Vu la requête, enregistrée le 2 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Yamina B et M. Mohamed A, ayant élu domicile ... ; M. A et Mme B demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme B dirigé contre la décision du consul général de France à Tanger (Maroc) lui refusant un visa d'entrée et de court séjour en qualité d'ascendante à charge de ressortissant français, ensemble la décision du consul ;
2°) d'enjoindre à ce consul de délivrer à Mme B le visa sollicité dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
Vu le règlement (CE) n° 502/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du consul général de France à Tanger :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 1er du décret du 10 novembre 2000 instituant une commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France que la décision de la commission s'est substituée à la décision initiale de refus prise par les autorités consulaires ; qu'ainsi, les conclusions dirigées contre la décision du consul général de France à Tanger refusant la délivrance d'un visa de séjour à Mme B sont irrecevables et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen : 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa (...) peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...) ; qu'aux termes de l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes : 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : (...) c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter le recours de Mme B contre la décision du consul général de France à Tanger lui refusant un visa d'entrée et de court séjour sur le territoire français pour rendre visite à son fils, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'insuffisance de ses ressources et sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées que l'obtention d'un visa de court séjour est subordonnée à la condition que le demandeur justifie à la fois de sa capacité à retourner dans son pays d'origine et de moyens de subsistance suffisants pendant son séjour ; qu'il appartient au demandeur de visa dont les ressources personnelles ne lui assurent pas ces moyens d'apporter la preuve de ce que les ressources de la personne qui l'héberge et qui s'est engagée à prendre en charge ses frais de séjour au cas où il n 'y pourvoirait pas sont suffisantes pour ce faire ; que cette preuve peut résulter de la production d'une attestation d'accueil validée par l'autorité compétente et comportant l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge les frais de séjour du demandeur, sauf pour l'administration à produire des éléments de nature à démontrer que l'hébergeant se trouverait dans l'incapacité d'assumer effectivement l'engagement qu'il a ainsi souscrit ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de visa de court séjour, Mme B a produit une attestation d'accueil de son fils, M. A, établi par la mairie de Trappes ; que la capacité de ce dernier à l'accueillir n'est pas contestée par l'administration ; qu'il en résulte qu'en fondant sa décision sur l'insuffisance des ressources de l'intéressée pour subvenir à ses besoins pendant son séjour en France, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'erreur d'appréciation ;
Considérant, d'autre part, que le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, pour établir le bien fondé du motif tiré de l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, se borne, après avoir relevé que Mme B avait présenté une première demande de visa de court séjour en 2007 pour un motif médical, à faire valoir que cette seconde demande de visa (...) avait pour réel objet de lui permettre de subir des soins en France, sans toutefois justifier d'une prise en charge du coût des actes médicaux ; que, compte tenu du caractère purement hypothétique de ces considérations, la commission, en se fondant sur le motif mentionné ci-dessus, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B et M. A sont fondés à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme B contre la décision du 15 décembre 2008 par laquelle le consul général de France à Tanger (Maroc) a refusé de lui délivrer un visa d'entrée et de court séjour en France ;
Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'autorité compétente de délivrer le visa sollicité par Mme B dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros demandée par Mme B au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à l'autorité compétente de délivrer le visa demandé par Mme B dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera conjointement à Mme B et M. A la somme globale de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Yamina B et M. Mohamed A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.