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24/12/2010 | FRANCE | N°345199

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 24 décembre 2010, 345199


Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Giorgi A, élisant domicile ... ; M. Giorgi A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1002358 du 20 décembre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Pau, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa requête tendant à la suspension de la décision en date du 24 novembre 2010 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a ordonné sa réadmi

ssion à destination de la Pologne ;

2°) de suspendre l'exécution de la décis...

Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Giorgi A, élisant domicile ... ; M. Giorgi A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1002358 du 20 décembre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Pau, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa requête tendant à la suspension de la décision en date du 24 novembre 2010 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a ordonné sa réadmission à destination de la Pologne ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision du préfet des Pyrénées-Atlantiques ordonnant sa remise aux autorités polonaises et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la décision de refus de séjour et de remise aux autorités polonaises en date du 24 novembre 2010 crée une urgence particulière d'autant plus qu'il est actuellement placé en centre de rétention administrative ; que l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle méconnaît le caractère provisoire des ordonnances prononcées sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, qui ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée ; qu'il a invoqué une circonstance de droit nouvelle ; que, contrairement aux dispositions de l'article 3 paragraphe 4 du règlement n° 343/2003 du 18 février 2003 et de l'article 10 paragraphe 1 de la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005, il n'a pas été informé, lors de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, dans une langue qu'il comprend, des effets et des délais de la procédure qui lui était appliquée ; que seul le préfet de la Gironde était compétent pour refuser le séjour sur le fondement de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, la décision litigieuse prononcée par le préfet des Pyrénées-Atlantiques est entachée d'une irrégularité manifeste portant une atteinte grave et manifestement illégale à son droit d'asile ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2010, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requête ayant donné lieu à l'ordonnance du 20 décembre 2010 vise la même décision que la requête précédente formée le 25 novembre 2010 ; que M. A s'est abstenu de relever appel de l'ordonnance du 27 novembre 2010 ; qu'ainsi, il ne peut saisir à nouveau le juge des référés d'une demande identique à celle dont il a été saisi ; que la circonstance de droit nouvelle invoquée par M. A était déjà soutenue dans la requête adressée au juge des référés le 25 novembre 2010 ; que dès lors, l'ordonnance du tribunal administratif de Pau n'est entachée d'aucune erreur de droit ; que, contrairement à ce que soutient M. A, celui-ci a été informé, par un courrier en date du 29 juillet 2010 notifié par voie postale le 13 août 2010, de l'application du règlement en question, des délais qu'il prévoit et de ses effets, dans la langue russe, langue qu'il a déclaré comprendre ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à l'administration d'utiliser un support écrit pour lui notifier la décision prononçant sa réadmission vers la Pologne ; que les décisions refusant de l'admettre au séjour au titre de l'asile, prononçant son renvoi en Pologne et son placement en centre de rétention lui ont été notifiées le 24 novembre 2010 par une interprète russe ; que la décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile a été signée par le préfet de la région Aquitaine, compétent pour le faire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. Giorgi A et, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 23 décembre 2010 à 14 heures, au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Barthélemy, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ; que, selon le second alinéa de l'article L. 523-1 du même code, hors le cas où il y a eu dispense d'instruction par application de l'article L. 522-3, les décisions rendues sur le fondement de l'article L. 521-2 sont susceptibles d'appel devant le juge des référés du Conseil d'Etat ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, de nationalité géorgienne, a sollicité l'asile le 8 juillet 2010 auprès des services de la préfecture de la Gironde ; que par lettre du 19 juillet 2010, le préfet de la Gironde a informé l'intéressé de l'engagement d'une procédure de réadmission vers la Pologne et l'Allemagne, en application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; que les autorités polonaises ayant donné, le 29 juillet 2010, leur accord à la réadmission de M. A, le préfet de la Gironde a décidé le 8 octobre 2010 de lui refuser le séjour au titre de l'asile, sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet des Pyrénées-Atlantiques a pris le 24 novembre 2010 une décision portant réadmission de M. A vers la Pologne ; que M. A a demandé la suspension de cette décision, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, au juge des référés du tribunal administratif de Pau, qui a rejeté cette demande par ordonnance du 27 novembre 2010 ; que l'intéressé a déposé une nouvelle demande de suspension à l'encontre de cette décision, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, auprès du juge des référés du tribunal administratif de Pau, qui a rejeté cette demande par ordonnance du 20 décembre 2010, dont M. A fait appel ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ; qu'ainsi les ordonnances rendues par le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, qui ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée, ne font pas obstacle à ce qu'une personne présente au juge des référés des demandes successives ayant le même objet, le juge statuant en l'état de l'instruction ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande comme irrecevable au motif qu'il n'avait pas fait appel de la précédente ordonnance ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Pau ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la lettre du préfet de la Gironde en date du 19 juillet 2010 était accompagnée d'une note d'information en langue russe, dont M. A avait indiqué qu'il la comprenait, concernant l'application du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, ses effets et les délais applicables ; que si M. A soutient à l'audience ne pas avoir reçu cette lettre, laquelle mentionne la note d'information jointe, il a signé le 13 août 2010 l'avis de réception postal ; que par ailleurs les décisions du 8 octobre 2010 et du 24 novembre 2010 comportent à la fois la signature de M. A et celle d'un interprète en langue russe ; que par suite M. A ne peut invoquer une méconnaissance manifeste des obligations d'information découlant de l'article 3 paragraphe 4 du règlement n° 343/2003 du 18 février 2003 et de l'article 10 paragraphe 1 de la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005 ;

Considérant, en deuxième lieu, que si l'article 1er de l'arrêté interministériel du 24 avril 2008, portant régionalisation de l'admission au séjour des demandeurs d'asile dans la région Aquitaine, prévoit que le préfet de la Gironde est compétent pour statuer sur les demandes d'admission au séjour des demandeurs d'asile se trouvant dans les départements de la région, en tout état de cause le séjour a été refusé, en l'espèce, sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par la décision du préfet de la Gironde du 8 octobre 2010 ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. A soutient que le préfet aurait dû se prononcer sur l'application en sa faveur de la clause de souveraineté prévue par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, qui aurait permis de retenir la compétence de la France pour instruire sa demande d'asile, ou de la dérogation prévue à l'article 3 paragraphe 2 du règlement communautaire n° 343/2003 du 18 février 2003, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé aurait apporté des précisions sur les circonstances qui pourraient justifier la mise en oeuvre de ces dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que le refus d'admission au séjour et la réadmission vers la Pologne porteraient une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions aux fins de suspension, d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Pau en date du 20 décembre 2010 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Pau et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Giorgi A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 24 déc. 2010, n° 345199
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Philippe Martin
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 24/12/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 345199
Numéro NOR : CETATEXT000023429692 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-12-24;345199 ?
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