Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Allal A, domicilié ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision implicite du consul général de France à Meknès (Maroc) refusant la délivrance d'un visa de long séjour à sa fille adoptive Ibtissam Fahmi ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen de la demande de visa destiné à l'enfant Ibtissam Fahmi dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
il soutient que l'urgence est caractérisée dès lors que perdure la séparation entre le requérant et sa fille, âgée de 7 ans, qui lui a été confiée par le tribunal de première instance de Meknès par kafala judiciaire ; que la décision contestée comporte un doute sérieux quant à sa légalité ; qu'en effet, en induisant une séparation prolongée entre le requérant et sa fille, à plus forte raison en période de deuil suite au décès de la mère de cette dernière, la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en portant atteinte à l'intérêt supérieur de la fille du requérant, la décision contestée contrevient également aux dispositions de l'article 3.1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
Vu la décision dont la suspension est demandée ;
Vu la copie du recours présenté par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
Vu la copie de la requête en annulation présentée par M. A ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2009, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'urgence n'est pas caractérisée dès lors que la séparation qui perdure entre le requérant et sa fille résulte du choix personnel du requérant de vivre en France, loin de son enfant, même après le décès de son épouse ; que la fillette est régulièrement scolarisée au Maroc ; qu'il n'existe pas de doute quant à la légalité de la décision contestée ; qu'elle ne méconnaît pas les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'enfant a toujours vécu au Maroc entourée des membres de sa famille ; que le requérant ne peut démontrer qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de sa fille ; qu'il ne justifie pas de liens affectifs forts avec elle ; qu'il ne prouve pas non plus disposer des ressources nécessaires à son accueil et son entretien en France ; que la décision contestée ne méconnaît pas les dispositions de l'article 3 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ; qu'en effet, il est dans l'intérêt de l'enfant de demeurer au Maroc auprès de sa famille ; qu'il s'en suit que la décision de refus de visa n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la part des autorités consulaires à Fès et de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A, et d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 16 octobre 2009 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Coutard, avocat au Conseil et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;
- la représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Vu les mémoires, enregistrés le 19 octobre 2009, présentés par M. A, qui maintient ses précédentes conclusions ; il soutient que ses attaches personnelles et professionnelles se trouvent en France ; qu'il perçoit par ailleurs, en raison d'activités professionnelles éprouvantes à l'origine de problèmes de santé, une pension d'invalidité qui ne peut lui être versée au Maroc ; qu'il souffre d'une maladie chronique nécessitant de soins ne pouvant être interrompus ; qu'il possède les ressources nécessaires pour accueillir sa fille en France ; que la tante de l'enfant ne souhaite pas l'avoir à charge dans le long terme ; qu'il s'en suit que l'intérêt supérieur de l'enfant est de rejoindre son père en France ;
Vu, enregistré le 20 octobre 2009, les nouvelles observations présentées par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui maintient ses précédentes conclusions ; il soutient qu'un homme seul ne peut être le kafil d'un enfant abandonné ; que le requérant ne possède pas les ressources nécessaires pour pouvoir accueillir et éduquer son enfant en France ; qu'il est dans l'intérêt de l'enfant de demeurer au Maroc, dans le cercle familial dans lequel elle a grandi ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant que M. A, ressortissant marocain qui réside régulièrement en France depuis 1973, et son épouse se sont vu confier par un jugement du tribunal de première instance de Meknès en date du 19 février 2002 la kafala de la jeune Ibtissam Fahmi, née en 2001 de parents inconnus ; que depuis l'intervention de ce jugement, la jeune Ibtissam a toujours vécu au Maroc auprès de l'épouse de M. A et des membres de la famille de celle-ci ; qu'après le décès de son épouse, survenu en février 2008, M. A a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour en faveur de la jeune Ibtissam, afin qu'elle puisse venir vivre en France à ses côtés ; qu'il demande, sur le fondement des dispositions précitées, la suspension de la décision implicite par laquelle la commission des recours contre les refus de visa a rejeté le recours qu'il avait formé contre la décision du consul général de France à Fès lui refusant ce visa ;
Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction que M. A et la jeune Ibtissam ont toujours vécu séparés ; qu'il n'est pas établi qu'ainsi que le soutient le requérant, ils ont entretenu des relations pendant la période où l'enfant résidait au Maroc avec sa mère adoptive, au-delà des visites effectuées par M. A dans son pays d'origine ; qu'il n'est pas contesté que la dernière de ces visites remonte au mois de janvier 2009, sans qu'aucune circonstance l'explique, alors que M. A soutient que l'enfant souffre d'être séparée de lui depuis le décès de sa mère adoptive et qu'il dispose de moyens suffisants pour faire face aux besoins de l'enfant ; que l'inscription de l'enfant dans une école française, à laquelle M. A a pourvu, ne suffit pas à établir que sa venue en France correspondrait à son intérêt supérieur, alors qu'elle n'y a jamais vécu et qu'elle est prise en charge au Maroc par des membres de la famille de l'épouse de M. A ; qu'à supposer même que la soeur de cette dernière souhaite ne plus s'occuper de l'enfant, il n'est pas établi qu'une autre solution ne pourrait être trouvée sur place ; que dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le refus de visa contesté aurait porté atteinte au droit des intéressés à mener une vie privée et familiale normale, tel qu'il est garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'à l'intérêt supérieur de l'enfant et qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ne sont pas, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux sur la légalité de ce refus ; que sans qu'il soit besoin de rechercher si la condition d'urgence est remplie, la requête de M. A ne peut dès lors qu'être rejetée ;
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de M. Allal A est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Allal A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.