Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août et 4 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 20 juin 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 28 mai 2003 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande d'annulation de la décision du 25 octobre 2002 du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations agissant en qualité de gestionnaire de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales rejetant sa demande du 18 octobre 2002 tendant à la révision de la pension de retraite qui lui a été concédée le 27 novembre 1997 et à ce que lui soit accordée la bonification d'ancienneté d'un an par enfant prévue par l'article 11-1, 3° du décret du 9 septembre 1965, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à ladite caisse de réviser sa pension de retraite en lui faisant bénéficier de la bonification pour enfants ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit aux conclusions de sa requête ;
3°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations le versement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu la directive n° 96/97/CE du Conseil, du 20 décembre 1996 modifiant la directive n° 86/378/CEE relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale ;
Vu le code civil ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983, notamment son article 2 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eric Combes, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. A ;
Considérant que M. A, agent de la fonction publique territoriale, admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er novembre 1997, par un arrêté du 13 août 1997 qui lui a été notifié le 27 novembre 1997, a demandé par courrier en date du 18 octobre 2002 au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations à bénéficier de la bonification pour enfants prévue par l'article 11-1-3° du décret du 9 septembre 1965 relatif au régime de retraite des tributaires de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 juin 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d'une part à l'annulation du jugement du 28 mai 2003 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande d'annulation de la décision du 25 octobre 2002 du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations agissant en qualité de gestionnaire de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales rejetant sa demande du 18 octobre 2002 tendant à la révision de la pension de retraite qui lui a été concédée le 27 novembre 1997 et à ce que lui soit accordée la bonification d'ancienneté d'un an par enfant prévue par l'article 11-1-3° du décret du 9 septembre 1965, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à ladite caisse de réviser sa pension de retraite en lui faisant bénéficier de la bonification pour enfants ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A avait repris en appel le moyen, déjà soulevé devant le tribunal administratif de Marseille, tiré de l'inopposabilité, à la date de la concession de sa pension, du délai de prescription prévu par le I de l'article 64 du décret du 9 septembre 1965, en l'absence de transposition de la directive 96/97/CE du Conseil du 20 décembre 1996 ; que la cour n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant ; que, par suite, son arrêt doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que M. A n'a tiré aucun moyen de l'absence de transposition de la directive n° 96/97/CE du Conseil du 20 décembre 1996, modifiant la directive 86/378/CEE relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale ; qu'après avoir rappelé que la circonstance que, statuant sur une question préjudicielle relative à cette bonification d'ancienneté, la Cour de justice des Communautés européennes a rendu, le 29 novembre 2001, un arrêt interprétant une disposition du droit communautaire sans limiter les effets dans le temps de cet arrêt n'affecte pas le droit d'un Etat membre de la Communauté européenne d'opposer aux demandes de révision de pensions établies en violation de cette disposition un délai de prescription, dès lors que ce délai, mentionné au I de l'article 64 du décret du 9 septembre 1965, s'applique de la même manière aux demandes de révision de pension qui sont fondées sur le droit communautaire et à celles qui sont fondées sur le droit interne, et en jugeant que M. A n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions seraient contraires au droit communautaire, le tribunal administratif de Marseille a suffisamment répondu aux moyens d'inconventionnalité de l'article 64 du décret du 9 septembre 1965 ;
Sur les conclusions aux fins de révision de la pension :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 64 du décret du 9 septembre 1965 dont les dispositions sont similaires à celles de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : I. - La pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de la caisse nationale de retraites ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit. / (...) ;
Considérant que M. A, admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er novembre 1997, s'est vu concéder une pension civile de retraite par une décision notifiée le 27 novembre 1997 ; qu'ainsi le délai imparti à M. A pour exciper, au soutien d'une demande de révision de sa pension, de l'erreur de droit qu'aurait commise l'administration en ne prenant pas en compte dans les éléments de liquidation de cette pension la bonification d'ancienneté mentionnée à l'article 11-1-3° du décret du 9 septembre 1965, était expiré lorsque, le 18 octobre 2002, il a saisi le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations d'une telle demande ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers : Lorsqu'une décision juridictionnelle devenue définitive émanant des tribunaux administratifs ou du Conseil d'Etat a prononcé l'annulation d'un acte non réglementaire par un motif tiré de l'illégalité du règlement dont cet acte fait application, l'autorité compétente est tenue, nonobstant l'expiration des délais de recours, de faire droit à toute demande ayant un objet identique et fondée sur le même motif, lorsque l'acte concerné n'a pas créé de droits au profit des tiers ; que ces dispositions, de valeur réglementaire, ne sauraient avoir pour effet de faire obstacle à une forclusion qui résulte de la loi ; qu'au surplus, elles ne s'appliquent qu'en cas d'annulation d'un acte individuel pour un motif tiré de l'illégalité d'un acte réglementaire et non dans celui d'une annulation d'un acte individuel pour un motif tiré de l'incompatibilité d'une loi avec les stipulations d'un traité ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 2 du décret du 28 novembre 1983 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné. / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ; qu'aux termes de l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce : Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : / Des salaires ; / Des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires ; / Des loyers et des fermages ; / Des intérêts des sommes prêtées, / et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ; que ces dispositions ne sauraient être utilement invoquées au soutien de la demande de M. A tendant à la révision de sa pension de retraite dès lors qu'un dispositif de forclusion spécifique résulte de l'article 64 du décret du 9 septembre 1965 ;
Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que l'inégalité entre les sexes méconnaîtrait les stipulations des articles 13 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention est inopérant à l'encontre de la décision opposant à M. A la prescription prévue à l'article 64 du décret du 9 septembre 1965 ;
Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance que la directive 96/97/CE du Conseil susmentionnée n'ait pas été transposée à la date à laquelle M. A a été admis à faire valoir ses droits à la retraite a eu pour effet d'en rendre les dispositions directement applicables à sa situation ; que, toutefois, ces dispositions, qui ont pour objet d'étendre le principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes aux régimes professionnels de sécurité sociale, ne font pas obstacle à ce que le délai de prescription prévu par l'article 64 du décret du 9 septembre 1965 s'applique aux demandes de révision présentées sur le fondement d'une violation des dispositions de cette directive, dès lors que ce délai s'applique de la même manière aux demandes fondées sur le droit communautaire et à celle fondées sur le droit interne ; qu'ainsi M. A n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 64 du décret du 9 septembre 1965 méconnaitraient les objectifs de la directive 96/97/CE du Conseil du 20 décembre 1996 ;
Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que la décision attaquée causerait un préjudice à M. A est sans influence sur sa légalité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de révision de la pension de retraite qui lui a été concédée ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions de M. A tendant à la révision de sa pension, n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales de réviser sa pension en incluant la bénéfice de la bonification pour enfants ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Caisse des dépôts et consignations, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 20 juin 2006 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. A devant la cour administrative d'appel de Marseille et le surplus des conclusions de M. A présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Michel A et à la Caisse des dépôts et consignations.