Vu le pourvoi, enregistré le 13 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour LA POLYNESIE FRANCAISE, représentée par son Président, dont le siège est BP 2551 à Papeete (98713) ; LA POLYNESIE FRANCAISE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 18 mars 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 9 mai 2007 en tant qu'il a, d'une part, prononcé l'annulation de la décision du président de LA POLYNESIE FRANCAISE de signer les conventions prévues par les dispositions de l'article 8 de la délibération n° 2005-86 du 16 août 2005, d'autre part, enjoint à LA POLYNESIE FRANCAISE de saisir le juge compétent pour faire constater la nullité des conventions passées en application de ce texte ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses écritures présentées en appel ;
3°) de mettre à la charge de M. Edouard A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Gilles Pellissier, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de LA POLYNESIE FRANCAISE,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de LA POLYNESIE FRANCAISE ;
Considérant que, par une délibération du 16 août 2005, l'assemblée de LA POLYNESIE FRANCAISE a adopté un dispositif de bonification, à la charge de la collectivité, des intérêts des prêts accordés aux ménages accédant à la propriété de leur première habitation principale ; que l'article 8 de cette délibération renvoie à des conventions conclues entre LA POLYNESIE FRANCAISE et les banques concernées la détermination des obligations des parties signataires, notamment les modalités de prise en charge par LA POLYNESIE FRANCAISE des intérêts bonifiés pendant la durée du prêt ; qu'en application de l'article 9 de ladite délibération, le conseil des ministres, par un arrêté du 26 août 2005, a défini les modalités d'application de cette délibération ; que l'article 7 de cet arrêté dispose que Le conseil des ministres approuve la convention qui détermine les obligations respectives de la Polynésie et des banques au titre des prêts bonifiés visés aux présentes, et habilite son président à la signer ; que, par un jugement du 9 mai 2007, le tribunal administratif de la Polynésie française a, d'une part, annulé l'article 10 de cet arrêté et, d'autre part, annulé la décision du président de LA POLYNESIE FRANCAISE de signer les conventions conclues au titre des dispositions de l'article 8 de la délibération et enjoint à LA POLYNESIE FRANCAISE de saisir le juge du contrat pour faire constater la nullité desdites conventions ; que LA POLYNESIE FRANCAISE n'a interjeté appel de ce jugement qu'en tant qu'il a annulé la décision du président de LA POLYNESIE FRANCAISE de signer les conventions et prononcé la mesure d'injonction correspondante ; que, par un arrêt du 18 mars 2008, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête ; que LA POLYNESIE FRANCAISE se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article 89 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, le conseil des ministres de la Polynésie française prend les règlements nécessaires à la mise en oeuvre des actes prévus à l'article 140 dénommés lois du pays ainsi que des autres délibérations de l'assemblée de la Polynésie française ou de sa commission permanente ; qu'aux termes de l'article 91 : Dans la limite des compétences de la Polynésie française, le conseil des ministres : (...) 19° Prend tous les actes d'administration et de disposition des intérêts patrimoniaux et domaniaux de la Polynésie française dans les conditions et limites fixées par l'assemblée de la Polynésie française; (...) 22° Dans la limite des plafonds d'engagement fixés par les délibérations budgétaires de l'assemblée de la Polynésie française, habilite le président de la Polynésie française ou un ministre spécialement désigné à cet effet à négocier et conclure les conventions d'emprunts, y compris les emprunts obligataires, ou de garanties d'emprunts ; qu'aux termes de l'article 102 : L'assemblée de la Polynésie française règle par ses délibérations les affaires de la Polynésie française (...) Toutes les matières qui sont de la compétence de la Polynésie française relèvent de l'assemblée de la Polynésie française, à l'exception de celles qui sont attribuées par la présente loi organique au conseil des ministres ou au président de la Polynésie française ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le conseil des ministres n'était pas compétent pour approuver les conventions entre LA POLYNESIE FRANCAISE et les banques prévues à l'article 8 de la délibération de l'assemblée de LA POLYNESIE FRANCAISE du 16 août 2005 ; que, par conséquent, la cour administrative d'appel de Paris a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que l'article 7 de l'arrêté du conseil des ministres du 26 août 2005 n'avait pu légalement donner compétence au président de LA POLYNESIE FRANCAISE pour conclure ces conventions ;
Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 64 de la même loi organique, le président de LA POLYNESIE FRANCAISE prend les actes à caractère non réglementaire nécessaires à l'application des actes prévus à l'article 140 dénommés lois du pays , des délibérations de l'assemblée de la Polynésie française et des règlements ; que la conclusion des conventions entre LA POLYNESIE FRANCAISE et les banques, prévue par l'article 8 de la délibération précitée, est un acte nécessaire à l'application de ladite délibération ; que, par suite, en jugeant que ces dispositions ne donnaient pas compétence au président de LA POLYNESIE FRANCAISE pour conclure ces conventions, sans qu'il ait besoin d'y être habilité par le conseil des ministres, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit être annulé ;
Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le président de LA POLYNESIE FRANCAISE était compétent pour conclure les conventions prévues par l'article 8 de la délibération de l'assemblée de LA POLYNESIE FRANCAISE du 16 août 2005 ; qu'en annulant pour incompétence la décision du président de signer les conventions conclues en application de ces dispositions, le tribunal administratif de Polynésie française a commis une erreur de droit ; que son jugement doit, dès lors, être annulé en tant qu'il annule cette décision ainsi que, par voie de conséquence, en tant qu'il enjoint à LA POLYNESIE FRANCAISE de saisir le juge du contrat afin qu'il en constate la nullité ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A, partie perdante dans la présente instance, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par LA POLYNESIE FRANCAISE et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 18 mars 2008 et les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de LA POLYNESIE FRANCAISE sont annulés.
Article 2 : M. A versera à LA POLYNESIE FRANCAISE une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à LA POLYNESIE FRANCAISE et à M. Edouard A.