Vu la requête, enregistrée le 18 septembre 2009, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Issa A et Mme Assanatou B épouse A, demeurant ... ; les requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 23 juillet 2008 du consul général de France à Bamako (Mali) refusant des visas de long séjour pour les enfants Fatoumata C et Souleymane C au titre du regroupement familial ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen de la demande de visa présentée concernant leurs deux enfants, dans le délai de vingt jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent à l'appui de leur requête que la condition d'urgence est satisfaite dès lors que cela fait plus de quatre ans que les deux enfants sont séparés de leurs parents, constituant ainsi une atteinte grave et immédiate au respect de la vie familiale ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a pas été établi que l'acte de naissance de Fatoumata était frauduleux et que les requérants ont versé au dossier l'acte de naissance initialement établi à la naissance de leur fille ; que les enfants Souleymane et Fatoumata ont incontestablement la possession d'état d'enfants des requérants ; qu'elle porte atteinte disproportionnée au droit de mener une vie privée et familiale normale tel qu'énoncé à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme relative au droit à une vie privée et familiale normale ;
Vu la saisine de la commission de recours contre les refus de visa ;
Vu la requête à fin d'annulation de la même décision ;
Vu, enregistré le 12 octobre 2009, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que la séparation des parents et des enfants est de leur seul fait ; que les requérants ne précisent pas pourquoi ils ont laissé seuls leurs enfants dans un pays où ils auraient été menacés alors qu'ils n'ont déposé une demande d'asile auprès de l'O.F.P.R.A. que quatre années plus tard ; qu'ils n'établissent pas avoir conservé avec leurs enfants des relations régulières ni participé à leur entretien et pourvu à leur éducation ; qu'il n'existe aucun doute quant à la légalité de la décision contestée ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être rejeté dès lors que le document produit à l'appui de la demande de visa effectuée en faveur de l'enfant Fatoumata est un acte frauduleux ; que le nouveau document fourni par les requérants, tel qu'issu d'un jugement supplétif du tribunal de première instance de la commune III du district de Bamako, n'est pas conforme aux articles 50 et 51 du code civil local ; que le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale doit également être rejeté dès lors que, d'une part, les requérants ont produit un faux acte de naissance et que, d'autre part, aucune pièce du dossier n'est de nature à prouver ni l'identité de la jeune Fatoumata, ni le lien de filiation ;
Vu, enregistré le 15 octobre 2009, le nouveau mémoire présenté par M. et Mme A, par lequel ils produisent une note technique du centre d'état civil de Djelibougou de la commune I du district de Bamako, signée par le maire le 15 octobre 2009, qui affirme qu'après une recherche au niveau des archives de 1997 il en ressort l'existence de trois registres n°1 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. et Mme A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 16 octobre 2009 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Coutard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme A ;
- Monsieur et Madame A ;
- la représentante de M. et Mme A ;
- la représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a décidé de prolonger l'instruction jusqu'au jeudi 22 octobre 2009 ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant que M. et Mme A, ressortissants maliens entrés en France respectivement en 2001 et 2003, y ont obtenu la reconnaissance du statut de réfugié ; qu'ils ont sollicité la délivrance d'un visa de long séjour à leurs enfants mineurs Fatoumata et Souleymane, nés en 1997 et 2000, qui sont demeurés au Mali ; que ce visa leur a été refusé au motif qu'un doute existerait quant à la filiation de la jeune Fatoumata, dont l'acte de naissance présenterait un caractère frauduleux ; que pour établir cette filiation, les requérants produisent un jugement supplétif rendu le 17 septembre 2008 par le tribunal de première instance de la commune III du district de Bamako et un acte de naissance établi en vertu de ce jugement ; que si le ministre soutient que ce jugement et ces actes ne sont pas conformes au code civil malien, il ne l'établit nullement ; que les requérants produisent de multiples documents faisant mention de la jeune Fatoumata au sein de la famille de M. et Mme A ; que le ministre, qui affirme que certains de ces documents ne sont pas authentiques, ne l'établit pas davantage ; qu'aucune contestation ne porte sur la filiation du jeune Souleymane, contraint de demeurer au Mali du seul fait de la suspicion pesant sur la filiation de sa soeur ; que dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le refus de visa contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et a porté atteinte au droit des intéressés de mener une vie privée et familiale normale, tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sont propres, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de ce refus ;
Considérant que la condition d'urgence doit être regardée comme remplie, du fait de la séparation imposée par le refus de visa contesté aux membres de la famille de M. et Mme A ; qu'il y a lieu par suite de suspendre l'exécution de la décision par laquelle la commission de recours contre les refus de visa a implicitement confirmé la décision du consul général de France à Bamako refusant de délivrer les visas sollicités pour les jeunes Fatoumata et Souleymane C ;
Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer à la lumière des motifs de la présente ordonnance la demande de visa présentée pour les jeunes Fatoumata et Souleymane C dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Considérant enfin qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'exécution de la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa confirmant la décision du consul général de France à Bamako refusant la délivrance d'un visa de long séjour aux enfants Fatoumata et Souleymane C est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa de long séjour aux enfants Fatoumata et Souleymane C à la lumière des motifs de la présente ordonnance dans le délai de quinze jours à compter de sa notification.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. et Mme A est rejeté.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Issa A, à Mme Anassatou A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.