseil municipal a, par une nouvelle délibération du 22 mars 2004, retiré sa précédente délibération et révisé sa demande de constitution d'une réserve foncière en la ramenant, sur les mêmes parcelles, à une superficie de 17 hectares ; que toutefois la commission communale a arrêté, le 10 mars 2005, un projet de plan de remembrement incluant un projet de réserve foncière conforme à la demande exprimée dans la délibération du 23 octobre 2003, la délibération de 22 mars 2004 ne lui ayant pas été transmise ; qu'il en résulte que la commission départementale, saisie de réclamations de propriétaires tendant à ce que leurs parcelles incluses dans la réserve foncière figurant dans le plan de remembrement leur soient réattribuées sur le fondement de l'article L. 123-3 du code rural, n'a pas commis d'erreur de droit en accueillant ces réclamations au motif que la décision de la commission communale avait été prise au vu d'une délibération du conseil municipal qui n'était plus en vigueur à la date à laquelle elle a arrêté le plan ; qu'elle a pu, de même, rejeter à bon droit la demande de la commune tendant à ce qu'elle donne elle-même suite à la délibération du 22 mars 2004 dés lors que celle-ci n'avait pas été préalablement soumise à l'examen de la commission communale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Vigny n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a refusé d'annuler les décisions du 27 juin 2005 par lesquelles la commission départementale d'aménagement foncier de la Moselle a décidé de réattribuer à MM. C, A et D certaines de leurs parcelles d'apport et rejeté sa demande de constitution d'une réserve foncière ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Vigny le versement à M. Roger A, à M. André A et à M. Guy C de la somme de 2 000 euros chacun, au titre de la présente instance et de l'instance d'appel, et à M. D la somme de 1 000 euros au titre de l'instance d'appel ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel du 6 août 2009 est annulé.
Article 2 : Les requêtes d'appel de la commune de Vigny sont rejetées.
Article 3 : La commune de Vigny versera à M. Roger A, à M. André A et à M. C autres la somme de 2 000 euros chacun, et à M. D la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Vigny tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Roger A, M. André A, M. Guy C, M. D et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.