Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 août et 28 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO dont le siège est 317 Ancienne Voie Aurélienne, Le Quintin à Salon-de-Provence (13300), représentée par sa gérante ; la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 25 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 19 novembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Salon-de-Provence à l'indemniser du préjudice subi du fait de son éviction de la consultation organisée en vue de désigner l'exploitant du réseau de transport urbain de la commune ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel en annulant le jugement du 19 novembre 2002 du tribunal administratif de Marseille, en condamnant la commune de Salon-de-Provence à lui verser la somme de 879 907,68 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er février 1999, avec capitalisation des intérêts, et, à titre subsidiaire, en ordonnant une expertise ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Salon-de-Provence le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er avril 2010, présentée pour la communauté d'agglomération Agglopole Provence ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 2 avril 2010, présentée pour la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Polge, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIÉTÉ DES TRANSPORTS GALIERO et de Me Foussard, avocat de la société Agglopole Provence venant aux droits de la commune de Salon de Provence,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIÉTÉ DES TRANSPORTS GALIERO et à Me Foussard, avocat de la société Agglopole Provence venant aux droits de la commune de Salon de Provence ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : Au sens de la présente loi, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage. / Les dispositions de la présente loi sont applicables aux opérations de transport (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une décision du 13 mars 1998, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sur la requête en appel de la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO, a annulé la délibération du 6 juillet 1992 par laquelle le conseil municipal de Salon-de-Provence a décidé d'attribuer la gestion et l'exploitation du réseau de transports urbains et scolaires de la commune à la société Les Autobus Auréliens , au motif tiré de la méconnaissance du principe d'égalité entre les candidats au marché, tous les candidats n'ayant pas été mis à même de prendre connaissance des éléments essentiels de la convention leur permettant d'apprécier les charges du cocontractant et d'élaborer une offre satisfaisante ; que, par un jugement du 19 novembre 2002, confirmé par l'arrêt attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO tendant à la condamnation de la commune de Salon-de-Provence à l'indemniser des préjudices subis du fait de son éviction irrégulière de ce marché ;
Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'aux termes de l'article X du cahier des charges du dossier de la consultation organisée par la commune de Salon-de-Provence en vue de désigner l'exploitant de son réseau de transports urbains et scolaires : La société s'engage à créer une société d'exploitation du réseau salonais dont le siège sera sur la commune de Salon (...) ; qu'aux termes de l'article XI : La société ne pourra sous-traiter que les activités annexes liées à l'entretien du matériel (...) ; que pour juger que la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO ne présentait aucune chance d'emporter le contrat, de nature à lui donner droit à une indemnité, la cour administrative d'appel a déduit des termes d'une lettre du 11 juin 1992 adressée par la société au maire de la commune et indiquant que la société allait créer une filiale spécifique dont le siège sera à Salon-de-Provence pour exploiter le réseau urbain de la ville que la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO envisageait de sous-traiter l'exploitation principale du réseau, sans rechercher si l'intention de la société soumissionnaire était de signer elle-même le contrat pour en confier l'exécution à sa filiale par un sous-traité ou si le contrat devait être passé avec la filiale à créer ; qu'elle a ainsi commis une erreur de droit ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO est fondée à demander pour ce motif l'annulation de son arrêt ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier si l'entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; que, dans le cas où l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché, elle a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la création d'une filiale par la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO pour exploiter le réseau de transports de la commune de Salon-de-Provence, imposée au délégataire par les prescriptions, citées plus haut, de l'article X du cahier des charges de la consultation, à supposer même que la requérante soit la signataire de la convention et non cette filiale, puisse être regardée comme une sous-traitance de l'exploitation principale du réseau prohibée par l'article XI de ce cahier des charges ; que si la communauté d'agglomération Agglopole Provence , substituée à la commune de Salon-de-Provence, soutient que la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO avait prévu, dans son offre, indépendamment de la création de la filiale requise par l'article X du cahier des charges pour exploiter le réseau, de procéder à une sous-traitance, elle ne justifie pas de son allégation ; que par suite, contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération, la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO, dont la candidature avait été retenue au vu des garanties professionnelles et financières qu'elle présentait, et qui a soumis une offre proposant des prix plus bas que ceux de la seule offre concurrente, n'était pas dépourvue de toute chance de remporter le contrat dont elle a été irrégulièrement évincée ; qu'en revanche, la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO, qui ne produit pas l'offre qu'elle avait remise, n'établit ni que les appréciations de la commission d'ouverture des plis relatives aux insuffisances techniques et aux anomalies de son offre et à la supériorité de l'offre concurrente seraient entachées d'une erreur manifeste, ni que ces insuffisances et anomalies ne résulteraient que des manquements au principe d'égalité entre les candidats commis à son détriment ; qu'elle ne justifie ainsi pas d'une chance sérieuse d'emporter le contrat ;
Considérant qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO, dont le chiffre d'affaires a continué à croître les années suivantes, aurait subi du fait de la publicité donnée à son éviction le préjudice commercial qu'elle invoque également ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO n'a droit qu'au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre, et au titre desquels elle fait principalement valoir une évaluation du temps passé par ses salariés à répondre à l'appel d'offres ; que, dans les circonstances de l'espèce, il peut être fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à une somme de 10 000 euros ; que la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO a droit aux intérêts de cette somme à compter de la réception par la commune de Salon-de-Provence, le 1er février 1999, de sa demande préalable ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Salon-de-Provence, à laquelle est substituée la communauté d'agglomération Agglopole Provence , à lui verser une somme de 10 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er février 1999 ;
Considérant, en outre, qu'à la date du 21 février 2003, à laquelle la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO a présenté, devant la cour administrative d'appel de Marseille, des conclusions à fin de capitalisation des intérêts, il était dû plus d'une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération Agglopole Provence et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Agglopole Provence , sur le fondement des mêmes dispositions, le versement à la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO de la somme de 8 000 euros, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, tant en première instance qu'en appel et en cassation ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 25 juin 2007 est annulé.
Article 2 : La communauté d'agglomération Agglopole Provence est condamnée à verser à la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO la somme de 10 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 1999. Les intérêts échus à la date du 21 février 2003 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 avril 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : La communauté d'agglomération Agglopole Provence versera une somme de 8 000 euros à la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Agglopole Provence tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DES TRANSPORTS GALIERO, à la communauté d'agglomération Agglopole Provence et à la commune de Salon-de-Provence.