Vu le mémoire, enregistré le 31 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Alexandre A demeurant ..., en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. A demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision du 6 mai 2010 par laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage lui a interdit, à titre de sanction, de participer pendant deux ans aux compétitions et manifestations organisées ou autorisées par la Fédération française d'équitation, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 232-22 et L. 232-23 du code du sport ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 38 et 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code du sport ;
Vu la loi n° 2008-650 du 3 juillet 2008 ;
Vu l'ordonnance n° 2006-596 du 23 mai 2006 ;
Vu l'ordonnance n° 2010-379 du 14 avril 2010 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Doutriaux, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Blanc, avocat de M. A, et de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage,
- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Rapporteur public,
La parole ayant à nouveau été donnée à Me Blanc, avocat de M. A, et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant que l'organe disciplinaire de la Fédération française d'équitation a, par une décision du 8 février 2010, infligé à M. A un avertissement à titre de sanction en raison des résultats du contrôle antidopage qui été effectué à l'issue d'une épreuve sportive à laquelle il a participé le 7 novembre 2009 ; que l'Agence française de lutte contre le dopage, se saisissant de l'affaire de sa propre initiative sur le fondement du 3° de l'article L. 232-22 du code du sport, a prononcé à l'encontre de M. A, par décision du 6 mai 2010, la sanction d'interdiction de participer pendant deux ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française d'équitation, laquelle est au nombre des sanctions susceptibles d'être prononcées par l'Agence en application des dispositions de l'article L. 232-23 du code du sport ; que M. A soutient, à l'appui de la requête qu'il a formée contre la décision prise par l'Agence, que les dispositions des articles L. 232-22 et L. 232-23 du code du sport sont contraires, respectivement, au principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement, qui se déduirait des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et au principe d'égalité ;
En ce qui concerne l'article L. 232-22 du code du sport :
Considérant que les dispositions du 3° de l'article L. 232-22 du code du sport, dans leur rédaction applicable à la date du 8 février 2010 à laquelle a été rendue la décision de l'organe disciplinaire de la Fédération française d'équitation dont l'Agence française de lutte contre le dopage s'est saisie, sont issues de l'ordonnance du 23 mai 2006 relative à la partie législative du code du sport ; que, toutefois, ces dispositions ont été implicitement ratifiées par l'effet de la loi du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre les produits dopants, dont l'article 14 a complété l'article L. 232-22 par un alinéa précisant, pour toutes les hypothèses de saisine de l'Agence, y compris celle prévue par le 3°, que la saisine de l'agence n'est pas suspensive, sauf décision contraire de celle-ci ; que ces dispositions, applicables au litige, présentent ainsi le caractère de dispositions législatives au sens de l'article 61-1 de la Constitution et de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ;
Considérant, toutefois, que les dispositions du 3° de l'article L. 232-22 se bornent à permettre à l'Agence française de lutte contre le dopage de réformer les décisions de sanction prononcées pour des faits de dopage par les organes compétents des fédérations sportives à l'encontre des sportifs licenciés, dans un souci d'harmonisation des décisions prises par les différentes fédérations dans ce domaine ; qu'en tout état de cause, ces dispositions ne mettent pas en cause le principe de séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement qui, ainsi qu'il résulte des décisions du Conseil constitutionnel n° 95-360 DC du 2 février 1995 et n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, interdit, en matière de crimes et de délits, que le prononcé de sanctions pénales puisse résulter de la seule diligence d'une autorité chargée de l'action publique ; que ces dispositions, au demeurant, n'impliquent nullement par elles-mêmes que l'Agence, lorsqu'elle décide de se saisir d'une décision d'une fédération sportive, statue sur les faits reprochés au sportif licencié dans des conditions contraires au principe d'impartialité ; que par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que le 3° de l'article L. 232-22 du code du sport, dans sa rédaction applicable à la date du 8 février 2010, porterait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
En ce qui concerne l'article L. 232-23 du code du sport :
Considérant que les dispositions de l'article L. 232-23 du code du sport déterminent les sanctions susceptibles d'être prononcées par l'Agence française de lutte contre le dopage ; que, dès lors que la sanction appliquée en l'espèce sur le fondement de ces dispositions était encourue à la date de la commission des faits en cause, la version de cet article applicable au litige est celle, en vigueur à la date de la décision du 6 mai 2010, qui est issue de l'article 12 de l'ordonnance du 14 avril 2010 relative à la santé des sportifs et à la mise en conformité du code du sport avec les principes du code mondial antidopage ; que cette ordonnance n'a pas été ratifiée dans les conditions désormais prévues à l'article 38 de la Constitution ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 232-23 du code du sport applicables au présent litige ont un caractère réglementaire et ne sont pas au nombre des dispositions législatives visées par l'article 61-1 de la Constitution et l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; qu'elles ne sont, en conséquence, pas susceptibles de faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Alexandre A, à l'Agence française de lutte contre le dopage, à la ministre des sports et au Premier ministre.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.