Vu la requête, enregistrée le 9 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Bedri A, demeurant ... et Mme Mana Patricia B, demeurant ... ; M. A et Mme B demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du consul général de France à Ankara (Turquie), en date du 7 mai 2009, opposant un refus à la demande de visas de long séjour présentée par M. A en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;
2°) d'enjoindre, à titre principal, au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de délivrer à M. A le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer sa demande de visa dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que la condition d'urgence est remplie, dès lors que la décision du consulat général de France à Ankara porte atteinte au droit du mariage et à leur vie privée et familiale, qui sont des libertés fondamentales protégées par les articles 8 et 12 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que celle-ci est entachée, d'une part, d'une erreur de droit ; qu'en effet les nombreuses pièces du dossier ne permettent pas d'établir le caractère frauduleux du mariage de M. A et de Mme B ; qu'en outre, la décision de refus de délivrance de visa à M. A porte une atteinte excessive et disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à son droit à fonder une famille garanti par l'article 12 de la même convention ; que la décision contestée est entachée, d'autre part, d'une erreur d'appréciation, la menace que la présence de M. A sur le territoire français pourrait faire peser sur l'ordre public n'étant pas établie ;
Vu la copie du recours présentée le 2 avril 2009 à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
Vu la copie de la requête en annulation présentée par M. A et Mme B ;
Vu, enregistré le 11 décembre 2009, le mémoire présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable, la copie d'une lettre en date du 25 juin 2009 portant saisine de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qui figure au dossier n'attestant pas, en l'absence d'enregistrement de ladite commission, de la réalité de l'exercice du recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge ; il soutient, à titre subsidiaire, que les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation ne sont pas fondés ; qu'en effet, un faisceau d'indices précis et concordants fait apparaître que M. A a contracté mariage dans le but exclusif d'obtenir un titre de séjour, ce qui constitue un motif d'ordre public permettant de refuser légalement un visa ; qu'en outre, dès lors que l'union des intéressés ne peut être sérieusement tenue pour sincère, M. A et Mme B ne sauraient être regardés comme fondés à soutenir que la décision litigieuse aurait méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ce, d'autant que Mme B ne démontre ni allègue l'impossibilité dans laquelle elle se trouverait dorénavant de rendre régulièrement visite à son époux en Turquie ; que, de même, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 12 de la même convention est inopérant, l'union de M. A et Mme B ayant été célébrée le 30 mai 2008 à Levallois-Perret ; qu'enfin, la condition d'urgence n'est pas remplie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et Mme B et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du mercredi 16 décembre 2009 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Capron, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A et de Mme B ;
- Mme B ;
- la représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant que M. A, ressortissant turc entré en France en septembre 2005, a demandé vainement le statut de réfugié politique ; qu'il a par la suite rencontré Mme B au courant de l'année 2007, alors qu'il se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français ; qu'il a divorcé de son épouse restée en Turquie en décembre 2007 et s'est vu confier la garde de ses trois enfants ; qu'il a épousé Mme B en mai 2008 ; que de retour en Turquie en janvier 2009, il a déposé une demande de visa de long séjour auprès de l'ambassade de France à Ankara en qualité de conjoint d'une ressortissante française ; que sa demande a été rejetée le 7 mai 2009 par les autorités françaises au motif de l'absence d'intention matrimoniale ressortant des pièces présentées à l'appui de la demande ; que M. A a déposé un recours devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, qui a implicitement rejeté sa demande ; qu'il demande, conjointement avec son épouse, la suspension de cette dernière décision ;
Considérant qu'en l'état de l'instruction, aucun des moyens soulevés par M. A n'est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du refus opposé à sa demande de visa de long séjour présenté en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;
O R D O N N E :
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Article 1 : La demande de M. Bedri A et de Mme Mana Patricia B est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Bedri A, à Mme Mana Patricia B et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.