La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2009 | FRANCE | N°332881

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 01 décembre 2009, 332881


Vu la requête, enregistrée le 20 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Monique A, demeurant 4, rue du Potager à Bondy (93140) ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 9 décembre 2008 du consul général de France à Douala (Came

roun) refusant la délivrance de visas de long séjour au bénéfice des enfant...

Vu la requête, enregistrée le 20 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Monique A, demeurant 4, rue du Potager à Bondy (93140) ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 9 décembre 2008 du consul général de France à Douala (Cameroun) refusant la délivrance de visas de long séjour au bénéfice des enfants Clarisse Din B, Patience B Dokou et Christelle B Dokou Afi au titre du regroupement familial ;

2°) d'enjoindre au consul général de France à Douala de réexaminer la demande de visa pour ses trois enfants dans un délai de dix jours à compter de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que sa requête est recevable ; que la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, le refus de délivrance de visas l'empêche de vivre avec sa famille au moment où elle en a le plus besoin, étant atteinte d'une grave affection, et que, d'autre part, sa cousine, qui s'occupait de ses trois enfants, ne peut plus en assumer la charge ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, elle est insuffisamment motivée ; qu'elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle a produit, afin d'établir la filiation de sa fille Christelle, un jugement supplétif d'acte de naissance établi par le tribunal de première instance de Douala le 16 avril 2008, ainsi que les actes de naissance de ses deux autres enfants, et que ces documents ont force probante, sauf preuve contraire, que l'administration n'apporte pas ; que la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les liens de filiation sont établis ; que la décision contestée méconnaît l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la copie du recours présenté le 16 juin 2009 à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée par Mme A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2009, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que, d'une part, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'état de santé de la requérante se serait récemment aggravé au point d'engager le pronostic vital à court terme et que, d'autre part, il n'est pas démontré que la situation des trois enfants au Cameroun est précaire ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne saurait qu'être rejeté dès lors que la requérante ne justifie pas avoir expressément sollicité de la commission la communication des motifs du refus implicite de son recours ; que la décision n'a pas été rendue au prix d'une erreur de droit dès lors que les autorités consulaires ont procédé à toutes les vérifications utiles des actes d'état civil produits et que l'acte de naissance de la jeune Christelle est dépourvu de valeur probante ; qu'une tentative de fraude permet de rejeter l'ensemble des trois demandes de visa ; que l'acte de naissance produit à l'appui de la demande initiale de regroupement familial correspond à un autre enfant que la jeune Christelle, que la nouvelle pièce produite n'a pas non plus valeur probante, puisqu'en application des dispositions de l'article 23 de l'ordonnance n° 81-02 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil au Cameroun, le tribunal de première instance de Mbanga n'était pas compétent pour rendre un jugement supplétif d'acte de naissance, et qu'il apparaît un faisceau d'éléments précis de nature à établir l'absence de fiabilité des renseignements d'état civil mentionnés dans le jugement supplétif d'acte de naissance communiqué aux autorités consulaires le 30 septembre 2008 ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne saurait être retenu dès lors que, premièrement, le doute sérieux quant à la légalité du refus de visa litigieux n'est pas démontré, deuxièmement, la longue période de séparation résulte du départ volontaire de la requérante et, troisièmement, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante ait maintenu une relation régulière avec ses trois enfants ou qu'elle ait subvenu à leur entretien ; que la décision litigieuse ne méconnaît pas, pour ces mêmes raisons, les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 26 novembre 2009 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Blancpain, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A ;

- Mme A ;

- les représentants du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme A, ressortissante camerounaise, réside en France sous couvert d'un titre de séjour valable jusqu'au 16 décembre 2015 ; que le préfet de Seine-Saint-Denis a accueilli favorablement, par décision en date du 13 mars 2007, sa demande de regroupement familial en faveur de ses enfants Clarisse Din B, Patience B Dokou, jumelles nées le 1er janvier 1990, et Christelle B Dokou Afi, née le 8 avril 1991 ; que, par décision en date du 9 décembre 2008, le consul général de France à Douala (Cameroun) a rejeté ses demandes tendant à ce que soient accordés des visas au bénéfice de ses trois enfants au motif que, si les actes de naissance des deux soeurs jumelles n'étaient pas contestables, les documents d'état civil relatifs à la jeune Christelle étaient dépourvus de valeur probante, et que la tentative de fraude ainsi révélée entachait l'ensemble du dossier de regroupement familial et justifiait que soit opposé un refus global aux trois demandes de visas ; que Mme A demande que soit ordonnée la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'elle a formé contre cette décision de refus ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et des déclarations faites en audience publique que si le premier document d'état civil relatif à la jeune Christelle, produit dans le cadre de la première demande de regroupement familial de la requérante, qui n'avait pu aboutir en raison de l'insuffisance de ses capacités d'hébergement en France, est, ainsi qu'elle le reconnaît elle-même, dépourvu de valeur probante, elle a demandé, après s'être aperçu que ce document avait été établi, alors qu'elle séjournait en France, par une personne s'attribuant des fonctions administratives locales qu'en réalité elle ne détenait pas, que soit établi un jugement de reconstitution d'acte de naissance au bénéfice de la jeune Christelle ; que par jugement en date du 5 mai 2003, le tribunal de première instance de Mbanga a fait droit à sa demande ; qu'il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document aurait un caractère frauduleux ; qu'à cet égard, le ministre, qui se borne à soutenir que ce tribunal n'était pas territorialement compétent pour statuer sur la demande de la requérante, ne soutient pas que ce jugement aurait un caractère de cette nature ; que le second jugement, en date du 16 avril 2008, rendu à la demande de la requérante à laquelle il avait été indiqué que le premier jugement était dépourvu de valeur probante faute d'avoir été rendu par le tribunal territorialement compétent, par le tribunal de première instance de Douala, qui était territorialement compétent, ne révèle aucune contradiction avec le premier jugement ; que son authenticité n'est pas contestée ; que par suite, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, le moyen tiré de ce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a inexactement apprécié les faits de l'espèce en estimant que le lien de filiation allégué entre la requérante et la jeune Christelle n'était pas établi, paraît de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du refus de délivrer les visas sollicités ;

Considérant que compte tenu de la durée de la séparation entre Mme A et ses enfants, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 précité doit être regardée comme satisfaite ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision lui refusant un visa pour ses trois enfants ; qu'il y a lieu d'enjoindre à l'administration de procéder à un nouvel examen de la demande de visas dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : L'exécution de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, rejetant le recours de Mme A, est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance, au regard de ses motifs, la demande de visas au bénéfice de Clarisse Din B, Patience B Dokou et Christelle B Dokou Afi.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 332881
Date de la décision : 01/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 déc. 2009, n° 332881
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Chantepy
Rapporteur ?: M. Christophe Chantepy
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:332881.20091201
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award