Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mars et 9 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Eric A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 31 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 2 février 2006 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1992 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge de l'imposition en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aurélien Rousseau, Auditeur,
- les observations de la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de M. A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A était gérant et unique associé de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Hardbody et parallèlement associé de la société anonyme Gestwill ; qu'à la date du 31 décembre 1992 le compte courant ouvert au nom de l'EURL Hardbody, associée de la SA Gestwill, dans les comptes de cette société présentait un solde débiteur de 1 528 980,80 francs ; que sur le fondement du a de l'article 111 du code général des impôts, cette somme a été regardée par l'administration comme un revenu distribué, indirectement mis à la disposition de M. A ; que celui-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 2 février 2006 rejetant sa demande en décharge du complément d'imposition mis à sa charge au titre de l'année 1992 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a) sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration ne peut regarder l'existence d'un solde débiteur du compte courant ouvert dans les écritures d'une société anonyme au nom d'une entreprise unipersonnelle dont le contribuable est le gérant et l'unique associé tout en étant, parallèlement, associé de la société anonyme comme de nature à établir que le montant de ce solde a constitué pour l'intéressé un revenu distribué au sens du a de l'article 111 précité qu'à la condition d'établir que l'entreprise unipersonnelle en cause n'a fait que s'interposer entre la société anonyme et le contribuable, bénéficiaire réel de la distribution ;
Considérant qu'en jugeant qu'était sans incidence sur la qualification de revenu distribué la circonstance que l'entreprise unipersonnelle possédait un patrimoine distinct de celui du contribuable, au motif que les bénéfices sociaux d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée sont entièrement imposables entre les mains de son associé unique, sans rechercher si l'administration établissait que l'EURL devait être considérée comme un simple tiers interposé entre la société distributrice et le bénéficiaire réel des distributions, la cour a commis une erreur de droit ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que la notification de redressement du 26 juillet 1994 adressée à M. A à la suite de la vérification de comptabilité de la société Gestwill dont il était associé, mentionnait que le solde débiteur du compte courant ouvert dans la comptabilité de cette société au nom de l'EURL Hardbody serait regardé comme indirectement distribué à son profit, en ses qualités de gérant et d'unique associé de cette dernière ; que cette notification, qui n'avait à préciser ni les dates du contrôle ni les coordonnées du service vérificateur, était suffisamment motivée ; que l'agent des impôts n'était, par ailleurs, pas tenu d'annexer à cette notification les copies des documents comptables exploités lors de la vérification de comptabilité mentionnée ci-dessus ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que l'administration soutient, sans être sérieusement contredite, que la société Hardbody n'avait aucune activité et n'a jamais déposé de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle n'a jamais non plus établi de bilan au cours de son existence ; que, dès lors, elle apporte la preuve, qui lui incombe, que M. A, en tant qu'associé de la SA Gestwill et associé unique de l'EURL Hardbody, était, par personne interposée, le destinataire de la somme litigieuse ;
Considérant que, si M. A soutient que la référence au compte 455 procède d'une erreur comptable et que le compte courant d'associé en cause était utilisé dans les faits pour centraliser les écritures d'achats et de ventes, ainsi que les règlements, encaissements et avances entre les deux sociétés, sans qu'aucun avantage ne lui ait été consenti en propre en tant qu'associé, il n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de cette allégation ;
Considérant que la seule circonstance que M. A ait disposé d'un compte courant d'associé créditeur dans les écritures de la société Gestwill ne permet pas d'établir que cette société ne lui a pas consenti, par ailleurs, une avance par personne interposée ;
Considérant que, si M. A soutient que les avances litigieuses ont été remboursées avant le terme de l'exercice en cause au 31 décembre 1992, il n'apporte aucun élément de nature à établir le bien-fondé de cette affirmation ;
Considérant, enfin, qu'eu égard à la présomption de distribution qui résulte des dispositions précitées du a de l'article 111 du code général des impôts, l'administration fiscale n'était, en tout état de cause, pas tenue, pour établir le bien-fondé du redressement, de procéder à la vérification de la comptabilité de la société Hardbody ou de faire usage de son droit de communication ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'imposition en litige au titre de l'année 1992 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 31 décembre 2007 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. A devant la cour administrative d'appel de Paris et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Eric A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.