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16/12/2009 | FRANCE | N°324516

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 16 décembre 2009, 324516


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 janvier et 18 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le SYNDICAT DES ENSEIGNANTS-UNION SYNDICALE DES SYNDICATS AUTONOMES (SE-UNSA), dont le siège est 209 boulevard Saint-Germain à Paris (75007), représenté par son secrétaire général ; le syndicat SE-UNSA demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 1er décembre 2008 relatif aux règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable au dépôt d'un préavis de grève prévue aux articles L. 132-2 et L. 1

33-11 du code de l'éducation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 janvier et 18 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le SYNDICAT DES ENSEIGNANTS-UNION SYNDICALE DES SYNDICATS AUTONOMES (SE-UNSA), dont le siège est 209 boulevard Saint-Germain à Paris (75007), représenté par son secrétaire général ; le syndicat SE-UNSA demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 1er décembre 2008 relatif aux règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable au dépôt d'un préavis de grève prévue aux articles L. 132-2 et L. 133-11 du code de l'éducation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 2008-790 du 20 août 2008 ;

Vu le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Bethânia Gaschet, Auditeur,

- les conclusions de M. Yves Struillou, rapporteur public ;

Considérant que la loi du 20 août 2008 instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire a introduit dans le code de l'éducation les articles L. 133-2 et L. 133-11, qui organisent une procédure de négociation préalable au dépôt d'un préavis de grève par les personnels enseignants du premier degré des écoles publiques et des écoles maternelles et élémentaires privées sous contrat ; qu'aux termes de l'article L. 133-2-II du code de l'éducation nationale : Les règles d'organisation et de déroulement de cette négociation préalable sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine notamment : (...) / 5° Les conditions dans lesquelles la négociation préalable entre les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification et l'autorité administrative se déroule ; / 6° Les modalités d'élaboration du relevé de conclusions de la négociation préalable ainsi que les informations qui doivent y figurer ; que le décret attaqué du 1er décembre 2008, pris en application de ces dispositions, a pour objet de fixer les règles d'organisation et de déroulement de cette négociation préalable ; qu'aux termes de l'article 3-II de ce décret : L'organisation syndicale communique sans délai à l'administration les noms des membres de la délégation qui la représentent. Le nombre de ces membres ne peut excéder quatre personnes. Dans le cas où plusieurs organisations syndicales représentatives ont fait part séparément de leur intention de déposer un préavis de grève qui comporte des revendications de même nature, ces organisations peuvent être réunies ensemble. Lorsque plusieurs organisations syndicales sont réunies ensemble, le nombre de membres désignés par chacune d'elles ne peut excéder trois personnes. Le nombre de représentants de l'autorité administrative qui participent à la négociation ne peut être supérieur au nombre de représentants des organisations syndicales ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret : Un relevé de conclusions de la négociation élaboré par l'autorité administrative est proposé à la signature des représentants de l'organisation syndicale ayant participé à la négociation. (...) L'autorité administrative compétente procède par tout moyen de son choix à la communication du relevé de conclusions aux personnels enseignants concernés ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6 du même décret : La participation à la négociation des personnes désignées par les organisations syndicales pour les représenter s'impute sur le contingent de décharges d'activité de service prévu à l'article 16 du décret du 28 mai 1982 susvisé ; qu'aux termes du deuxième alinéa du même article 6 : Toutefois, dans le cas où l'organisation syndicale ne compte, parmi les personnels concernés par le projet de préavis de grève, aucun représentant syndical bénéficiant d'une décharge d'activité de service, l'autorité administrative accorde une autorisation d'absence au représentant syndical appartenant à ces personnels que l'organisation syndicale lui désigne ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ; que le législateur, par les articles L. 133-2 et L. 133-11 précités du code de l'éducation, après avoir défini l'objet, le contenu et les grandes modalités d'application de la négociation préalable au dépôt d'un préavis de grève par les personnels enseignants du premier degré des écoles publiques et des écoles maternelles et élémentaires privées sous contrat, a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin d'en préciser, par décret en Conseil d'Etat, l'organisation et le déroulement ; que le décret du 1er décembre 2008 se borne à préciser ces modalités dans le cadre ainsi fixé ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du pouvoir réglementaire ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 231-1 du code de l'éducation : Le conseil supérieur de l'éducation est obligatoirement consulté et peut donner son avis sur toutes les questions d'intérêt national concernant l'enseignement ou l'éducation, quel que soit le département ministériel intéressé. Il donne des avis sur les objectifs et le fonctionnement du service public de l'éducation (...) ; que les dispositions du décret attaqué, qui ont pour objet l'organisation du dialogue social préalablement au dépôt d'un préavis de grève par les personnels enseignants du premier degré des écoles publiques et des écoles maternelles et élémentaires privées sous contrat, ne peuvent être regardées comme portant sur une question d'intérêt national concernant l'enseignement ou l'éducation au sens de l'article L. 231-1 précité ; que, par suite, le décret attaqué n'avait pas à être soumis à l'avis du conseil supérieur de l'éducation ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 16 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique : (...) Les décharges de service sont attribuées par ministère. Le contingent de décharges de service est réparti entre les organisations syndicales compte tenu de leur représentativité. Les organisations syndicales désignent librement parmi leurs représentants les bénéficiaires de décharges de service. (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que les organisations syndicales désignent librement parmi leurs représentants les bénéficiaires de décharges de service ; que les dispositions précitées de l'article 6 du décret attaqué se bornent à indiquer que, lorsque les organisations syndicales désignent pour participer à la phase de négociation préalable au dépôt d'un préavis de grève, dans le cas où celle-ci a lieu pendant les heures de service des personnels, des représentants choisis parmi les bénéficiaires d'une décharge, leur participation s'impute sur leurs heures de décharge ; qu'elles n'ont pour effet ni de contraindre le choix opéré par les organisations syndicales parmi ces bénéficiaires, ni de leur ôter la possibilité de désigner des représentants qui n'en bénéficient pas si les négociations ont lieu en dehors des heures de service des personnels ; qu'elles offrent par ailleurs la garantie, dans le cas où l'organisation syndicale ne compte aucun représentant bénéficiant d'une telle décharge, qu'un de ses représentants, choisi parmi les personnels concernés par le projet de préavis de grève, puisse bénéficier d'une autorisation spéciale d'absence ; que, par suite, ces dispositions, qui ne remettent pas en cause la liberté des organisations syndicales de désigner leurs représentants sans que l'administration interfère dans leur choix, ne portent pas atteinte au principe de liberté syndicale énoncé dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées de l'article 3-II du décret attaqué se bornent à fixer un nombre maximal de représentants des organisations syndicales pouvant participer à la négociation préalable obligatoire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ce plafond serait incompatible avec les règles posées par l'article 6 précité du même décret, au motif que celui-ci laisse ouverte, dans le cas visé dans son second alinéa, la possibilité qu'un seul représentant des syndicats participe à la négociation, n'est pas fondé ; que ces dispositions n'introduisent aucune rupture de l'égalité de traitement entre les organisations syndicales ; qu'enfin, si les règles fixées aux articles précités du décret attaqué peuvent aboutir, dans certaines circonstances, à une négociation entre une seule organisation syndicale et l'administration, elles ne sauraient être regardées, de ce chef, comme illégales, et ne portent pas atteinte au caractère collectif des négociations ;

Considérant, enfin, que les dispositions précitées de l'article 5 du décret attaqué, qui confient la rédaction du relevé de conclusions prévu par la loi au soin de l'administration et prévoient qu'il soit proposé à la signature des organisations syndicales, permettent à ces dernières d'exercer un contrôle sur son contenu et de faire rectifier d'éventuelles inexactitudes ; que les organisations syndicales, qui ne sont pas tenues de signer ce document, conservent par ailleurs la possibilité d'informer les personnels de leur analyse du déroulement de la négociation préalable, de leurs positions et de celles de l'administration ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les termes de l'article 5 du décret attaqué auraient pour conséquence de porter atteinte à la liberté syndicale n'est pas fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT DES ENSEIGNANTS UNSA n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du SYNDICAT DES ENSEIGNANTS UNSA est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES ENSEIGNANTS UNSA, au Premier ministre, au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et au ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 324516
Date de la décision : 16/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2009, n° 324516
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Bethânia Gaschet
Rapporteur public ?: M. Struillou Yves

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:324516.20091216
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