Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juin et 27 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel A demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 0502203 du 3 avril 2007 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des sommes dues au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour les années 1987 à 2003, à la décharge des cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004 à 2006, à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003 à 2006 et à la décharge de la majoration pour paiement tardif de 10 % correspondant à la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties pour 2004 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Aïdara, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A est propriétaire à Nîmes de deux locaux commerciaux qu'il donne en location à une entreprise de stockage et de tri de vêtements usagés ; qu'il a demandé la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles il avait été assujetti au titre des années 1987 à 1991 ; que, par une ordonnance du 25 février 2003, le président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur le pourvoi de M. A, dès lors que l'administration fiscale avait prononcé le dégrèvement des impositions en litige ; que le requérant a demandé en 2004 la décharge des sommes dues au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre de 1987 à 2003, au motif que l'activité exercée dans ses locaux ouvrait droit à l'exonération de cette taxe ; que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande par un jugement devenu définitif du 5 décembre 2006 ; que le requérant a saisi le juge de l'impôt d'une nouvelle demande tendant à la décharge des cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles il avait été assujetti au titre des années 1987 à 2003, ainsi qu'à celle des sommes dues au titre de la même taxe au titre des années 2004 et 2006, à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles il avait été assujetti au titre des années 2003 à 2006 ainsi qu'à la décharge de la majoration de 10 % pour paiement tardif de la cotisation à la même taxe au titre de l'année 2004 ; que le tribunal administratif a rejeté cette demande par un jugement du 3 avril 2007 contre lequel M. A se pourvoit en cassation ;
Sur le jugement, en tant qu'il statue sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre des années 1987 à 2003 :
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, ces conclusions ont été définitivement rejetées par le jugement du 5 décembre 2006 du tribunal administratif de Nîmes ; qu'en rejetant à nouveau ces conclusions au motif que, même si les avis d'imposition mentionnaient des taux d'imposition, M. A n'avait pas été assujetti à cette taxe, le tribunal administratif n'a, en tout état de cause, ni dénaturé les pièces du dossier, ni commis d'erreur de droit ;
Sur le jugement, en tant qu'il statue sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre des années 2004 à 2006 :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 1520 du code général des impôts : Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal ; qu'aux termes de l'article 1521 du même code : I. La taxe porte sur toutes les propriétés soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties ou qui en sont temporairement exonérées ainsi que sur les logements des fonctionnaires ou employés civils et militaires visés à l'article 1523. / II. Sont exonérés : / - Les usines (...) ; que doivent être regardées comme usines, au sens de cette disposition, tous les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant ;
Considérant que, pour rejeter les conclusions de M. A tendant à bénéficier de cette exonération, le tribunal administratif a jugé que l'activité exercée dans les locaux donnés en location ne pouvait être qualifiée d'industrielle eu égard à son objet ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher quels étaient les moyens mis en oeuvre pour les besoins de l'exploitation de la société locataire, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi sur ce point, M. A est fondé à demander, dans cette mesure, l'annulation du jugement attaqué ;
Sur le jugement, en tant qu'il statue sur la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2003 à 2006 :
Considérant qu'aux termes de l'article 1498 du code général des impôts : La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, / Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la même commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe. ;
Considérant, en premier lieu, que le tribunal administratif a relevé par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation et sans contradiction de motifs, que le président de la 8ème sous-section s'était borné à constater, dans son ordonnance du 23 février 2003, que le litige porté en cassation n'avait plus d'objet, dès lors que les dégrèvements demandés au titre des années 1987 à 1991 avaient été accordés et ne s'était ni prononcé sur la régularité de l'évaluation des locaux ni n'avait fixé la valeur locative de ceux-ci ;
Considérant, en deuxième lieu, que le tribunal administratif a relevé que si la situation géographique du local-type différait de celle des locaux de M. A et si ceux-ci ne bénéficiaient pas des mêmes facilités d'accès, l'administration avait appliqué des abattements de 10 % et de 20 % sur la valeur locative ; qu'en déduisant de ces faits, qu'il a souverainement appréciés sans les dénaturer, que l'administration pouvait retenir comme terme de comparaison le local-type situé 482 rue Pavlov à Nîmes, le tribunal administratif n'a ni entaché son jugement de contradiction de motifs ni commis d'erreur de droit ;
Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif que M. A n'a pas invoqué devant lui le moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique, qui n'est pas d'ordre public ; qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, issu de l'article 80 de la loi du 30 décembre 1986, que les dispositions de cet article ne concernent que la possibilité de soulever des moyens nouveaux en première instance et en appel ; que, par suite, le requérant ne saurait se prévaloir de ces dispositions, à l'appui de son pourvoi en cassation, pour critiquer le jugement attaqué par un moyen qui n'a pas été soumis aux juges du fond ;
Sur le jugement, en tant qu'il statue sur la pénalité de 10 % pour paiement tardif de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de 2004 :
Considérant qu'en relevant que M. A n'avait produit aucun document établissant le paiement de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle il avait été assujetti au titre de l'année 2004, le tribunal administratif n'a pas dénaturé les pièces du dossier ; que le requérant ne peut utilement soutenir que l'administration aurait dû faire usage des pouvoirs qu'elle tient de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'il n'a pas soumis ce moyen aux juges du fond ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nîmes qu'en tant qu'il statue sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre des années 2004, 2005 et 2006 ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond dans la limite de la cassation ainsi prononcée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société locataire, qui exerçait une activité de récupération, d'achat, de stockage, de tri, de vente en détail ou en gros, d'importation et d'exportation de vêtements, tissus usagés et de chiffons, ne se livrait à aucune transformation ou fabrication de biens corporels mobiliers ; que, si elle utilisait pour son activité des matériels de tri et de manutention, le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre pour cette activité n'était pas prépondérant pour l'activité exercée ; que, dès lors, M. A ne peut bénéficier de l'exonération prévue pour les usines par l'article 1521 du code général des impôts ; qu'en conséquence, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, sa demande doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 3 avril 2007 est annulé en tant qu'il porte sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre des années 2004, 2005 et 2006.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A tendant à la décharge de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre des années 2004, 2005 et 2006 sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Michel A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.