Vu la requête, enregistrée le 22 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Belgacem A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours dirigé contre la décision du 20 avril 2009 du consul général de France à Tunis (Tunisie) lui refusant un visa de long séjour en qualité de parent d'enfant français ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer sa demande de visa de long séjour dans un délai de 8 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que l'urgence est établie dès lors qu'il vit éloigné de sa compagne et de son enfant âgé de 18 mois depuis plus d'un an ; que, contrairement à ce qu'indique la décision litigieuse, M. A n'a jamais rejoint le territoire français de manière illégale ; que, par conséquent, la décision contestée est entachée d'erreur de fait ; qu'elle est également entachée d'erreur de droit puisqu'elle est motivée par l'absence de contribution du requérant à l'entretien de son enfant alors que cette circonstance ne constitue pas une condition à l'obtention de visa en qualité de parent d'enfant français ; qu'en outre, la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en effet, le retour en France de M. A, dont l'interdiction du territoire français a été levée par la cour d'appel de Paris le 2 février 2009, ne constitue pas une menace à l'ordre public ; que, par ailleurs, son frère, sa compagne et son fils vivent en France et qu'il n'a aucune attache familiale en Tunisie ; qu'en outre, il entretient des contacts réguliers avec sa femme et son enfant ; que, par conséquent, la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la décision dont la suspension est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation présentée à l'encontre de cette décision ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2009, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ; il soutient, qu'eu égard à la nature, à la gravité et au caractère répétitif des faits reprochés à M. A, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en lui refusant le visa au motif que son retour en France présentait un risque pour l'ordre public ; qu'elle n'a commis aucune erreur de droit ni aucune erreur de fait en tenant compte de l'absence de contribution du requérant à l'entretien et à l'éducation de son fils pour refuser la délivrance du visa sollicité ; que la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle est justifiée par un motif d'ordre public et que le requérant n'apporte aucune circonstance particulière démontrant une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale ; que la condition d'urgence n'est pas remplie puisque l'éloignement du requérant résulte, avant tout, de son comportement ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 octobre 2009, présenté par M. A ; il soutient que, contrairement aux allégations du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, il n'a jamais fait l'objet d'une reconduite à la frontière le 25 janvier 2006, et par conséquent, n'est pas revenu de manière illégale sur le territoire français ; qu'il a fait l'objet de deux condamnations pénales et non de trois comme le soutient le ministre ; que, par suite, M. A ne constitue en aucun cas une menace à l'ordre public ; que, dorénavant, la compagne du requérant ne pourra se rendre régulièrement en Tunisie ; qu'en outre, sa séparation de sa compagne et de son enfant présente une gravité suffisante pour caractériser l'urgence et la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, la séparation de M. A avec son fils porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 16 octobre 2009 à 10 h 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Coutard, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;
- l'épouse de M. A ;
- la représentante de M. A ;
- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si M. A, de nationalité tunisienne, a fait l'objet de deux condamnations pénales, dont la dernière a été prononcée en 2006, il a été relevé par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 2 février 2009 de la peine accessoire d'interdiction du territoire dont cette même cour avait assorti la seconde condamnation, compte tenu de la nouvelle situation résultant de son union stable avec une ressortissante française dont il a eu, en juin 2008, un enfant de nationalité française ; que n'ayant fait l'objet depuis d'aucune poursuite pénale, il ne saurait être regardé comme une menace pour l'ordre public ; qu'au cours de l'audience de référé, le représentant du ministre a reconnu ne plus soutenir que M. A avait cherché à se soustraire à la mesure d'éloignement dont il avait fait l'objet et à rentrer irrégulièrement sur le territoire français ; que la persistance de liens entre M. A, sa compagne et leur enfant est attestée par les voyages réguliers de ces derniers en Tunisie, dont la réalité et la destination n'est pas contestée par l'administration ; qu'il n'est pas établi par le ministre que M. A ne contribue pas effectivement à la prise en charge des besoins de l'enfant à l'occasion des séjours que ce dernier effectue en Tunisie avec sa mère ; que les attaches familiales de M. A sont en France, où il résidait depuis 2000 et où sont installés plusieurs membres de sa famille ; qu'eu égard à l'ensemble de ces circonstances, et alors même que l'administration consulaire n'était pas liée par la décision de la cour d'appel, le moyen tiré de ce que la décision de refus de visa litigieuse porte atteinte au droit de M. A de mener une vie personnelle et familiale normale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision ;
Considérant que la condition d'urgence doit être regardée comme remplie, compte tenu de la séparation imposée à M. A, à son épouse et à son enfant par la décision contestée ; qu'il y a lieu par suite de faire droit à la requête de M. A et de suspendre la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les refus de visa a rejeté son recours contre le refus de visa qui lui avait été opposé par le consul général de France à Tunis ;
Considérant que la suspension prononcée implique que le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire examine à nouveau la demande de M. A à la lumière des motifs de la présente ordonnance ; qu'il y a donc lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans le délai de dix jours à compter de la notification de la présente ordonnance ;
Considérant enfin qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les refus de visa a rejeté le recours formé par M. Belgacem A contre la décision du consul général de France à Tunis lui refusant un visa de long séjour en qualité de parent d'enfant français est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa présentée par M. Belgacem A à la lumière des motifs de la présente ordonnance dans le délai de dix jours à compter de sa notification.
Article 3 : L'Etat versera à M. Belgacem A la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Belgacem A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.