Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juillet et 12 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE CANNES, représentée par son maire ; la COMMUNE DE CANNES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 13 juillet 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, a rejeté sa requête tendant à l'expulsion de Mme A, occupant sans titre un amarrage dans le second port de Cannes ;
2°) statuant en référé, d'ordonner l'expulsion de Mme A sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) d'autoriser la COMMUNE DE CANNES à exécuter d'office la mesure d'expulsion ;
4°) de mettre à la charge de Mme A le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 janvier 2010, présentée pour Mme A ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 janvier 2010, présentée pour la COMMUNE DE CANNES ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Francis Girault, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE CANNES et de la SCP Monod, Colin, avocat de Mme A,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE CANNES et à la SCP Monod, Colin, avocat de Mme A,
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme A, dont le bateau est amarré au port Pierre Canto de Cannes depuis 1999, n'est titulaire d'aucun titre d'occupation régulier de cet emplacement portuaire depuis qu'elle a refusé, en mars 2004, de signer la convention portant autorisation d'occupation du domaine public portuaire pour son bateau ; qu'elle a maintenu celui-ci à cet emplacement depuis cette date sans interruption et sans s'être acquittée des redevances légales ; qu'elle a refusé d'obtempérer à la demande de la ville de libérer l'emplacement ainsi irrégulièrement occupé ; qu'il ressort également des pièces du dossier soumis au juge des référés que l'emplacement occupé par Mme A, comme tous les emplacements du Port Pierre Canto de Cannes, fait l'objet d'une liste d'attente très importante de demandeurs d'un poste d'amarrage auxquels, faute de places disponibles, il ne peut être donné satisfaction ;
Considérant que pour juger que la demande présentée par la COMMUNE DE CANNES tendant à ce qu'il prononce l'expulsion de Mme A du port Pierre Canto ne présentait pas un caractère d'urgence, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a pris en compte de façon déterminante le paiement d'arriérés de redevance par Mme A dont celle-ci a pris l'initiative en versant à la ville une somme de 12 265 euros le 3 juin 2009, versement qui n'est pas conforme au tarif fixé par délibération du conseil municipal pour les propriétaires de navires ne bénéficiant pas d'une convention d'amarrage annuelle ; qu'en retenant cette circonstance sans incidence en soi sur l'appréciation de l'urgence à faire évacuer un occupant sans titre du domaine, alors que le maintien illégal par Mme A de son bateau fait notamment obstacle à l'accès au service public portuaire d'usagers réguliers, le juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que, pour ce motif, son ordonnance en date du 13 juillet 2009 doit être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : "En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative" ; que lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions d'une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d'urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que Mme A n'est titulaire d'aucun titre régulier d'occupation de l'emplacement portuaire pour son bateau amarré dans le port Pierre Canto de Cannes depuis qu'elle a, en mars 2004, refusé de signer la convention d'occupation du domaine public que lui a adressée la ville de Cannes ; que, depuis cette date, la cour administrative de Marseille a, par son arrêt du 13 novembre 2008, devenu définitif, reconnu régulières d'une part la délibération du conseil municipal du 14 mars 2002 prononçant la déchéance du concessionnaire du port et d'autre part celle du 29 juin 2002 fixant les tarifs des redevances applicables pour l'occupation de places dans le port Pierre Canto ; qu'il résulte de l'instruction, que Mme A a refusé d'obtempérer lorsque la ville lui a demandé de quitter le port ; que le fonctionnement normal du port de plaisance, qui a pour finalité, en permettant l'amarrage des bateaux, l'accueil à la journée ou à l'année des plaisanciers à la disposition desquels la commune doit mettre un équipement et des prestations adaptées en contrepartie d'un tarif qu'ils acceptent d'acquitter, requiert que les plaisanciers qui utilisent un anneau d'amarrage, disposent d'un titre régulier d'occupation, s'acquittent, en contrepartie, de la redevance au taux fixé par la commune et, lorsqu'ils cessent de s'en acquitter ou n'ont plus de titre régulier, libèrent l'anneau d'amarrage; que l'expulsion demandée vise à assurer cet objectif d' accès égal et régulier des usagers au service public portuaire alors que les demandes d'accueil par des plaisanciers inscrits sur une liste d'attente sont supérieures à 430 ; que dans ces conditions, tant l'urgence que l'utilité de la mesure d'expulsion de Mme A demandée par la COMMUNE DE CANNES est justifiée sans que l'intéressée puisse utilement invoquer l'absence de procédure contradictoire mise en oeuvre par la commune avant qu'elle ne lui demande d'évacuer le domaine public irrégulièrement occupé ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre à Mme A d'évacuer l'emplacement qu'elle occupe irrégulièrement dans le port Pierre Canto dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme A le versement à la COMMUNE DE CANNES de la somme de 3 000 euros ; qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la COMMUNE DE CANNES la somme demandée, au même titre, par Mme A ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 13 juillet 2009 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à Mme A d'évacuer l'emplacement que son bateau occupe sur le port Pierre Canto, dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Article 3 : Mme A versera à la COMMUNE DE CANNES une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE CANNES et à Mme Sylviane A.
Copie pour information en sera adressée au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.