Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mars et 25 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS, dont le siège est Challanger, 1, avenue Eugène Freyssinet, Guyancourt, à Saint-Quentin-en-Yvelines cedex (78065), la SOCIETE DEMATHIEU ET BARD, dont le siège est 30, avenue Robert Surcouf, à Voisin-le-Bretonneux cedex (78961) et la SOCIETE EUROPE FONDATIONS, dont le siège est 1, avenue Eugène Freyssinet, Guyancourt, à Saint-Quentin-en-Yvelines cedex (78065), représentées par leurs dirigeants en exercice ; la SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 27 janvier 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 25 avril 2006 ayant rejeté leur demande de condamnation solidaire de la Société d'économie mixte d'aménagement de Paris (SEMAPA), de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et de Réseau ferré de France (RFF) à les indemniser du préjudice qu'elles ont subi à l'occasion de l'exécution d'un marché de travaux publics notifié le 19 septembre 1997, en vue de la réalisation de travaux de génie civil des fondations et appuis servant à supporter les dalles de couverture des voies ferrées dans le secteur Masséna de la zone d'aménagement concerté Paris-Rive-Gauche ;
2°) de mettre à la charge, solidairement, de la SEMAPA et de la SNCF une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Polge, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS et autres, de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de Réseau ferré de France, de Me Odent, avocat de la Société nationale des chemins de fer français et de Me Hemery, avocat de la Société d'économie mixte d'aménagement de Paris,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS et autres, à la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de Réseau ferré de France, à Me Odent, avocat de la Société nationale des chemins de fer français et à Me Hemery, avocat de la Société d'économie mixte d'aménagement de Paris ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué :
Considérant que les conclusions du pourvoi de la SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS et autres doivent être regardées comme tendant à l'annulation de l'arrêt du 27 janvier 2009 de la cour administrative d'appel de Paris en tant que, par son article 2, il rejette leurs conclusions tendant à l'annulation du jugement du 25 avril 2006 du tribunal administratif de Paris et que, en son article 3, il met à leur charge une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'aux termes de l'article 10 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux de la SNCF, auquel renvoie le cahier des prescriptions spéciales applicables au marché en y apportant des dérogations partielles : 10.2. Décomptes définitifs / 10.2.1. Pour les parties d'ouvrage dont le métré a pu être arrêté définitivement, il est établi un décompte partiel définitif (...) / 10.2.6. Si l'entrepreneur (...) refuse d'accepter le décompte qui lui est présenté, ou signe celui-ci en faisant des réserves, il doit, par écrit, exposer en détail les motifs de ces réserves et préciser le montant de ses réclamations à l'ingénieur (...). Il est alors procédé comme il est dit à l'article 49 ci-après ; que, de même, aux termes de l'article 2-4 du cahier des prescriptions spéciales : Si la signature du décompte final est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur, avec les justifications nécessaires, dans un mémoire précisant le montant de ses réclamations (...) ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai de quarante-cinq jours fixé à l'article 2.44 ci-avant. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 49 du CCCG travaux de la SNCF ; qu'aux termes de cet article 49 : 1. Si, dans le cours de l'entreprise, des difficultés s'élèvent entre l'ingénieur et l'entrepreneur sous la forme de réserves faites à un ordre de service, ou sous toute autre forme, il en est déféré au directeur intéressé qui fait connaître sa décision dans le délai de deux mois (...) / 3. Les décisions prises par le directeur dans les cas visés aux alinéas 1 et 2 du présent article sont notifiées à l'entrepreneur. L'absence de décision du directeur dans le délai de deux mois vaut rejet. Si l'entrepreneur n'accepte pas les décisions, il doit, à peine de forclusion, dans un délai maximal de trois mois à partir de la notification ou de l'expiration du délai de deux mois fixé aux alinéas 1 et 2, adresser au directeur, sous pli recommandé, un mémoire où il indique les motifs et le montant de ses réclamations / 4. Si, dans le délai de trois mois à partir de la remise du mémoire, le directeur n'a pas fait connaître sa décision, l'entrepreneur peut, comme dans le cas où ses réclamations ne seraient pas admises, saisir desdites réclamations le tribunal compétent. Il n'est admis à porter devant ce tribunal que les griefs énoncés dans le mémoire remis au directeur. / 5. Si, dans le délai de six mois après notification de la décision intervenue sur les réclamations remises valablement sur le décompte général et définitif, l'entrepreneur n'a point porté ses réclamations devant le tribunal compétent, il est considéré comme ayant adhéré à cette décision et tout réclamation se trouve éteinte ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les réserves et le mémoire de réclamation du groupement d'entreprises composé de la SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS S.A., mandataire, de la SOCIETE DEMATHIEU ET BARD et de la société Intrafor, aux droits de laquelle vient la SOCIETE EUROPE FONDATIONS, sur le décompte final partiel notifié par la SNCF, agissant en qualité de maître d'ouvrage délégué de la société d'économie mixte d'aménagement de Paris (SEMAPA), et portant sur la réalisation de la phase 3 du marché conclu le 19 septembre 1997 en vue de réaliser des travaux de génie civil pour les fondations et appuis devant supporter les dalles de couverture des voies ferrées dans le secteur Masséna de la zone d'aménagement concerté Paris - rive gauche, ont fait l'objet d'une réponse de la SNCF, reçue le 27 mai 1999, par laquelle elle accordait au groupement une indemnité extracontractuelle conformément aux dispositions de l'article 49.3 du cahier des clauses et conditions générales , selon les termes de sa lettre, ainsi que la remise gracieuse de pénalités ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Paris, ayant souverainement estimé que la SNCF avait ensuite, par lettre du 30 juin 1999, autorisé le report de la présentation d'une réclamation prévue au 3 de l'article 49 du cahier des clauses et conditions générales, mettant en oeuvre et adaptant en accord avec le groupement la procédure prévue par ces stipulations, et ayant ainsi relevé que la commune intention des parties avait été de retenir contractuellement la procédure prévue par les 3 et 4 de l'article 49 du cahier des clauses et conditions générales, a commis une erreur de droit en jugeant que la demande de la SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS ET AUTRES était tardive, faute d'avoir été présentée devant le tribunal administratif de Paris dans le délai de six mois à compter de la décision du 27 mai 1999, sans tenir compte du report de ce délai contractuellement prévu ; que les sociétés requérantes sont dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, fondées à demander l'annulation des articles 2 et 3 de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que Réseau ferré de France, ayant été mis hors de cause par l'arrêt attaqué et à l'encontre duquel aucune conclusion n'était dirigée dans le cadre de la présente instance, à laquelle il n'a été appelé que pour produire des observations sans qu'il eût eu qualité pour former tierce opposition, ne peut, par suite, être regardé comme une partie pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font ainsi obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions qu'il présente au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la Société d'économie mixte d'aménagement de Paris et de la Société nationale des chemins de fer français la somme de 2 000 euros chacune au titre des frais de même nature exposés par la SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS et autres ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 2 et 3 de l'arrêt du 27 janvier 2009 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : La Société d'économie mixte d'aménagement de Paris et la Société nationale des chemins de fer français verseront chacune la somme globale de 2 000 euros à la SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS, à la SOCIETE DEMATHIEU ET BARD et à la SOCIETE EUROPE FONDATIONS.
Article 4 : Les conclusions présentées par Réseau ferré de France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS, à la SOCIETE DEMATHIEU ET BARD, à la SOCIETE EUROPE FONDATIONS, à la Société d'économie mixte d'aménagement de Paris, à la Société nationale des chemins de fer français et à Réseau ferré de France.