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28/05/2010 | FRANCE | N°330567

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 28 mai 2010, 330567


Vu le pourvoi, enregistré le 6 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le DEPARTEMENT DE PARIS, représenté par le président du conseil de Paris ; le département demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 14 mai 2009 par laquelle la commission centrale d'aide sociale, à la demande de Mme Odile A et de l'association tutélaire des inadaptés de Paris, d'une part, a annulé la décision de la commission départementale d'aide sociale de Paris en date du 15 juin 2007 et, d'autre part, l'a condamné à restituer à Mme A la somme de 39 531,23 euro

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Vu le pourvoi, enregistré le 6 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le DEPARTEMENT DE PARIS, représenté par le président du conseil de Paris ; le département demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 14 mai 2009 par laquelle la commission centrale d'aide sociale, à la demande de Mme Odile A et de l'association tutélaire des inadaptés de Paris, d'une part, a annulé la décision de la commission départementale d'aide sociale de Paris en date du 15 juin 2007 et, d'autre part, l'a condamné à restituer à Mme A la somme de 39 531,23 euros, correspondant aux sommes qu'il a récupérées sur le produit de la vente des parts détenues par l'intéressée dans un bien immobilier indivis, avec intérêts à compter du 24 janvier 2007 et capitalisation de ces intérêts à compter du 5 novembre 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 mai 2010, présentée pour le DEPARTEMENT DE PARIS ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur,

- les observations de Me Foussard, avocat du DEPARTEMENT DE PARIS et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme A et de l'association tutélaire des inadaptés de Paris,

- les conclusions de M. Luc Derepas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat du DEPARTEMENT DE PARIS et à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme Odile A et de l'association tutélaire des inadaptés de Paris ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles, des recours aux fins de récupération des sommes versées au titre de prestations d'aide sociale peuvent être exercés par le département contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre sa succession, contre un donataire ou contre un légataire de ce même bénéficiaire ; qu'aux termes de l'article L. 132-9 de ce code : Pour la garantie des recours prévus à l'article L. 132-8, les immeubles appartenant aux bénéficiaires de l'aide sociale sont grevés d'une hypothèque légale, dont l'inscription est requise par le représentant de l'Etat ou le président du conseil général dans les conditions prévues à l'article 2428 du code civil ; qu'aux termes de l'article R. 132-16 du même code : La mainlevée des inscriptions prises en conformité des articles R. 132-13 à R. 132-15 est donnée soit d'office soit à la requête du débiteur par décision du président du conseil général ou du préfet. / Cette décision intervient au vu de pièces justificatives, soit du remboursement de la créance soit d'une remise, en application du quatrième alinéa de l'article R. 132-11. ;

Considérant que, si l'inscription de l'hypothèque légale prévue par l'article L. 132-9 du code de l'action sociale et des familles permet de garantir le recouvrement d'une créance qui sera éventuellement détenue ultérieurement par le département sur le bénéficiaire des prestations d'aide sociale, sa succession, un donataire ou un légataire, elle ne saurait avoir par elle-même pour effet de rendre le bénéficiaire des prestations d'aide sociale débiteur d'une telle créance ; que les dispositions de l'article R. 132-16 du même code doivent, dès lors, être entendues comme ne subordonnant la mainlevée de l'hypothèque à la présentation des pièces justificatives de la remise ou du remboursement de la créance que lorsque celle-ci revêt un caractère exigible, susceptible de fonder légalement l'exercice de l'un des recours en récupération ouverts au département ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil général a requis l'inscription d'une hypothèque légale sur un immeuble dont Mme A était partiellement propriétaire, à hauteur des sommes exposées par le département pour la prise en charge, au titre de l'aide sociale, de l'hébergement de Mme A dans un foyer d'accueil spécialisé ; que le département a ensuite subordonné la mainlevée de cette hypothèque, lors de la vente du bien sur lequel elle avait été inscrite, au versement à son profit, par Mme A, d'une somme représentative de la quote-part qu'elle détenait sur l'immeuble en question ;

Considérant que, pour annuler la décision de la commission départementale d'aide sociale de Paris du 15 juin 2007, qui avait rejeté la demande de Mme A tendant à la restitution de cette somme, et pour condamner le DEPARTEMENT DE PARIS à procéder à son reversement, la commission centrale d'aide sociale s'est fondée sur ce que le département ne pouvait pas régulièrement subordonner la mainlevée de l'hypothèque inscrite sur l'immeuble détenu par Mme A au remboursement par cette dernière des frais d'hébergement avancés par le département, dès lors que ne lui était ouvert aucun des recours en récupération pour la garantie desquels l'hypothèque avait été inscrite ; que, dès lors que le département ne pouvait se prévaloir d'aucune créance, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la commission centrale d'aide sociale, qui n'a aucunement assimilé le remboursement obtenu par le DEPARTEMENT DE PARIS à l'un des recours en récupération prévus par l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles, n'a, ce faisant, pas commis d'erreur de droit ; que la commission centrale d'aide sociale n'a pas davantage commis d'erreur de droit et a répondu aux moyens soulevés devant elle par le DEPARTEMENT DE PARIS, en relevant que les dispositions de l'article R. 132-16 précité n'avaient pas pour objet et ne pouvaient avoir légalement pour effet d'autoriser le département à recouvrer des montants régulièrement alloués de prestations d'aide sociale en dehors des hypothèses définies par l'article L. 132-8 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi du DEPARTEMENT DE PARIS doit être rejeté ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à sa charge le versement à Mme A de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du DEPARTEMENT DE PARIS est rejeté.

Article 2 : Le DEPARTEMENT DE PARIS versera à Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE PARIS, à Mme Odile A et à l'association tutélaire des inadaptés de Paris.

Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 330567
Date de la décision : 28/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES. TAXES FONCIÈRES. TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS BÂTIES. - RECOURS EN RÉCUPÉRATION DES SOMMES VERSÉES AU TITRE DE PRESTATIONS D'AIDE SOCIALE (ART. L. 132-8 CASF) - HYPOTHÈQUE LÉGALE SUR LES IMMEUBLES DES BÉNÉFICIAIRES DE L'AIDE SOCIALE (ART. L. 132-9) - MAINLEVÉE DES INSCRIPTIONS HYPOTHÉCAIRES (ART. R. 132-16) - CONDITIONS.

04 Pour l'application de l'article R. 132-16 du code de l'action sociale et des familles (CASF), le département peut requérir l'inscription d'une hypothèque légale sur un immeuble appartenant à un bénéficiaire de l'aide sociale, dans les conditions prévues à l'article L. 132-9 de ce code, en vue de garantir le recouvrement de créances qu'il est susceptible de détenir sur ces derniers, leur succession, leurs donataires ou légataires. Il ne peut toutefois subordonner la mainlevée de l'inscription hypothécaire à la présentation des pièces justificatives de la remise ou du remboursement de la créance que lorsque celle-ci présente un caractère exigible et qu'elle peut fonder légalement l'exercice de l'un des recours en récupération ouverts au département. En l'absence de recours en récupération ouvert au département en vertu de l'article L. 132-8 du même code, la mainlevée est de droit pour le bénéficiaire de l'aide sociale.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 mai. 2010, n° 330567
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Jean Lessi
Rapporteur public ?: M. Derepas Luc
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:330567.20100528
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